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qu'aux nues, aussitôt qu'il sera plein d'un gaz qu'ils ont le moyen de produire à volonté. Ce résultat semblait si incroyable que l'étonnement était général, même chez les personnes les plus instruites et connaissant les hautes capacités des deux inventeurs. Bientôt le ballon, représenté par un grand sac de toile doublé de papier, de 35 pieds de haut, se gonfle, grossit à vue d'œil, retenu par des bras vigoureux. A un signal donné il s'élance avec rapidité dans l'air et, en moins de 10 minutes, s'élève à environ 1.000 toises, dit un récit du temps. Puis il poursuit sa marche horizontalement; mais comme il perd peu à peu de son gaz un mouvement de descente se dessine et s'effectue lentement.

Un procès-verbal, signé des députés aux états du Vivarais, est envoyé aussitôt à l'Académie des sciences et consacre la découverte de l'aérostation. A Paris, l'émotion est grande. L'Académie des sciences décerne aux deux frères le titre de meinbre correspondant. Le roi Louis XVI accorde l'ordre de Saint-Michel à Joseph et une pension de mille livres à Étienne; leur vénérable père, âgé de 83 ans, reçoit des lettres de noblesse et la famille de Montgolfier a désormais pour devise : « Sic itur ad astra. »

Disons tout de suite que les deux frères vécurent assez longtemps pour jouir du fruit de leur découverte perfectionnée. Étienne mourut en 1799. Joseph lui survécut jusqu'en 1810, après avoir mis le sceau à sa gloire par la découverte du bélier hydraulique.

Sur la demande du ministre comte de Breteuil, l'Académie des sciences résolut de faire venir à Paris MM. de Montgolfier. Mais en altendant, un jeune savant, Faujas de St-Fond, prit le parti, pour calmer l'impatience publique, de faire faire une expérience à l'aide d'une souscription qui fut rapidement couverte. S'adressant au physicien Charles et aux frères Robert, constructeurs émérites, il leur demanda de construire un ballon. Charles se chargea de la direction de l'entreprise. En 25 jours, un globe sphérique en soie vernie au caoutchouc, ayant 12 pieds et 2 pouces de diamètre fut construit et gonflé dans une cour de la place des Victoires.

Il fallut ensuite le transporter au Champ de Mars où devait avoir lieu l'ascension, ce qui n'était pas une petite affaire. Le 27 août 1783, à 2 heures du matin, on commença le transport du ballon tout gonflé. « Il fut, dit Faujas de Saint-Fond, déposé sur un brancard prêt à le recevoir et disposé pour cet objet. Les mêmes lisières qui le tenaient suspendu

dans la cour le rendirent stable et il entra en marche. Rien de si singu

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lier que de voir ce ballon ainsi porté, précédé de torches allumées, entouré d'un cortège et escorté par un détachement du guet à pied et à

XXVIII (Juillet 1903.) N° 295.

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cheval! Cette marche nocturne, la forme et la capacité du corps qu'on portait avec tant de pompe et de précaution, le silence qui régnait, l'heure indue, tout tendait à répandre sur cette opération une singularité et un mystère véritablement faits pour en imposer à tous ceux qui n'auraient pas été prévenus. Aussi, les cochers de fiacre qui se trouvèrent sur la route en furent si frappés, que leur premier mouvement fut d'arrêter leur voiture et de se prosterner humblement, chapeau bas, pendant tout le temps qu'on défilait devant eux. »>

Enfin on arriva au Champ de Mars où on s'occupa à faire du gaz. A midi, le ballon était assez plein pour avoir une belle forme. « Le Champ de Mars était garni de troupes, les avenues étaient gardées de tous côtés.

A 3 heures on vit le Champ de Mars se couvrir de monde; les carrosses arrivaient de toute part, et bientôt ils ne purent aller qu'à la file. Les bords de la rivière, le chemin de Versailles, l'amphithéâtre de Passy, étaient garnis d'une foule immense de spectateurs. » A cette superbe assemblée il manquait cependant quelqu'un, Étienne de Montgolfier, qui, arrivé à Paris, se voit refuser impitoyablement l'accès de l'enceinte du Champ de Mars, bien qu'il se soit fait connaître. Première conséquence des jalousies et des rivalités !

A un signal donné par un coup de canon, le globe dépouillé des attaches qui le retenaient, s'élança avec une telle rapidité qu'en 2 minutes il se trouva dans un nuage où il disparut. On le revit un peu après et la pluie qui survint ne l'empêcha pas de monter. Environ 300.000 spectateurs enthousiasmés assistèrent à l'expérience. « La satisfaction était si grande que les dames élégamment vêtues, les yeux dirigés sur le globe, recevaient la pluie la plus forte et la plus abondante sans se déranger, s'occupant beaucoup plus alors de voir un fait aussi surprenant que du soin de se garantir de l'orage. »

Le ballon, qui avait été trop gonflé et était entièrement fermé, ne tarda pas à crever et, au bout de 3/4 d'heure descendit à Gonesse, à 5 lieues de Paris. Alors se passa une scène de haut comique. Les paysans terrifiés par cette masse qui tombe du ciel, vont chercher leur curé pour exorciser cette chose diabolique. Celui-ci, qui n'est pas beaucoup plus rassuré que ses paroissiens, ne s'approche que de loin de cette machine gonflée qui a encore des spasmes. Enfin, un plus brave que les autres commence la fusillade sur le monstre qui, criblé de chevrotines, perd

son gaz par mille ouvertures. Puis la foule se rue sur le ballon, l'attache à la queue d'un cheval et le met en pièces.

Cependant Étienne de Montgolfier, malgré la concurrence inattendue qu'il rencontrait, se mettait à l'œuvre pour renouveler son expérience d'Annonay. Grâce à l'appui du grand papetier Réveillon, son ami, il fit construire un aérostat de grand volume, ayant la forme d'une pyramide de 8 mètres de hauteur et d'un poids de 1.000 livres. Les essais amenèrent le gonflement du ballon en 10 minutes, avec la fumée de la paille qu'on fit brûler avec de la laine hachée. Mais un vent furieux et une pluie violente qui durèrent 24 heures mirent l'aérostat en un tel état qu'il devint hors d'état de servir.

Montgolfier se remit aussitôt à l'œuvre et, en 5 jours, un nouveau ballon fut prêt. On le transporta le 19 septembre 1783 à Versailles, où l'expérience devait avoir lieu dans la grande cour du château. Sous le ballon on avait disposé un panier en osier, sorte de nacelle qui allait recevoir les premiers aéronautes un mouton, un coq et un canard! Une double enceinte de troupes contenait difficilement une foule immense accourue de Paris et des environs.

Au signal donné le ballon s'enleva, mais une pression des cordes ayant déterminé au dernier moment une déchirure, l'aérostat ne put rester que 8 ou 10 minutes en l'air. Il vint tomber à Vaucresson, à une lieue de son point de départ. Un arbre l'arrêta dans sa chute pendant que le panier où se trouvait les animaux touchait doucement le sol.

PREMIÈRES ASCENSIONS LIBRES

Après ces expériences réitérées nul doute ne pouvait subsister sur la possibilité de s'élever dans les airs. Restait à savoir si un aérostat pourrait enlever des hommes et si ceux-ci pourraient le diriger et se maintenir en l'air. C'est à la solution, maintenant rendue facile de ce problème, que s'appliqua Montgolfier. Il fit construire un aérostat de plus grande dimension que les précédents et le munit à sa base d'une galerie d'osier pouvant contenir plusieurs personnes. Au milieu du vide formé par cette galerie était suspendu une espèce de panier de fil de fer formant un réchaud pour y brû.er de la paille ou tout autre combustible produisant du gaz et qu'on allumerait en l'air pour maintenir le gonflement de l'aérostat.

On commença par faire des expériences de ballon monté en retenant

l'aérostat avec des cordes. Celui qui avait le premier proposé de s'embarquer dans les airs, Pilâtre de Rozier, s'y livra avec ardeur et établit, qu'en entretenant plus ou moins de feu, on pouvait monter ou descendre à volonté. Il proposa alors de faire une ascension libre. Mais Montgolfier hésitait à prendre une telle responsabilité. La question agitait les esprits et le roi Louis XVI ne voulait autoriser l'ascension que par des condamnés auxquels on ferait gràce s'ils en revenaient. A cette nouvelle Pilâtre de Rozier s'indigna de voir qu'on voulait laisser à des condamnés la gloire de la 1re ascension. Beaucoup de gentilshommes l'appuyèrent à la cour, notamment le mis d'Arlandes, qui avait fait avec lui des ascensions captives. Enfin l'autorisation fut donnée et le 21 novembre 1783, date à jamais mémorable dans l'histoire des sciences, eut licu« le 1er voyage que les hommes aient tenté à travers un élément, qui, jusqu'à la découverte de MM. Montgolfier, semblait si imparfait pour les supporter » suivant l'expression du mis d'Arlandes,

Le ballon, qui partit des jardins de la Muette, contenait Pilâtre de Rozier et le mis d'Arlandes. Il s'éleva avec majesté en présence d'une foule immense, se dirigea vers l'ouest puis revint sur Paris, traversa la Seine, s'orienta vers le bois du Luxembourg, les moulins de Petit. Gentilly, montant et descendant selon que les aéronautes jetaient plus ou moins de paille sur le brasier et vint finalement atterrir doucement près de la butte aux Cailles. Cette 1re ascension était un succès qui consacrait définitivement la découverte des frères Montgolfier.

Franklin assistait à cette ascension. C'est alors que s'adressant à quelqu'un qui lui disait : « A quoi servent les ballons? » il fit cette réponse topique « A quoi sert l'enfant qui vient de naître? »

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Quelques jours après le physicien Charles et les frères Robert exécutaient la 2o ascension, qui, préparée aux Tuileries en présence d'une foule peut-être plus considérable encore — on l'évalue à 400.000 personnes se fit remarquer par le perfectionnement de l'appareil. On peut dire, en effet, que Charles avait créé presque du premier coup le matériel aérostatique C'est ainsi que pour cette expérience i imagina le filet, qui, enveloppant le ballon répartit également le poids de la nacelle sur toute la surface de l'aérostat, la soupape, l'appendice, le lest, se servit du baromètre pour suivre les mouvements ascensionnels et d'une ancre pour l'atterrissage. It ne manquait que le cercle de sus pension et le guide rope pour avoir le matériel actuel.

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