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Accomplie par une belle journée, le 1er décembre 1783, l'ascension réussit admirablement. A 1 h. 1/2 le canon annonça le départ; peu après, un 2o coup donna le signal du « lâchez tout». Le ballon s'éleva lentement au milieu d'immenses applaudissements. Les soldats présentaient les armes et les officiers saluaient de l'épée. Le ballon se dirigea vers le nord-ouest, franchit la Seine entre S'-Ouen et Asnières, passa au-dessus de Sannois, S'-Leu, l'Ile-Adam et descendit à 3 h. 3/4 près de Nesles, à 9 lieues de Paris. Après avoir fait signer le procès-verbal de traversée, Charles repartit seul dans la nacelle. Le ballon ainsi délesté s'élança comme un trait dans les airs. Au départ, le soleil était déjà couché pour les habitants. « Bientôt, dit Charles, il se leva pour moi seul. J'étais le seul corps éclairé dans l'horizon et je voyais tout le reste de la nature plongé dans l'ombre. Bientôt le soleil disparut lui-même et j'eus le plaisir de le voir se coucher deux fois dans le même jour », spectacle dont un être humain jouissait pour la première fois. Charles tira alors la soupape et le ballon vint se poser doucement à une lieue environ de son dernier point de départ.

Cette belle ascension eut un retentissement considérable. L'Académie des sciences combla Charles d'honneur et le Roi lui accorda une pension de 2.000 livres. Jamais Charles ne remonta en ballon. On prétend qu'à sa 2o et si foudroyante ascension, son émotion fut telle qu'il se promit de ne plus jamais s'exposer de la sorte.

A partir de ce moment, les voyages aériens firent fureur et se multiplièrent rapidement. On n'entendit plus parler que de montgolfières, de charlottes et de robertines. Le 24 juin 1784 eut lieu à Lyon la 1 ascension faite par une femme, Mme Thible, qui, en présence du roi de Suède, Gustave III, s'éleva à 2.700 m. et resta 3/4 d'heure en l'air. Ce fut surtout en France que se manifesta cette passion de l'aérostation (1). Cependant, à la fin de 1784, la 1 ascension eut lieu à Londres; mais ce fut un Italien, Lunardi, qui l'exécuta. Le 29 juin 1785 ce fut le tour de la 1a Anglaise, mistress Sage, en compagnie de Lunardi.

Le problème de l'élévation en l'air une fois trouvé, on se mit alors à

(1) D'où le quatrain suivant qui fut fort en vogue :

Les Anglais, nation trop fière,
S'arrogent l'empire des mers;
Les Français, nation légère,
S'emparent de celui des airs.

la recherche de la direction des ballons. Les projets abondèrent. Un certain M. Guyot proposa dans un traité une nacelle en forme de barque munie d'une voile. Un architecte, Masse, dotait son ballon, en guise de propulseurs, de gigantesques rames ayant la forme de pattes de cygnes. Tous deux donnaient à leurs aérostats une forme allongée. Mais ces projets n'eurent pas de suite.

Joseph de Montgolfier chercha, lui aussi, à résoudre le problème de la direction. Il fit à ce propos des essais qui ne donnèrent point de résultat, et son opinion fut que la direction absolue était une chimère. Le

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fait est qu'aujourd'hui, plus d'un siècle après, le problème n'est pas encore résolu.

En 1785, Blanchard traversa le premier le Pas-de-Calais. Il partit de Douvres, le 7 janvier, avec le dr Jeffries, un Américain. Un vent favorable le poussa vers la France; mais arrivé au milieu du détroit le ballon se dégonfla rapidement, descendant vers les flots. On jeta tout le lest. puis les approvisionnements, les rames, les ancres, les instruments, les vêtements mêmes. Le ballon descendait toujours! Le dr Jeffries offrit alors à son compagnon de se jeter à la mer pour le sauver. Mais Blanchard refusa. Déjà il se préparait à couper la nacelle et à se cramponner aux cordes, dernier espoir de salut, lorsque le mouvement de descente s'arrêta. Le ballon remonta un peu, passa au-dessus de Calais et, après 2 h. 1/2 de navigation, vint atterrir dans la forêt de Guines.

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Pendant que Blanchard franchissait le Pas-de-Calais, Pilâtre de Roziers se morfondait depuis plusieurs mois à Boulogne, attendant un vent favorable pour faire le même trajet, mais en sens inverse. La nouvelle

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du succès de Blanchard lui valut une avalanche de quolibets et d'épigrammes. Aussi après une longue attente se décida-t-il à partir dans de mauvaises conditions et sans avoir un vent favorable, comme devait faire plus tard au Spitzberg l'infortuné Andrée. Le 15 juin, Pilâtre, accom

pagné d'un Boulonnais qui s'était associé à lui, Romain, s'élevait dans son aérostat. Le vent le poussa d'abord sur la mer, mais presqu'aussitôt le rejeta sur la côte de France. Alors Pilâtre, voulant descendre, tira la soupape. Celle-ci, mal racommodée, fit crever le taffetas et retomba à l'intérieur du ballon. L'enveloppe, pourrie par de longs et inutiles essais, se déchira et s'affaissa sur la montgolfière, dont elle détermina la chute. rapide et violente. Les deux aéronautes tombèrent fracassés. Pilâtre fut tué du coup; Romain survécut encore quelques minutes, mais sans avoir repris connaissance. Le ballon, dit un témoignage du temps, pouvait être à 1.700 pieds en l'air au moment de la chute. Il tomba à plus d'une lieue de Boulogne et à 300 pas du bord de la mer.

Cette épouvantable catastrophe eut un douloureux retentissement; mais elle n'arrêta pas les aéronautes dont les tentatives se multiplièrent. Blanchard, notamment, fit des ascensions répétées.

C'est à cette époque que les directeurs d'une fabrique de produits chimiques de Javel, Alban et Vallet, firent une série d'essais en aérostat avec un propulseur muni de petites ailes de moulin à vent qui en faisaient une véritable hélice. Ils purent aisément se diriger par un temps calme; mais, à la moindre brise, ils ne pouvaient lutter, n'ayant pour seul moteur que la force musculaire qui était absolument insuffisante.

LES AÉROSTIERS MILITAIRES DE LA 1re RÉPUBLIQUE

La tourmente révolutionnaire, qui se déchaîna bientôt, fit tomber l'enthousiasme qui avait salué la découverte de la navigation aérienne. Mais celle-ci allait cependant rendre de sérieux services en contribuant à la défense du pays envahi par les armées de la coalition. Le comité de Salut public chargea le physicien Coutelle de construire pour l'armée de Sambre-et-Meusé un ballon captif. Envoyé à l'arinée, Coutelle fut reçu par le commissaire de la Convention, Duquesnoy, qui, aux premiers mots, le regarda de travers et parla de le faire fusiller. Heureusement le général Jourdan prit la proposition au sérieux et engagea Coutelle à revenir avec un aérostat.

Coutelle avait été installé, avec Conté et d'autres collaborateurs, au château de Meudon, là où se trouve encore de nos jours l'aérostation militaire. Dans ses expériences, il parvint à réduire à 15 heures le temps nécessaire au gonflement d'un ballon. Il découvrit, pour rendre l'enveloppe imperméable, un vernis tellement parfait que des aérostats

purent rester gonflés en campagne pendant plus de 2 mois. Le secret de ce procédé a été perdu et les moyens employés aujourd'hui ne le valent pas.

Les expériences ayant été satisfaisantes, le comité de Salut public, par arrêté du 13 germinal an II, créa une compagnie d'aérostiers mili

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taires, qui fut plus tard dédoublée. Le capitaine était Coutelle, qui reçut l'ordre, pour ses débuts, de se rendre à Maubeuge menacée par les Autrichiens. La 1re ascension se fit au bruit du canon et des hourras de la garnison. Du haut de cet observatoire, on pouvait suivre tous les mouvements des Autrichiens. L'effet produit sur l'ennemi par un spec

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