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malheureuse Madame de Lamballe, était la tante à la sixième génération de S. M. Victor-Emmanuel III.

Parenté directe des rois d'Italie actuels avec François Ier.

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Une autre princesse, Marguerite, fille de François Ier, surnommée dans ses propres états et de son vivant même, la « Vertueuse mère du peuple», devait être, détail fort curieux, l'une des ancêtres des souverains actuels d'Italie.

Née en 1523 à Saint-Germain, elle perdit à l'âge de un an sa mère « la bonne reine Claude » et fut élevée par sa tante paternelle Marguerite, reine de Navarre, en compagnie de sa sœur Madeleine et des petites princesses Éléonore d'Autriche (1) et Marie Stuart (2).

Douée de toutes les grâces de l'esprit et de tous les charmes de la

(1) François Ier, veuf, devait épouser cette jeune sœur de Charles-Quint. (2) Elle devint la femme de François II.

beauté, Madeleine était l'ornement des fêtes royales, lorsque Jacques V, roi d'Écosse demanda et obtint sa main. Six mois après, la jeune reine mourait âgée de seize ans, d'une fièvre contractée dans les brouillards de sa nouvelle patrie. A ce sujet, Ronsard se lamente:

« Ni larmes du mari, ni beauté, ni jeunesse,

Ni vou, ni oraison ne fléchit la rudesse

De la Parque qu'on dit la fille de la Nuit,

Que cette belle reine, avant que porter fruit,

Ne mourût en sa fleur... »

Mais Marguerite devait trouver à cette cruelle disparition, son premier et son plus grand chagrin, une sage diversion dans la Cour de France, où, depuis Louis XII, l'érudition était de mode, où toutes les princesses rivalisaient de science avec les hommes.

La reine de Navarre si délicate, si spirituelle dans son « Heptameron », si subtile dans ses poésies, mystiques avait déjà puisé dans les « Adages » d'Erasme la substance de la sagesse antique; elle savait le grec et la libre allure de son esprit lui permit de garder toute son originalité et de ne jamais tomber dans le pédantisme.

Sa nièce, Marguerite, dont nous nous occupons, paraît avoir tenu le premier rang parmi toutes les femmes savantes du xvre siècle. Elle était familiarisée, à l'âge où l'on joue encore à la poupée, avec toutes les langues et tout ce qu'on enseignait au Collège Royal, l'hébreu excepté. « Que fait la princesse, demande L'Hospital, dans une épître en vers, quelles sont ses études ? se complait-elle toujours dans la société de Virgile, d'Horace, de Cicéron et de tous les princes de la littérature latine? » En 1546 l'ambassadeur vénitien Marino Cavalli célèbre Marguerite « digne du plus grand prince de l'univers » et « érudite par-dessus tout >> « sopra tutto erudita ». Nous la verrons, du reste, à tout âge, entourée des plus beaux esprits de son temps, les attirant constamment près d'elle, par sa conversation facile, variée et mesurée, toujours avide d'apprendre, et consacrant à l'étude ses après-diners mêmes.

Ce goût de l'érudition reparait tout entier dans l'éducation donnée à cette époque aux enfants royaux. Danès, ancien professeur de grec au Collège de France, instruit le Dauphin, tandis que le célèbre Amyot est le maître des princes cadets, Charles et Henri. Marguerite a pour précepteur Pontronius.

Petite, blonde, d'une peau blanche, elle était également infatigable

aux exercices du corps : courses à pied, jeux de balle et au mail, etc. Appelée, en 1549, par la mort de sa tante de Navarre, à gouverner le duché de Berry dont elle avait l'apanage, elle résida souvent dès lors à Bourges, se dévouant avec un zèle inouï au bien-être de ses populations, et déployant dans l'administration de cette province avec l'aide de son vieil ami, le chancelier de L'Hospital qui l'y avait accompagnée (1), les qualités de son intelligence supérieure.

Témoignant une constante sollicitude à l'Université de Bourges qui, sous la régence de sa tante, avait déjà possédé Amyot lecteur de grec au Collège Royal et l'enrichissant pour le droit, de Duaren, Baron, Baudoin. Doneau, Hotman et Leconte, neveu de Calvin, elle lui donne encore sa gloire principale, Cujas. De ses deniers elle crée cinq facultés ès sciences, lettres, arts, etc.; de tous les pays les étudiants affluent à Bourges.

Les questions littéraires qui se débattaient à Paris ne la laissaient néanmoins pas indifférente : elle fut la première, on le sait, à se déclarer pour la Pléiade et à soutenir Ronsard méconnu. Intervenant dans la querelle entre ce poète et Saint-Gelais, qui avait malignement défiguré les vers de Ronsard, immédiatement elle se rend à Paris, dénonce au roi son frère le procédé déloyal et la calomnie, et plaide avec chaleur la cause de la grande poésie et des lettres antiques restaurées par Is Pléiade. Henri II est gagné à l'éloquence de sa sœur et proclame l'avènement de Ronsard.

Sur ces entrefaites la longue lutte qui divisait la France et l'Espagne prenait fin avec le traité de Cateau-Cambrésis. On admettait des concessions réciproques des deux côtés : la France perdait la Corse et l'Italie, mais gardait Trois Évêchés, Turin, et certaines sentinelles avancées en Piémont Nous n'avions plus les Espagnols à nos portes, et nous étions, pour le moment, du moins, maîtres des défilés. En échange de ces places fortes, le duc de Savoie, Emmanuel Philibert demandait la main de Marguerite de France, alors âgée de 36 ans. La dot de sa femme était donc la restitution par nous de l'Italie française, mais d'un autre côté elle avait prouvé par son long célibat et déclaré qu'elle « accepterait seulement une union utile et profitable aux intérêts de la France ». A l'occasion de ce mariage (2), conclu le même jour que celui de sa

(1) Il devait également, plus tard, se rendre à son appel en Savoie.

(2) Lire l'Épithalame de Jodelle et la comédie de J. Dubois sur les mariages des rois d'Espagne et prince de Piedmont ».

fille Elisabeth avec Philippe II roi d'Espagne, Henri Il donnait un tournoi. Du palais royal des Tournelles et de l'église Saint-Paul où le double mariage venait de se célébrer les nobles ambassades et la foule se por

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taient à la Bastille où étaient les lices. Le roi, selon l'usage, fut le premier des tenants et brilla tout le temps: le combat était fini quand il lui vint la fantaisie de briser encore une lance contre le capitaine des

gardes, Montgommery; l'officier refusait, le roi insista. Un accident très rare survint; un éclat de bois de la lance de Montgommery arracha la visière du casque de Henri II et lui pénétra dans la cervelle. Voilà la joie changée en deuil, et les deux épousées en larmes, à deux pas de l'agonisant, pendant les quinze jours où il put survivre encore à ses effroyables souffrances.

En quittant la France pour la Savoie, elle allait donner une preuve éclatante de son attachement tenace au Berry. Voulant éviter à son ancien duché les dépenses considérables qu'entraîne toujours la réception des princes, elle avertit les échevins de Bourges « que pour le soulagement de la ville et à cause de son grand deuil, elle s'en irait droit à Romorantin où elle séjournerait trois ou quatre jours, et de là gagnerait Moulins au travers du Berry sans entrer ni à Bourges ni aux villes... ». Néanmoins à son passage à Romorantin elle eut la surprise de recevoir une députation des habitants de Bourges auxquels elle transmit ces adieux :

<< Très chers et bien amez, nous avons entendu ce qu'il nous a été dict sur l'estat auquel sont vos affaires et la bonne et saincte délibération que prenez de pourvoir aux choses nécessaires et de relever la draperie (1). En quelque lieu que nous soyons vous nous trouverez toujours aussi favorable en ce qui vous touchera et avons donné et donnons ordre à nostre parlement de la Court que vous y serez ouys et favorisez comme cy-devant. »

Donné à Romorantin, le xxie jour de novembre 1559. » Dans son nouveau duché elle conserve le même culte pour la science: des lettres patentes ducales de 1564 instituent le collège de Chambéry; grâce à ses sacrifices son Université de Savoie rivalise avec celle de Bourges et par ses libéralités une foule d'hommes illustres et de savants français passent les monts et se trouvent réunis dans ce petit royaume de Savoie, où comme en France tout le mouvement intellectuel est dû à son initiative. Défenseur dévoué, auprès de son mari, de tous les amis des Muses, elle continue de loin à protéger Ronsard, et appelle Cujas à Turin avec les émoluments et la charge de conseiller ducal.

Cette protectrice éclairée des lettres devait aussi être l'arbitre des arts

(1) Comme son père François Ier, la duchesse Marguerite s'occupa avec intérêt de cette question vitale pour le Berry: mais peu à peu les draperies de Châteauroux supplantèrent celles de Bourges.

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