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fixée comme suit par l'article 1er: « Les fractions de territoires militaires, situées au sud des circonscriptions suivantes : cercle de Marnia, annexe d'El Aricha, annexe de Saïda, cercle de Tiaret, annexe d'El Afflou, cercle de Boghar, annexe de Chellala, annexe de Sidi-Aïssa, cercle de Bou-Saada, annexe de Barika, poste de Tkout (cercle de Biskra ), cercle de Khenchela, cercle de Tébessa, constituent un groupement spécial dénommé territoires du Sud, dont l'administration et le budget sont distincts de ceux de l'Algérie. »

Les territoires du sud sont dotés de la personnalité civile; et peuvent ainsi posséder des biens; ils peuvent également contracter des emprunts et entreprendre de grands travaux publics, mais seulement en vertu d'une loi et par l'intermédiaire du gouverneur de l'Algérie, leur représentant dans les actes de la vie civile.

Les territoires possèdent un budget autonome et distinct de celui de l'Algérie à dater du 1er janvier 1903. Il leur sera accordé, sur le budget de la métropole une subvention fixée chaque année par la loi de finances.

Les territoires seront divisés en 4 commandements à la tête desquels seront des officiers supérieurs placés sous la direction du général commandant le 19e corps et ressortissant à la haute autorité qu'exerce le gouverneur général civil. Le siège des 4 commandements sera établi dans les localités suivantes : Ouargla, Laghouat, Aïn-Sefra et Adrar.

La superficie des territoires est évaluée a environ à 360.000 kilomètres carrés, ou près des 23 de la France, et ne renfermant guère qu'un habitant par kilomètre carré. Cette superficie variera sans doute plus d'une fois, en raison de l'extension probable qu'auront ceux des territoires touchant à la région des Touareg, à mesure que se prononcera notre extension saharienne.

Lors de la discussion du projet d'organisation à la Chambre (25 mars 1902), d'assez vives critiques ont été dirigées contre celui-ci. On lui a reproché son caractère militaire, son autonomie financière le soustrayant aux Délégations algériennes et sa division en deux de l'Algérie actuelle. M. Révoil, gouverneur général, a répondu à toutes les objections, avec une précision et une clarté d'argumention qui ont enlevé le vote du projet. Il s'est très justement défendu du reproche de diviser l'Algérie. « Ces deux Algéries, a-t-il dit, elles existent en fait et sont nettement différenciées par le climat, par la nature du sol, par les habitudes des tribus, par les coutumes et le droit qui leur sont propres, par l'admi

nistration spéciale et traditionelle dont elles sont l'objet. » Rien n'est plus vrai; et c'est en se basant sur ces différences essentielles que seront organisés les nouveaux territoires. C'est ainsi que dans la délimitation des commandements on a tenu autant que possible à ne pas fractionner les tribus nomades et à englober dans le même territoire leur aire de parcours. On a séparé également les territoires militaires dans lesquels la colonisation est susceptible de s'implanter de ceux qui ont un caractère nettement saharien.

Quant à la création d'un commandement militaire unique, il n'en est nullement question et son existence serait rendue sans objet par la difficulté des communications

Au point de vue budgétaire l'exagération des dépenses du Sud algérien était causée jusqu'ici par l'enchevêtrement des crédits répartis dans tous les chapitres du budget de la guerre et se confondant avec les dépenses du 19 corps. Désormais il n'en sera plus ainsi. Les dépenses civiles seront strictement limitées aux ressources du pays. Quant aux dépenses militaires, qui ont un caractère de souveraineté et sont par suite du ressort de la métropole, elles seront fixées à l'avenir par la subvention que mentionnera la loi de finances.

Les frais d'occupation du sud seront d'ailleurs sensiblement diminués par suite du remplacement des contingents européens de la région du Touat par des troupes sahariennes. Le décret du 1er avril 1902, qui a créé 3 compagnies mixtes des oasis sahariennes, a organisé le recrutement sur place de ces corps qui n'ont de français que les cadres. Par suite, les frais de ravitaillement toujours coûteux pour des soldats européens, seront réduits à peu de chose, et ces troupes, habituées au climat brûlant des oasis, seront à la fois plus résistantes et plus mobiles.

Si le contrôle financier des territoires du sud n'est pas laissé aux autorités algériennes du nord, c'est que les intérêts du sud auraient pu ne pas se trouver avantagés de leur confusion avec le budget algérien. L'exemple de ce qui se passait jusqu'ici n'était pas fait pour encourager cette tendance. En effet, les budgets départementaux n'affectaient aux dépenses destinées au sud qu'une infime partie du produit de leurs impôts. Sur 645.000 fr. provenant des impositions des tribus du sud dans les 3 départements la maigre somme de 27.000 fr. était seule affectée aux dépenses de ces tribus Avec la nouvelle organisation l'ensemble des impôts perçus dans le sud sera dépensé sur place et les dé

penses civiles devront être payées avec les ressources locales, c'est-à-dire les contributions indigènes.

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L'ensemble de ces dispositions basées sur la nature géographique de l'Algérie et les intérêts mêmes des populations se trouve donc être une heureuse innovation.

XXVIII (Février 1903.) N° 290.

G. V.

7

ET LA SITUATION

L'empire du Maroc est connu depuis longtemps comme la terre classique des soulèvements. Le désordre y règne en maître au triple point de vue politique, administratif et financier; aussi les razzias et les conflits entre tribus y existent-ils à l'état endémique. L'autorité du sultan n'est reconnue que là où il peut la faire sentir réellement; partout ailleurs ses représentants sont accueillis bien plus à titre religieux qu'à titre d'agents politiques. Les tribus éloignées reçoivent généralement fort mal ses collecteurs de taxes; aussi le sultan est-il obligé, pour faire rentrer l'impôt, d'entreprendre avec son armée de véritables expéditions qui lui permettent de razzier les tribus par trop indépendantes.

Cet état d'anarchie est devenu tellement chronique au Maghreb que les insurrections qui y éclatent périodiquement ne retiennent plus l'attention au dehors. Il en fut de même naguère d'une levée de boucliers qui se produisit dans la région de Taza, à l'est de Fez. Mais le chef de la révolte, Bou Hamara, ayant mis en complète déroute l'armée de l'empereur Moulaï Abd el Azis, lui enlevant son camp, ses bagages et aspirant, en outre, à monter sur le trône des sultans, on fut amené à reconnaître qu'il n'y avait pas seulement là une révolte ordinaire, mais une tentative de révolution. Celle-ci était dirigée contre la politique, par trop européenne aux yeux des musulmans, que pratiquait le sultan entouré de conseillers britanniques. Si, en effet, la révolte de Taza a eu tout d'abord un caractère local, son extension rapide est due surtout au mécontentement général provoqué par l'attitude peu islamique du monarque chérifien.

Fils d'une Circassienne, Abd el Azis avait succédé, fort jeune encore, à son père Moulaï-Hassan, mort en juin 1894. Il avait eu alors à lutter contre les prétentions de son frère aîné Moulaï-Mohamed; mais le grand vizir Ba-Ahmed, qui jouissait d'une influence considérable, s'étant prononcé en sa faveur, il fut reconnu sultan et fit enfermer son frère à Méquinez. Ba-Ahmed étant mort à son tour, Abd el Azis se laissa aller à ses inspirations et fut séduit par le côté attractif de la civilisation européenne, dont quelques étrangers, qui avaient su prendre pied à sa cour, lui vantaient sans cesse les mérites.

Parmi ces étrangers se trouvaient deux Anglais qui étaient parvenus peu à peu, grâce à leurs intrigues, à devenir ses confidents et ses conseillers autorisés. L'un était un ancien sous-officier, Mac Lean, devenu caïd marocain et commandant de la garde du sultan. L'autre était M. Harris, correspondant du Times, homme actif et entreprenant, qui s'était fait, en quelque sorte, l'éducateur moderne du sultan. Ce dernier s'était si bien adonné aux choses nouvelles qu'on le voyait, au grand scandale des musulmans rigides observateurs de l'Islam, s'habiller à l'européenne, monter à bicyclette, faire la photographie des femmes de son harem et se livrer avec ardeur aux jeux sportifs en honneur chez les chrétiens. « Chose incroyable, dit M. H. de Castries, et profondément blessante pour la dignité musulmane, on vit le descendant du Brophète, la djellaba retroussée, faisant avec le correspondant du Times un match au tennis! >>

L'absence de contrainte que le sultan mettait dans ses épanchements, le parti-pris qu'il semblait affecter de blesser les sentiments et les croyances de ses sujets, l'influence sans cesse grandissante des Anglais à sa cour, où ils avaient constamment libre accès; enfin, des actes peu habiles et des réformes prématurées avaient indisposé contre lui de nombreux musulmans et plus particulièrement le corps puissant des ulémas, ces docteurs de la loi, gardiens fidèles des immuables traditions de l'Islam.

Tout récemment, un incident tragique souleva l'indignation des populations lorsqu'on apprit que, par ordre du sultan, un musulman avait été arraché d'un sanctuaire inviolable, flagellé et mis à mort pour avoir attenté aux jours d'un infidèle.

Le 17 octobre dernier, un fanatique indigène tirait à bout portant, dans les rues de Fez, un coup de fusil sur un Anglais, le Dr Cooper, et se réfugiait dans la mosquée de Moulaï Idris. A la première nouvelle de cette agression, M. Harris et le vice-consul britannique, M. Hastings, se rendaient au palais, où ils étaient reçus immédiatement. Le sultan donna aussitôt l'ordre d'arrêter le coupable, bien que le sanctuaire fût considéré comme inviolable, ce qui ne s'était jamais vu au Maroc. Le meurtrier, amené devant le sultan et interrogé en présence de toute la cour, déclara qu'il était venu à Fez dans le but de tuer le premier infidèle qu'il rencontrerait; c'est pour ce motif qu'il avait frappé le D' Cooper. Le sultan ordonna alors de le fouetter publiquement, ce qui fut fait

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