Page images
PDF
EPUB

des infortunés compagnons de saint Antoine; mais ceux qui avaient succombé dans la lutte avaient déjà été escamotés avec une dextérité digne de Robert Houdin. Quelques coupables furent pris sur le fait et punis; mais les moins innocents échappèrent à toute investigation. Ceux-ci ne s'attendaient pas à se voir dénoncés par leurs victimes elles-mêmes! C'est pourtant ce qui arriva. Le lendemain, les rapports des régiments signalèrent l'entrée à l'ambulance d'un assez grand nombre de malades. Tous étaient atteints de la dyssenterie, et les médecins n'hésitèrent pas à déclarer que la cause de leur indisposition provenait d'un excès de nourriture de viande de porc. Or, comme l'administration n'en avait pas distribué, il résultait de cette déclaration médicale que les Indiens seuls avaient fait les frais de ce mets de luxe. Devant l'évidence, les malades avouèrent la vérité, et ils portèrent la peine de leur acte de chapardise et de gloutonnerie. Les cochons étaient vengés.

Le 1er mai, le corps Lorencez campe à Palmar. Nous y apprenons que Saragoza dispose de 12,000 hommes, mais qu'il a traversé Palmar avec 5,000 hommes seulement et 16 pièces de canon. Quelle route ont prise les autres troupes? C'est ce qu'il nous est impossible de découvrir.

Les Indiens que nous rencontrons, qui n'ont pas le temps de nous éviter, ou ont le courage de passer à travers nos lignes, sont d'un mutisme tel qu'on est tenté parfois de les croire privés d'intelligence. A toute question qu'on leur fait : leur demande-t-on s'il y a du bois ou de l'eau dans le village, ou si les troupes mexicaines viennent de passer, ils vous répondent invariablement : « Quien sabe, signor? » avec un sourire béat. C'est évidemment de leur part un parti si bien pris de réduire leur science à ces trois mots, qu'à cette question posée à brûle-pourpoint à l'un d'eux « As-tu une femme, des enfants? »> il nous est fait absolument la même réponse : Qui pourrait le dire, monsieur? »

"

D'ailleurs, quatre jours seulement nous séparaient du moment où nous allions pouvoir juger par nous-mêmes, et à nos dépens, du nombre et de la valeur des forces de l'ennemi.

[ocr errors]

Nous passâmes la journée du 2 mai à Quecholac; à Acasingo, celle du 3. Encore une étape, celle d'Amozoc, et nous sommes devant Puebla.

ÉTAT NOMINATIF POUR LES OFFICIERS, NUMÉRIQUE POUR LA TROUPE, DES TUÉS, DISPARUS, PRÉSUMÉS MORTS, ET DES BLESSÉS, DANS LA JOURNÉE DU 28 AVRIL 1862, AUX CUMBRES.

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][ocr errors][ocr errors][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

CHAPITRE VIII

Le mai, la colonne arrive à Amozoc. Le conseil de guerre dresse le plan d'attaque du fort Guadalupe. - Nuit qui précède le combat. Trois mois revécus dans un songe.

Le 4 mai 1862, la vie semblait s'être retirée du village d'Amozoc, situé à quatre kilomètres de Puebla. Les rues étaient désertes et les maisons fermées. De loin en loin, on entendait quelques aboiements de chiens, ou bien encore on voyait passer quelque habitant attardé, se hâtant de faire rentrer ses bestiaux. Aux portes de la ville, une population nomade d'Indiens levait son camp, et reprenait, à travers la campagne, le chemin de Puebla. Hommes et femmes, chargés comme des bêtes de somme, le corps légèrement incliné en avant par le poids de leurs fardeaux, s'éloignaient en trottinant, sans trébucher et sans tourner la tête. C'est que, du plus loin qu'ils avaient aperçu les jambes rouges » et vu briller les armes de nos soldats, les habitants et les Indiens, saisis de terreur, s'étaient cachés ou avaient pris

«<

la fuite'. A trois heures de l'après-midi, cinq mille Français défilent en silence au milieu des rues sablonneuses d'Amozoc. A mesure que les troupes arrivent, elles sont conduites sur leurs emplacements de bivouac, tandis que le général, son état-major et les services de l'armée s'établissent au centre du village.

Ce pueblo porte un cachet d'originalité qui lui est propre; une barranquita (petit ravin) en défend l'entrée ; une hauteur rocheuse et escarpée le domine du côté du sud; une ligne serrée d'aloès et de cactus fait à ses quatre faces un rempart continu, et des cierges de trois ou quatre mètres, à côtes armées d'aiguilles, servent aux habitations de clôtures naturelles. Quant aux maisons, qui connaît le caractère et la disposition intérieure de l'une d'elles les connaît toutes. Elles sont peu élevées au-dessus du niveau de la rue et sans étages supérieurs; les chambres prennent jour dans les galeries couvertes donnant sur des cours intérieures, et destinées à assurer une fraîche température par les plus grandes chaleurs; les toits sont disposés en terrasses et organisés pour la défense. Dans ce pays, où la guerre civile est en permanence, chaque maison est transformée, aux

La terreur inspirée aux Mexicains par l'approche des Français était due aux fables absurdes inventées par nos ennemis sur les prétendues cruautés qu'exercaient nos soldats.

« PreviousContinue »