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suels du corps expéditionnaire, j'ai conservé toutes mes notes; j'y ai joint mes souvenirs de voyage, et j'ai pu revivre en 1887, dans ces quelques pages, ma vie de 1862.

Déjà, en 1867, j'avais raconté l'épisode du 5 mai pour prouver que le général de Lorencez, — rendu à tort responsable de notre échec, n'avait fait devant Puebla que ce qu'il devait et pouvait faire. A l'impossible nul n'est tenu. Depuis, j'ai pensé qu'il y aurait intérêt à tenter d'arracher à l'oubli, auquel le dénoùment du drame mexicain les a injustement condamnés, quelques-uns des glorieux faits d'armes qui honorent la marine et l'armée françaises, et de mettre en lumière cette phase émouvante pendant laquelle une poignée de braves, — jetés à près de trois mille lieues de la mère patrie, isolés pendant plusieurs mois au sein d'un vaste pays ennemi, sous un climat meurtrier, ont affronté tous les obstacles, et n'ont pas craint de se prendre corps à corps avec une nation fermement résolue à repousser l'étranger. Celle-ci avait raison: elle combattait pour son indépendance; ceux-là, irresponsables des erreurs de la diplomatie, ont fait leur devoir ils ont maintenu haut et ferme l'honneur du drapeau de la France.

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On verra, dès le début, le petit corps expéditionnaire opposer à l'abandon de ses alliés, à

l'attitude hostile des habitants de la Vera Cruz, aux coups meurtriers de la fièvre jaune, un courage et une énergie au-dessus de ses forces. Puis, on quittera la Vera Cruz pour le suivre dans sa marche audacieuse à travers les terres chaudes; on saluera son entrée dans la zone tempérée; on applaudira à l'escalade des Cumbrès sous le canon ennemi, le 28 avril, et entraîné par son intrépidité, on arrivera plein de confiance avec lui jusque sous les murs de Puebla. Là, comme jalouse de tant d'audace, la victoire désertera nos rangs. Ce jour s'appelle : le 5 mai 1862!

Après l'échec du 5 mai, la retraite commence ; et quelle retraite que celle de ces cinq mille Français commandés par le général de Lorencez ! Que l'on compare le retour au départ, le lendemain à la veille : on ne saura qu'admirer le plus, de ces hommes dont l'héroïsme vient d'échouer contre des obstacles insurmontables, ou de ces mêmes hommes qui, groupés autour de leurs blessés et de leur convoi, opèrent leur mouvement rétrograde à travers les bataillons ennemis qu'ils intimident par leur attitude.

Nous arrivons ainsi à la dernière période de la lutte. Les événements qui la remplissent sont, d'une part, les glorieux combats de la Barrancaseca et du Borrego, qui vengent l'échec du 5 mai

et forcent l'armée mexicaine battue à lever le siége d'Orizaba; d'autre part, les marches incomparables de nos convois à travers les terres chaudes, pendant la saison des pluies.

Mais ce n'est pas tout encore le courage, les succès et les malheurs de ceux qui tombent dans la lutte et meurent dans leur gloire, ne sauraient faire oublier l'abnégation de nos marins et de nos soldats restés à la Vera Cruz, pour nous conserver, coûte que coûte, ce lien indispensable avec la mère patrie, et qui, - héros inconscients, frappés sans combat, tombent obscurément. Ceux-là ont élevé le courage jusqu'à l'héroïsme, l'abnégation jusqu'au sublime. Gardiens de cette ville, véritable séjour d'agonie, ces vaillants sont morts pour la plupart, fermes à leur poste, sans une plainte, leur dernier regard, comme leur dernière pensée, tourné vers la France.

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La population du Mexique, bien que connue sous le nom général de mexicaine, est formée de races essentiellement différentes. On y trouve les Indiens purs, descendants des Aztèques ; les blancs ou créoles descendants directs des Espagnols; les nègres venus des colonies espagnoles ou des États-Unis ; les mulâtres ou métis, issus de blancs et de nègres; les Zambos, issus de nègres et d'Indiens. Ces derniers sont forts, robustes et trèsaptes aux rudes travaux des champs de la Terra caliente.

Les métis composent la classe moyenne et sont ouvriers, fermiers ou rancheros, petits marchands ou petits employés. Chacune de ces races a son type, sa langue propre; mais toutes parlent l'espagnol plus ou moins correctement.

L'Indien est généralement maigre, mais bien bâti. Il a le teint cuivré, les cheveux noirs et lisses, plats et luisants, les pommettes saillantes, les yeux noirs, largement fendus et légèrement obliques, une vue excellente, les sourcils saillants et arqués, le front bas et couvert, le nez droit et bien fait, les lèvres grosses, épaisses, la tête anguleuse, les oreilles grandes, le visage large, la ligne faciale inclinée en arrière, la barbe rare, les dents blanches et bien rangées, la taille moyenne, la poitrine bombée et large. Chez cette race les déformations sont rares.

Triste, silencieux, l'Indien semble porter le deuil de sa race presque éteinte; on sent en le voyant que trois siècles d'oppression pèsent sur lui. C'est le dernier rejeton d'un peuple qui meurt. Il va pourtant son train, rapide, sans bruit, trottinant légèrement, un bâton à la main, son fardeau sur le dos retenu par une double courroie d'écorce qui prend son front et sa poitrine comme points d'appui.

S'il danse, il glisse en mesure, sa figure reste

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