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David. Mais laissons ces rêveries et sons à des auteurs plus graves. Plusieurs qui possédaient l'érudition ceux dont nous parlons plus haut et joignaient le jugement, ont fait des cherches sur la noblesse; quelquessont écrit sous l'influence des prégés et de l'orgueil aristocratique, inrents à la classe privilégiée à laquelle appartenaient. Montesquieu, qui oit que l'honneur des trois grandes aisons qui ont successivement régné la France serait gravement compros, s'il était une époque où elles n'aufent été que des familles ordinaires, chercher l'origine de la noblesse dans forêts de la Germanie. Trompé par i mots nobilitas et nobilis, employés Tacite dans un autre sens que celui on leur a donné postérieurement, il trouve dans les compagnons dont nvironnaient les rois et les chefs litaires. En conséquence, selon lui, s la plus haute antiquité il existait ez les Francs des familles investies priviléges, dont ne jouissaient point familles ordinaires, et constituant e véritable noblesse. Cette opinion est ronée. Les priviléges que possédaient compagnons étaient personnels; ils Juraient avec eux, et l'hérédité étant ssence obligée de la véritable noblesil y avait dans l'octroi de priviléges it à un compagnon, élévation d'un mme et non point anoblissement d'une mille. Il n'y avait donc point chez les ermains une noblesse telle qu'on l'a mprise autrefois, et telle qu'on la mprend aujourd'hui.

Selon Boulainvilliers et M. de Montsier, tous les Francs étaient, au delà Rhin, libres et égaux entre eux; and ils se furent emparés de la Gaule, vainqueurs et les vaincus formèrent ux corps de société juxtaposés, ou atôt intraposés, vivant chacun sous loi. Alors tout Franc fut gentilhomtout Gaulois fut roturier; puis, dans suite des temps, les Gallo-Romains, exerçaient une grande influence et ssédaient de grandes richesses, fuit admis aux priviléges de la noblesse assimilés à leurs maîtres. Le comte Buat, le président Hénault, l'abbé abos, l'abbé de Mably et M. Guizot démontré victorieusement que ce

système n'est pas mieux fondé que le premier, et voici, d'après eux, ce qu'il ya de plus raisonnable et de plus vrai sur l'origine de la noblesse.

Quand les Francs eurent pris possession de la Gaule, la coutume de se faire le compagnon du roi se maintint, mais le nom changea; celui qui devint compagnon, fut appelé leude, antrustion, fidèle, et au neuvième siècle, vassal. La manière dont était récompensé l'acte par lequel un homme libre promettait dévouement et fidélité au roi, et consentait à être son vassal, changea également; les compagnons germains recevaient une épée, une hache d'armes, un bouclier, un banquet, pour prix de leur engagement; les leudes reçurent des offices palatins et provinciaux, des terres, dont ils furent usufruitiers et même propriétaires, à la charge de remplir fidèlement l'obligation qu'ils avaient contractée, et de plus, leur composition fut augmentée. Tout homme libre, à quelque nation qu'il appartînt, jouissait de la faculté d'entrer dans la truste du roi, de se faire son vassal, en lui prêtant serment de fidélité, et le roi accueillait toujours avec empressement ceux qui, en lui faisant ainsi le sacrifice de leur indépendance, ajoutaient au nombre des guerriers, sur lesquels il exerçait une autorité directe. Les leudes formèrent ainsi une classe séparée et puissante, par les domaines ou les offices qu'ils possédaient, par les priviléges dont ils jouissaient, et qui n'appartenaient point aux simples hom mes libres. En effet, c'était parmi eux que les rois faisaient des choix lorsqu'ils avaient à donner des bénéfices, des offices politiques, judiciaires, etc.; car souvent la fidélité était jurée sous la promesse d'une récompense à venir. C'était d'eux qu'ils s'environnaient dans les grandes occasions, qu'ils réclamaient des conseils et des secours, et c'était après avoir obtenu leur adhésion qu'ils publiaient les ordonnances qui devaient avoir force de loi sur toute la surface du royaume. Malgré ces avantages, les leudes ne formaient point un corps de noblesse, parce que toutes les préroga. tives dont ils étaient surchargés, comme celles dont avaient joui les compagnons auxquels ils succédaient, étaient pure

ment personnelles. Les fils des leudes étaient confondus avec les autres hommes de la classe libre, et, pour obtenir les distinctions et les priviléges dont avaient été revêtus leurs pères, il leur fallait prêter, comme eux, le serment de fidélité, et se faire vassaux. Cependant, reconnaissons-le tout de suite, si les leudes n'étaient pas nobles, dans le sens que l'on a attaché depuis à ce mot, c'est d'eux que vient la noblesse, et voici comment:

Nous avons dit que pour prix du serment de fidélité, quelquefois des bénéfices avaient été concédés héréditairement; nous ajouterons à cela que plus souvent encore des concessions, faites pour un temps limité, furent retenues à titre d'héritage, par des familles puissantes, à qui les rois de la première race ne voulurent, ou plutôt ne purent les retirer. Cela arriva particulièrement sous Clotaire II et ses successeurs. Or, ces octrois ou ces retenues, en perpétuant, dans certaines maisons, des avantages qui ne devaient être que temporaires, élevèrent ces maisons audessus des autres, et en firent une classe à part, qui fut la noblesse. Comme toutes ces maisons ainsi favorisées ne possédaient pas des bénéfices de même étendue, celles qui étaient investies de vastes domaines, constituèrent la haute noblesse, dont les membres furent appelés nobiliores, nobilissimi; et la noblesse de second ordre, dont on appela les membres tout simplement nobiles, se composa des bénéficiers qui n'avaient reçu de la munificence royale que des terres de moindre importance, soit par la superficie, soit par le nombre des hommes dont elles étaient peuplées.

La noblesse, composée d'un petit nombre de seigneurs sous le règne de Clotaire II, s'accrut avec rapidité sous les successeurs de ce prince, parce que bientôt il n'y eut pas un détenteur de bénéfice qui ne s'en_attribuât l'hérédité; parce qu'un grand nombre de propriétaires d'alleux s'empressèrent de les convertir en bénéfices héréditaires, pour jouir des prérogatives attachées à cette sorte de bien; enfin, parce que ceux qui ne dénaturèrent point leurs domaines, s'y arrogèrent tous les droits réservés aux seuls

bénéficiers, et, de leur autorité pr se créèrent seigneurs, en présence rois, qui voyaient le mal et ne pouva le réparer. Dès lors, il se forma le royaume un corps qui eut des i rêts différents de ceux du souve qu'il ne craignait pas, et de ceu peuple qu'il méprisait; un corps joignant à l'administration de la ju le commandement des hommes de terres, se rendit maître des lois réunit entre ses mains toutes les fo de l'État. Quand les choses en fu là, les maires du palais, qui ne vaient plus recevoir de princes crédit qu'un pouvoir sans auto les abandonnèrent au sort qui les naçait, se placèrent à la tête de la c qui avait usurpé toute la puissance au lieu d'être les ministres des rois vinrent ceux de la noblesse; et la r de la race de Mérovée fut consomm

Charles Martel, qui savait bien qu maison monterait sur le trône, n'i rait pas que les nobles, qui l'en ava approchée de si près, pourraient précipiter quand elle y serait assise il chercha à prévenir cette catastro Se rappelant tout le parti que les M vingiens avaient tiré des bénéfices | l'établissement de leur dynastie imagina les précaires; il dépouilla partie des abbayes et des église leurs terres, et les distribua à ses dats, sous la condition du service taire, et du concours dans l'admini tion de la justice, qu'il se réserva ces terres usurpées et concédées crut ainsi avoir consolidé dans sa son une puissance à laquelle elle n' point encore parvenue, et ne fit préparer sa chute.

Du reste, les nouveaux établissem de Charles Martel ne portèrent ni brage ni atteinte à la noblesse qui po dait, comme nous l'avons dit, to les forces de l'État, et qui, d'aille avait reçu la sanction de l'habitud du temps. Elle devint, en acquérar la solidité, tellement orgueilleuse, s'en fallut de bien peu que les p sions de celui qui avait préparé la g deur de la dynastie carlovingienne pussent s'accomplir peu d'années a sa mort. La noblesse redoutait Ch magne à cause de son génie; mais

le méprisait à cause de sa naissance,
qu'elle ne trouvait pas assez illustre.
Elle ourdit contre lui une conspiration
qui fut découverte; et si Louis le Dé-
bonnaire n'eût pas mis la plus grande
diligence à se rendre à Aix-la-Chapelle,
pour s'y faire proclamer, il est douteux
qu'il eût succédé à son père.

En ce temps-là, si la noblesse pro-
prement dite était nombreuse, la haute
noblesse ne l'était point encore. En 834,
Florsque Lothaire, vaincu par son père,
fut obligé de se retirer en Italie, on dit
que la France était dénuée de noblesse,
parce que quelques seigneurs francs,
au nombre d'environ dix, qui avaient
partagé la révolte, l'avaient suivi au
delà des Alpes. On en dit autant en 841,
après la bataille de Fontenai, que
Charles le Chauve et Louis de Bavière
gagnèrent contre le même Lothaire,
assisté du jeune Pepin, et dans laquelle
il périt un nombre à peu près égal de
seigneurs du premier ordre.

Charles le Chauve ayant, par le capi-
tulaire de Kiersi, non-seulement pro-
clamé l'hérédite des fiefs et des comtés,
mais encore démembré des portions
considérables de l'autorité royale, pour
en enrichir ceux qui étaient déjà les
maîtres de la terre, la noblesse s'accrut
de tous hommes de guerre ou officiers
de justice qui tenaient leurs titres et
leurs fonctions des rois précédents.
Alors la race de Charlemagne _marcha
rapidement vers son déclin. Les sei-
neurs anciens et nouveaux s'arrogèrent
ous les droits de la souveraineté, ren-
firent la justice en leur nom, établirent
es taxes à leur profit, battirent mon-
aie, levèrent des soldats, se firent la
erre les uns aux autres, et la firent
ême au roi. Les plus entreprenants
nirent à leurs possessions des fiefs
i les avoisinaient et que des proprié-
Fres trop faibles ne pouvaient défen-
, ou y firent reconnaître leur suzerai-
té, et accrurent ainsi leur importance.
seigneurs investis de grands domai-
les partagèrent en fiefs, qu'ils con-
ent, à la condition de la foi et de
mage, de certains services, de cer-
s redevances en argent ou en den-
, et se constituèrent ainsi des sou-
inciés d'une redoutable étendue.
tôt ce qui restait de propriétaires

de biens allodiaux, fatigué de se trou-
ver, à chaque querelle survenue entre
deux seigneurs voisins, en butte aux at-
taques de l'un et l'autre parti, s'empressa
de renoncer à son indépendance pour
s'acquérir un protecteur, et de rendre
hommage à celui qu'il pensait être le
plus puissant et le plus prompt à le dé-
fendre. Alors s'établit la maxime: nulle
terre sans seigneur, et la féodalité pesa
de tout son poids sur toute la surface
de la France. Pendant ce temps, les
descendants de Charlemagne se débat-
taient contre la mort, mutilant, comme
l'avaient fait les Mérovingiens, le do-
maine de leur couronne, et le distribuant
pour attacher à leur fortune et intéres-
ser à leur conservation des hommes
dont le secours ne leur eût été d'aucune
utilité, si le mépris qu'ils inspiraient
eût pu laisser naître quelque part la pen-
sée de les attaquer.

Si,à cette époque, les seigneurs avaient
eu quelques idées un peu élevées, rien
ne leur eût été plus facile que de s'em-
parer pour toujours des rênes du gou-
vernement, et, en formant une confédé-
ration permanente et solide, de fonder
une aristocratie puissante, qui eût assis
leur fortune sur d'inébranlables bases,
et donné une apparence de droit au pou-
voir usurpé qu'ils exerçaient de fait.
Mais alors on ne regardait pas si haut.
On ne savait pas même ce que c'est qu'un
gouvernement; on ne s'inquiétait nul-
lement de l'origine de l'autorité qu'on
avait entre les mains; on ne pensait qu'à
l'étendre et à en faire fréquemment
usage au profit de son avarice et de son
ambition. Aussi, une fois tout-puissants,
les seigneurs ne s'occupèrent que de
leurs intérêts particuliers; chacun chez
soi et chacun pour soi. Les grands se
réunirent une fois (887) pour déposer
Charles le Gros; deux autres fois, en
920, pour renoncer à l'obéissance de
Charles le Simple, et, en 922, pour le
faire descendre du trône; puis ils s'en
tinrent là. Contents d'avoir fait acte de
puissance souveraine, il ne leur vint
point l'idée d'établir un système qui
leur donnât pour toujours le pouvoir lé-
gal de disposer de la couronne. Ils lais-
sèrent donc s'éteindre la postérité de
Charlemagne, sans même daigner subs-
tituer une maison nouvelle à la maison

déchue, car ce ne fut point la haute noblesse qui, en 987, proclama Hugues Capet. Ce fut aux nombreux vassaux qu'il possédait comme duc de France et comte de Paris qu'il dut la dignité royale. Tous les seigneurs qui ne dépendaient pas de lui laissèrent faire, et donnèrent tacitement leur adhésion à ce qui avait été fait.

Si le fondateur de la dynastie capétienne monta sans opposition sur le trône, c'est que la royauté était alors si insignifiante et si nulle, qu'elle n'éveillait l'ambition de personne, et que nul seigneur un peu puissant n'enviait un titre qui imposait des charges et ne donnait ni pouvoir ni crédit. En effet, Hugues Capet, et pendant longtemps ses successeurs, n'eurent d'action directe que sur les vassaux de leur domaine particulier: encore cette action rencontra-t-elle souvent des résistances. Tout ce que le roi ne possédait pas en France était entre les mains d'une multitude de seigneurs particuliers, dépendant d'un petit nombre de suzerains, quelquefois plus riches et plus puissants que lui. Chacun de ces suzerains, dont quelques-uns avaient une cour modelée sur celle du roi, était tenu à des devoirs envers la couronne; mais ces devoirs, toujours contestés, ils ne les remplissaient jamais que de mauvaise grâce, et lorsqu'ils n'étaient pas assez forts pour les éluder. Cet état de choses explique et justifie la marche embarrassée des premiers rois de la troisième dynastie.

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La noblesse, par suite du morcellement du territoire, se trouva tout à coup et sans qu'on y pensât, divisée en trois classes celle des grands feudataires, qui relevaient directement du roi, tels que les ducs de Normandie, d'Aquitaine, de Bourgogne, les comtes de Toulouse, de Flandre, de Champagne de Vermandois, etc., qu'on appelait grands vassaux de la couronne; celle des barons, qui prêtaient serment aux grands feudataires; et celle des simples gentilshommes, dont la terre et le château dépendaient d'une baronnie et étaient dans sa mouvance. Nous avons déjà dit que le roi ne rencontrait dans les premiers que des sujets fort indociles ; mais, s'il avait fréquemment à se plain

dre d'eux, ceux-ci n'avaient pas toujours à se louer de leurs barons, qui, affectan une indépendance dont leurs suzerains leur donnaient l'exemple, se comportaient vis-à-vis d'eux comme eux mêmes se comportaient vis-à-vis du roi. Ils s'arrogeaient une autorité despotique et absolue dans leurs domaines, et sou vent il fallait les contraindre par leg armes à faire le service de leurs fiefs. Quant aux gentilshommes dont toute la seigneurie se composait d'un domaine et d'une maison qu'ils nommaient un château, ils étaient plus dociles que les barons, car ils avaient bien moins qu'eux le pouvoir de risquer une dé marche hardie et de résister aux suites qu'elle pouvait avoir. Aussi, ceux dont ils dépendaient les tenaient-ils dans un état perpétuel d'abaissement, et cherchaient-ils continuellement à accroître leur propre importance de toute celle dont ils pouvaient les dépouiller. Quoi que ces seigneurs de troisième ordre eussent, comme les barons, le droit de guerre, le droit de justice et celui de publier des ordonnances dans toute l'e tendue de leurs fiefs, et qu'ils exerçassent sur leurs sujets un pouvoir sans limites, ils étaient loin de jouir, dans toute sa plénitude, de la puissance qui constitue la souveraineté. Leurs justices jugeaient en dernier ressort et sans ap pel toutes les causes qui y étaient por tées; mais la compétence de ces tribu naux était bornée aux délits ordinai res, aux affaires correctionnelles, tan dis que la cour du baron dont il relevaient possédait dans toutes le seigneuries qui composaient l'ensembl du fief la haute justice, et connais sait de tous les crimes qui, à l'exceptio du vol, étaient punis de mort. Quan au droit de guerre, les gentilshomm étaient très-peu jaloux de l'exercer uns contre les autres, et ils s'estimate fort heureux quand leurs suzerains vant en paix ensemble, ne les faisaie point semondre d'avoir à lever le ba et de les seconder dans des luttes do les désastres tombent toujours sur petits. Il était impossible d'ailleurs leur vînt jamais des idées d'ambition de turbulence, car les barons veilla attentivement à ce qu'ils ne fissent po sur leurs droits, les usurpations qu'e

mêmes ils faisaient sur les droits de leurs suzerains, et que ceux-ci faisaient à leur tour sur ceux du roi. Bien plus, abusant de leur force, ils travaillaient sans relâche à se saisir d'une partie de la souveraineté des seigneuries qui relevaient d'eux, soit pour être un démembrement de leur fief, soit pour s'y être réunies volontairement par un acte de soumission, que personne n'avait le droit d'exiger de leurs propriétaires. C'est ainsi qu'ils s'y arrogèrent le droit d'y régler les poids et mesures, d'y instituer des foires et marchés, qu'ils empêchèrent qu'il y circulât d'autres monnaies que celles qui étaient frappées au chef-lieu de la baronnie; enfin, qu'ils se constituèrent d'autorité les juges de tous les différends qui s'élevaient entre leurs bénéficiers.

Quant au sort du peuple, il est impossible de dire combien il était abject et misérable. Les grands vassaux et les barons ne s'en occupaient guère, parce qu'ils en étaient trop éloignés; mais les seigneurs de troisième ordre prenaient amplement sur lui la revanche des vexations que leurs suzerains leur faisaient subir. Chaque terre était une prison dont les habitants ne pouvaient disposer de leurs biens ni par testament, ni par donation entre-vifs; le seigneur était leur héritier s'ils ne laissaient point d'enfants à leur décès, et dans ce cas, ils ne pouvaient faire libéralité que d'une simple partie de leurs immeubles ou de leur mobilier. Dans certaines localités ils devaient acheter la permission de se marier. Écrasés de corvées multipliées et fatigantes, de devoirs humiliants et de Contributions ruineuses, ils vivaient dans la crainte perpétuelle de quelque amende injuste, de quelque taxe arbitraire, ou de la confiscation entière de leurs biens. Alors disparut ce qui restait encore d'hommes libres. Les uns, pour qui la liberté était devenue un fardeau, se vendirent par désespoir à des maîtres qui eussent du moins, à les faire subsister, l'intérêt qu'ils avaient euxmemes à faire subsister une pièce de betail; d'autres, qui, par piété, s'étaient soumis pour eux et pour leur postérité à des devoirs serviles envers un monastère ou une église, consentirent sans difficulté qu'un acte volon

taire devint à leur égard un titre de dégradation.

Cette tyrannie des seigneurs, qui commença dans les campagnes, en chassa les plus riches habitants, lesquels se réfugièrent dans les villes, espérant y vivre en paix sous la protection des lois; mais quand l'hérédité des comtés en eut changé le gouvernement en des principautés souveraines, les mêmes vexations vinrent les y poursuivre et les y atteindre. Les seigneurs de création nouvelle exercèrent à leur tour sur les bourgeois la même autorité despotique et fantasque que les autres avaient usurpée sur les vilains de leurs domaines. Les droits de péage, d'entrée, d'escorte et de marché, se multiplièrent à l'infini. Les villes furent assujetties comme les campagnes à une taille arbitraire, et obligées de défrayer leur seigneur et ses gens quand ils y venaient. Alors, en vertu de l'odieux droit de prise, vivres, meubles, marchandises, chevaux, voitures, tout était enlevé, pillé, pour l'utilité et le profit du seigneur. Toute justice était foulée aux pieds, toute intelligence étouffée dans son germe, et toute industrie arrêtée dans son essor. Il n'était pas permis deux plaideurs de terminer, par un accommodement, un procès commencé dans les formes juridiques, parce qu'ils auraient privé leur seigneur du profit que lui aurait valu l'affaire. Personne n'osait faire aucun commerce, parce que les seigneurs s'étaient arrogé le droit d'interdire dans leurs terres toute espèce de vente ou d'achats entre les particuliers, lorsqu'ils voulaient vendre eux-mêmes les denrées de leur cru ou celles qu'ils avaient achetées. Ces monopoles étaient si puissamment accrédités,que le peuple prit pour un acte de générosité, l'injustice moins criante par Taquelle les seigneurs se réservèrent plus tard, lors de l'octroi des chartes d'affranchissement, un temps fixe dans chaque année pour le débit des fruits de leurs terres, en stipulant toutefois qu'ils les vendraient plus cher que de coutume, et que les bourgeois n'exposeraient alors en vente que des denrées altérées et corrompues.

Tout ce qui précède est bien odicux, mais ce n'est pas tout encore. Des barons, convoquant brusquement leurs

T. XI. 12 Livraison. (DICT. ENCYCL., ETC.)

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