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Du moment qu'il y eut en Europe une classe nombreuse d'hommes industrieux travaillant pour eux-mêmes et non pour des maîtres, il Ꭹ eut des corps de représentans, et ce fut pour la première fois. Dans l'antiquité tous les hommes libres étaient hommes d'état; dans la féodalité les tributaires étaient tous à la discrétion des seigneurs, et les seigneurs ne déléguaient à personne le soin de traiter de leurs affaires, ils s'assemblaient et en traitaient eux-mêmes de concert avec leur chef.

Le tiers-état naquit, et aussitôt il fut représenté; ses députés vinrent plaider pour les besoins de chaque homme travaillant, contre les besoins des hommes gouvernant, de la noblesse et du clergé. Les députés des communes, en Angleterre, défendirent les mêmes intérêts devant le Roi et les Lords spirituels et temporels assemblés en parlement.

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Le Roi et les seigneurs d'un côté; les fabriles financiers, les négocians de l'autre, débattaient ainsi leurs intérêts réciproques; ainsi, il y avait discussion ouverte, entre l'intérêt du de la société, que les huissiers et les moralistes du public se faisaient fort de procurer, et l'intérêt de la vie que procuraient en réalité les producteurs.

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Ainsi le corps administrant, agissant luimême pour lui, et le corps représentatif de l'industrie, agissant pour les industrieux, étaient séparés comme les intérêts divers que chacun d'eux devait soutenir. Il serait en effet ridicule de penser qu'un même homme puisse jouer à la fois les deux rôles; partager son esprit entre le desir d'être pacha ou préfet, et le desir d'éteindre l'arbitraire, entre l'intérêt d'un gros traitement sur les taxes, et l'intérêt de réduire les taxes. Les exclusions constitutionnelles, lorsqu'elles existent, ne sont que la déclaration de cette impossibilité.

Ces exclusions peuvent être plus ou moins étendues par la loi, mais le principe est absolu ; et quand la loi manquerait pour sanctionner la raison, la raison n'en devrait pas moins être obéic. D'ailleurs, nous sommes dans des circons tances où la nécessité parle haut; tout est perdu, s'il sort de nos élections des hommes qui capitulent sur la liberté qui seule nourrit l'industrie, et sur l'économie publique, qui seule assure les fruits du travail à celui qui s'épuise au travail.

Nous devons nous défendre d'une fausse manière de voir que nous avons prise dans l'imitation mal entendue des coutumes de l'antiquité. Parce que nous lisons qu'il y eut des hommes

qui, sous le nom de peuple souverain, allaient tous ensemble décréter de gaîté de cœur des arrêts qui les enchaînaient dans l'usage de leur esprit et de leurs membres, n'allons pas croire que notre lot, à nous, soit d'être un peuple demisouverain, secourant dans leurs opérations ceux qui lui font des réglemens comme pour s'assurer qu'il ne manquera pas de lois. Soyons tranquilles, ceux là y pourvoiront; ils sont toujours assez empressés de nous en donner. Notre affaire, l'emploi de ceux que nous déléguons, c'est d'arrêter au contraire ce flux de réglemens dont chacun nous retranche un moyen d'agir, une faculté. Les lois étaient un bien pour les hommes de l'antiquité; ils pouvaient les aimer comme les soldats aiment leur discipline qui les rend forts, si elle les gêne, Les anciens étaient tous soldats; c'était la guerre qui les nourrissait. Pour nous qui sommes destinés à vivre de l'industrie, chacun de nous, pour produire beaucoup, a besoin d'être beaucoup à lui-même ; la discipline qui l'y rache continuellement lui ôte de sa force. Il faut le dire, la loi, le frein des volontés individuelles est trop souvent un mal pour nous; și ce mal est nécessaire supportons le, mais faisons en même temps qu'il soit le moindre possible.

Notre profession de foi politique devrait être celle-ci :

» Nous n'aimons pas les réglemens ni les voies » de fait ; parce que les uns et les autres troublent » nos travaux, et entravent nos facultés.

« Pourtant, comme dans l'absence de toute >> contrainte sociale, nous serions faibles contre » les oisifs et les voleurs, quoique forts pour le

travail, nous sommes disposés à relâcher quel» que chose de notre liberté, et nous en aliénons » volontiers une partie à ceux qui prennent le >> soin de veiller sur nos ennemis.

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» Nous ne voulons point participer à leurs » opérations, qui toutes dans un sens nous sont » à charge; mais nous prétendons au pouvoir de >> retenir leur activité, si elle passait les bornes, » si elle devenait moins utile à notre repos que » nuisible à notre industrie,

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» Ce pouvoir, nous en chargeons quelques-uns

de nous qui l'exerceront en notre nom (1). Lẹ » corps gouvernant provoque ou fait les lois, et les

(1) Cette question; quels sont les véritables représentans? conduit tout d'un coup à cette autre, quels sont les véritables électeurs de la représentation? Entamer ici cette dernière question, ce serait sortir du sujet a Rous la traiterons ailleurs.

» exécute, nos délégués contrôleront les lois et » les mesures. »

Avec de pareilles maximes, avec l'idée nettement conçue du véritable objet de la représentation, nous aurions déjà une règle pour nos choix à faire, nous saurions que les hommes du gouvernement sont par la force des choses inéligibles, et nous n'irions chercher des députés que parmi les hommes de profession privée, c'est-à-dire, étrangers par état à la conception, à la résolution, à l'exécution de toute mesure publique.

Où finit le domaine du gouvernement? Où commence celui de l'industrie privée et indépendante ? Y a-t-il des professions indépendantes auxquelles on doit s'adresser de préférence, et quelles sont ces professions? Voilà ce qui reste à examiner,

Dans toutes les constitutions des États-Unis d'Amérique, qui ont plus clairement qu'aucun état en Europe l'industrie et la production pour objet, tout emploi, toute charge, toute fonction quelconque qui rattache directement ou indi rectement celui qui l'exerce au pouvoir public, soit exécutif, soit administratif, soit judiciaire l'exclut irrévocablement des assemblées repré

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