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ductive et être détaché de cette profession par ses desirs ou ses habitudes; il peut regarder son existence indépendante comme un pis aller auquel il veut se résoudre en attendant des postes, des honneurs, des dignités. Cet homme serait inhabile à être représentant; car il conser verait toujours, dans l'exercice de ses fonctions, une arrière pensée de ne point trop contrarier le gouvernement dans son action, ni dans ses dépenses, pour que les emplois fussent toujours en bon nombre et d'un gros profit; deux choses qui sont contre l'intérêt des représentés, lesquels essuyer à la fois et l'administration et les frais de l'administration.

ont à

Electeurs patriotes, s'il se présente devant vous un homme qui vante le plaisir ou le profit des places, et qui s'en montre avide; dites lui qu'il s'adresse mal, que vous n'avez rien à donner de ce qu'il desire, et renvoyez-le à ceux qui en disposent.

Gardons-nous sur-tout d'une vieille tactique à laquelle on a été fidèle durant toute la révolution, et qui a peut être été la première cause de cette constante violation de la liberté et de la propriété, dans laquelle ont trempé toutes nos assemblées représentatives. C'est de ressusciter contre l'action du gouvernement existant, les hom

mes d'un gouvernement détruit sur les ruines duquel s'est élevé l'autre. Des représentans ainsi choisis lutteront violemment, il est vrai, contre l'administration présente; mais qui voudront-ils servir dans cette lutte? Non pas leurs commet❤ tans, mais eux-mêmes; et que peut-il résulter de leur victoire ? Que le pouvoir passe dans leurs mains et que les vexations se fassent à leur profit.

Les ennemis de nos ennemis peuvent être aussi les nôtres, et ils le sont dans ce cas... Des ambitieux, quel que fût leur parti, se garderaient bien de rien faire dans notre intérêt, ce serait agir contre eux-mêmes. Retrancher quelque chose des profusions, des abus, du pouvoir, de la clientelle administrative, ce serait détériorer une possession qu'ils envient et pour laquelle ils s'agitent. Encore, ne serait-on pas assuré qu'ils voulussent persister dans le combat. Si les gouvernans offraient de capituler, et de céder une partie pour conserver en paix le reste, il y a peu à douter que les autres ne fussent pas empressés à accepter et à vendre la nation et sa cause. Nous en avons vu des exemples. Un homme qui se plaisait à exploiter les producteurs au nom de la souveraineté démocratique, est tout prêt à les exploiter de nouveau au nom de la souveraineté monarchique; peu lui importe le titre.

Nous ne serons une nation représentée que lorsque nous aurons pour mandataires des hommes professant une industrie indépendante, et offrant en même temps des garanties morales de leur constance dans cette industrie, et de leur volonté de ne chercher la fortune que par elle. Des hommes d'une conscience assez délicate

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pour regarder l'argent levé pour le public comme un moyen de vivre retranché aux hommes, et qui craindraient d'y toucher, effrayés de la responsabilité terrible à laquelle se soumet celui qui doit se dire : j'ôte à leur subsistance ig que leur donné-je en retour? Des hommes ayant un esprit assez haut, une ame assez ferme, pour ne voir dans l'administration qu'un camp ennemi.

Ces caractères sont communs dans les sociétés nouvelles de l'Amérique; ils sont rares encore parmi nous, ou peut-être ne les découvrons-nous en si petit nombre que parce qu'ils se cachent et fuient le grand jour..

On ne les voit point au milieu des coteries dans les antichambres des ministres, dans les corridors des palais; ils ne figurent point dans les pompes où le pouvoir s'étale; il font peu de bruit et beaucoup de bien. Allons les trouver dans leurs retraites, au fond de leurs comptoirs,

de leurs bureaux', de leurs ateliers, des campagues qu'ils cultivent; disons-leur avec un sen timent profond: ô nos concitoyens !ô nos amis ! nous vous avions ignoré, nous vous connaissons, et nous venons à vous. Vous souffrez quand nous souffrons; quand nous prospérons, vos fortunes prospèrent. Allez faire respecter votre intérêt avec le nôtre; soyez nos défenseurs, soyez notre salut, comme vous êtes notre gloire.

Nous venons de remonter en abstraction jusqu'à la nature du titre et des fonctions de repré sentant, et nous avons tiré de cette recherche quelques principes dont nous conseillons l'appli cation présente. Une chose qui nous persuade que nous avons bien vu, une chose qui n'a pas échappé, sans doute, au lecteur attentif, c'est qu'en nous laissant aller où nous menait la théorie, nous n'avons jamais fait que raisonner le sentiment commun de tous les bons esprits, et expliquer quelque sorte le vœu général, la conscience de la nation.

Il est remarquable comme aujourd'hui, à chaque nouveau point de discussion qui se présente dans ce qui touche à nos intérêts civils, nous tombons tous d'accord, et comme chaque Cens. Europ. Tom. II.

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controverse qui s'élève, presque aussitôt disparaît: la politique devient enfin une science.

Deux écrits différens ont paru au sujet des élections prochaines : l'un est une espèce d'instruction pour les électeurs de France, qui jointe à la charte constitutionnelle et à la nouvelle loi, forme un manuel à leur usage; l'autre est une liste raisonnée des hommes qu'il conviendrait d'admettre dans la députation de Paris. Les auteurs de ces deux brochures ne vont pas loin à la recherche des principes, et cependant presqu'à chaque fois qu'ils ont à traiter des choix que nos besoins commandent, ils s'accordent ensemble, et avec ce qui vient d'être dit; s'il y a quelque divergence, c'est dans les points difficiles, où le seul instinct du bien, sans un examen profond des choses, ne suffit plus pour guider le jugement.

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Quels sont les députés que la nation ré>> clame,» se demande l'auteur du Manuel à la fin de son livre ? et les hommes qu'il désigne comme la tête de la représentation nationale, ce » sont « des chefs de manufactures et d'entre

prises industrielles, des banquiers, des com» merçans d'une réputation bien établie, qui » soient connus par un attachement solide et rai» sonné aux principes d'une sage liberté.

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