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13 commerçans,

» 42 savans, artistes, gens de lettres et propriétaires,

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Si l'on examine ces élections d'après les règles que nous avons déduites de la nature des choses et des besoins de notre civilisation, quel cahos et quelles contradictions! Les hommes à préférer sont le plus petit nombre; le plus grand nombre consiste en hommes à rejeter, ou à n'admettre que pour remplir les vides.

Les financiers, les agriculteurs, les commercans, forment la huitième partie de toute la députation.

Les avocats, gens de lettres, artistes, savans, propriétaires non industrieux en composent les deux tiers.

Les prêtres, les nobles-dignitaires, les militaires, les administrateurs y sont pour un quart.

Il nous fut resté sans doute plus de liberté et de bien-être de ces temps où nous nous félici

tions de notre pouvoir d'être représentés, sans savoir nous faire représenter, si les proportions. avaient été renversées, si les hommes de l'industrie avaient fait les deux tiers de la représentation nationale, les hommes de lettres le quart, et les hommes de l'administration le huitième.

L'électeur de la Seine appelle ces élections des élections bizarres ; il sent qu'elles le sont, mais il s'explique mal le pourquoi. Faute de principes sûrs en condamnant l'erreur, en voulant l'éviter, il y tombe, et l'on y retomberait encore si l'on s'en tenait aux choix qu'il conseille. La liste d'éligibles qu'il propose ressemble beaucoup plus qu'il ne croit à la liste de députés qu'il blâme.

On y

trouve :

5 financiers,

4 commerçans,

Pas un cultivateur: personne n'y est désigné

sous ce nom,

16 savans, gens de lettres, avocats, pro

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priétaires,

administrateurs,

10 militaires et un prêtre.

ce qui donnerait, si les élections se faisaient dans la proportion fixée par cette liste, une députations où les gens de l'autorité figureraient pour

la moitié, où les gens de lettres seraient en nombre double des industrieux négocians et fabricans, et où l'industrie agricole ne serait point représentée.

il

Parmi les personnes proposées dans la liste

y en a un grand nombre que nous n'avons point l'honneur de connaître, qui seraient, nous aimons à le croire, dignes d'être députés, mais que l'auteur a mal servis, en les présentant avec des titres qui sont loin de les recommander.

Au lieu de rappeler par le mot de général, que tel homme, redevenu citoyen indépendant, a commandé les milices du pouvoir, il eût fallu annoncer avec empressement qu'il ne commande plus; au lieu d'entasser autour de son nom comme des qualités rares, les titres des emplois par lesquels il a passé, il eût été mieux de déclarer qu'il a déserté les places, et qu'il s'est déshabitué, dans quelque industrie si petite qu'elle soit, des mœurs et de la science des gouver

nans.

Tout homme a eu dans sa vie des circonstances diverses; ce qu'il est, il ne l'a pas toujours été. Lorsqu'on jette un nom dans le public, il est important d'examiner sous quel aspect l'intérêt veut qu'on le présente, sans quoi l'on risque

fort de le disgracier. aux yeux des hommes, et de leur dérober son utilité dont ils jugeraient mal. Si l'on s'en tenait aux mots de la liste, M. de la Fayette serait inéligible; il y est classé parmi les généraux.

Mais M. de la Fayette n'est point général, car il n'a à ses ordres ni corps d'armée, ni diyision, ni brigade; car il ne reçoit ni solde, ni demi-, sokle, ni pension de retraite. Il est cultivateur il est homme industrieux, voilà son titre. C'est à ce titre qu'il lui appartient de figurer à la tête des éligibles; et, si les choix sont ce qu'ils doivent être, à la tête des députés de la France.

Quel homme l'indutrie française proclameraitelle comme son plus digne représentant, si ce n'était le citoyen français, qui le premier a senti que la cause d'un peuple industrieux était la cause de tous les hommes; qui est allé à deux mille lieues de son pays dévouer sa fortune et sa vie à l'affranchissement d'une société laborieuse, attaquée dans sa liberté, attaquée dans sa subsistance par les lois de ses administrateurs ?

Une nation déjà riche, où chaque citoyen était enrôlé contre les soldats et les agens du pouvoir, et où personne en combattant n'avait d'autre objet que sa propre indépendance, sans aucune

pensée d'ambition ; une révolution conduite par des hommes dont aucun ne spéculait sur elle, et ne songeait à rendre libre le travail des autres dans la vue de l'exploiter à son compte: ce spec+ tacle frappa M. de la Fayette; il fut attiré par ces caractères auxquels le sien ressemblait; il courut se montrer à ces hommes comme un de leurs concitoyens ; et voilà ce qui fit de lui un général (1).

(1). Voici un fait qui fera connaître le caractère de cette guerre, et l'esprit dans lequel elle fut conduite : « Le comté de Rochambeau, chef de cette bonne armée (l'armée franpaise), la conduisait de l'état Rhod-Island à celui de Virginie. Un jour, dans cette longue marche, il posa son camp près d'un village entouré de vergers. C'était la saison où les fruits sont dans leur maturité, et des soldats pillèrent ceux de quelques arbres, dont leurs tentes étaient voisines. Le lendemain, au point du jour, la colonne se mit en mouvement: elle cheminait sous la conduite de Rochambeau, lorsqu'un constable parut tout à coup, et d'une main retenant la bride du cheval que montait le vieux général, il lui présenta de l'autre un ordre du Shériff, et lui dit qu'il ne pourrait poursuivre sa marche qu'après que le propriétaire des fruits aurait été indemnisé du dommage qu'il avait éprouvé.

>>Rochambeau fit payer à l'instant même. L'armée sut cet acte de justice, la discipline fut mieux observée, et Cens. Europ. - TOм. II.

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