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Certes, ce ne fut pas le desir de se faire ce que nous appelons une carrière par les armes, qui entraîna M. de la Fayette à la défense des Américains ; il allait trouver un peuple chez qui la profession de guerrier devait finir avec la guerre ; il s'engageait dans des expéditions, d'où il ne pouvait rapporter ni butin, ni grades, ni cordons, et où le prix de la victoire devait être le même pour le plus brave et pour le plus timide : une vie libre dans le travail. Avec l'ambition d'avancer, ce n'est pas à l'Amérique, c'est à ses ennemis, c'est au ministère anglais, qu'il eût porté ses services.

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Bien plus, par son départ en 1777, il signait sciemment son exclusion de toute dignité, de toute place en France ; il se fermait sa patrie. Le traité d'Amitié et de Commerce n'existait pas. Le Roi pouvait se faire l'ennemi des hommes qu'il allait servir.

En quelque coin reculé du monde que se fût levée cette liberté pure et paisible, la vraie li

les habitans conçurent une nouvelle confiance dans leur allié. (Complot d'Arnold et de sir Henry Clinton contre les États-Unis d'Amérique, et contre le général Washington, septembre 1780. p. 180.)

berté moderne qu'il avait devinée, là il eût vu ses amis, sa fortune; là il eût volé comme un frère qui va rejoindre ses frères, non comme un soldat qui se vend où l'on veut le payer. Cet amour de l'indépendance pour elle-même, cet amour des hommes indépendans, plus puissant sur lui que toutes les habitudes, l'eût retenu loin de la France, si bientôt la liberté n'y eût pas été invoquée.

Au nom de la liberté, il redevint citoyen français. Trouver dans sa contrée natale ce qu'il avait cherché loin d'elle, c'était le plus cher de ses vœux. Quand il fallut combattre, il fut mis, comme en Amérique, à la tête des hommes qui voulaient être libres, plus empressé à leur donner des exemples que des ordres.

Mais nous étions trop nouveaux pour l'indépendance; nous la voulions sans la connaître. Nous crûmes que tout serait fait si les barrières du gouvernement étaient brisées, et si chacuu y avait une entrée. En poursuivant la liberté, nous nous précipitions dans le pouvoir. Comme un homme d'un esprit sain au milieu de frénétiques, est accusé par eux de la maladie qui les obsède, M. de la Fayette fut condamné par lcs. révolutionnaires qui ne le comprenaient point;

il s'exila. L'administration se reforma bientôt avec tout son vieil attirail; les places, les grades, les commandemens furent au concours. M. de la Fayette ne commanda point; il resta citoyen, Fidèle aux mœurs de la liberté, il cultivait ses champs comme Washington, et pratiquait silence les véritables vertus civiles, la simplicité et l'industrie."

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Qu'on se représente M. de la Fayette-an commencement de la révolution, seul, fuyant l'autorité, au milieu d'hommes qui se jouaient avec elle comme avec une arme inconnue échappée des mains de l'ennemi ; qu'on le voie, homme de la civilisation, parmi des sectateurs aveugles de l'esprit et des coutumes antiques; ami de l'indépendance laborieuse, parmi les apôtres de l'oisiveté et de la gloire du pillage; Américain parmi des Spartiates ; et l'on comprendra que ces temps n'étaient pas faits pour lui, qu'il y était hors de sa place. Si les hommes de cette époque ont fini leur rôle, il n'a pas commencé le sien. Chacun de nous veut-il maintenant subsister de ses propres moyens, et non aux dépens de tous les autres? Voulons-nous chercher nos jouissances en nous-mêmes, dans le contentement de nos besoins et dans l'aisance, et non pas hors de nous,

dans l'orgueil de dominer ? Voulons-nous qu'il n'y ait pas un homme entre nous qui ne puisse lever le front contre tout homme gouvernant sans que celui-ci ait à répondre : mais vous vivez de ces impôts, de cette loi, de ces abus ? Voulons-nous franchement être libres ? M. de la Fayette nous appartient.

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La Nation industrieuse trouvera en lui un défenseur et un exemple. On le verra tel qu'il est, non point tel qu'il a paru dans quelques scènes de la révolution, obligé de se masquer pour être populaire, et de feindre des mœurs qui n'étaient point les siennes pour ne pas paraître étranger. Rendu à lui-même, il se montrera œ que tout citoyen devrait être, favorable à l'administration tant qu'elle se contient dans ses limites, inflexible dans son opposition, si elle va plus loin que des besoins; ami ardent de tout citoyen utile, ennemi déclaré de quiconque répudierait l'industrie et la liberté, pour contenter au détriment de la liberté et de l'existence d'autrui, son ambition et son avarice.

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"A côté de cet homme qui n'a jamais été le valet ni le maître de personne, l'auteur de la liste inscrit des gouverneurs de provinces conquises. Pense-t-il done que MM. de St-Cyr,

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de Thiard, et Donzelot, lui sauront gré de les montrer aux yeux des électeurs de France dans des fonctions qu'ils désavouent sans doute, et avec des dignités dont ils voudraient n'avoir point été déshonorés ?Qu'est-ce qu'un citoyen français, vice-roi en Saxe ou en Espagne? Et de quel front un homme viendrait-il se faire un droit de pareils titres à la face de la Nation rassemblant ses représentans? « Vous avez plié sous l'arbitraire, » lui dirait-on, et vous avez fait plier des » hommes sous l'arbitraire; c'est pour nous un » double motif de nous tenir en garde contre » vous. Votre domination n'était point trop dure, vous aviez la main légère; que nous >> importe cela ? Nous n'avons pas des députés » pour être frappés doucement. Et d'ailleurs, >> faut-il un si rare mérite pour être trouvé sup» portable par des gens qui s'attendent à tout » souffrir de vous, et qui se regardent comme » une proie de guerre ? »

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Pour nous, si nous voulions présenter des candidats à MM. les électeurs de Paris, nous ne leur offririons pas des noms rangés au hasard, et nous ferions ressortir l'importance de chaque homme par sa classe, et l'importance de chaque

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