Page images
PDF
EPUB

pétue. Or, les valeurs capitales se perpétuent pár la reproduction: les produits qui composent ún capital, se consomment aussi bien que tout autre; mais leur valeur, en même temps qu'elle est détruite par la consonimation, se reproduit dans d'autres matières ou dans la même. Quand je nourris un atelier d'ouvriers, il s'y fait une consommation d'alimens, de vêtemens, de matières premières; mais pendant cette consommation, il se fixe une nouvelle valeur dans les produits qui vont sortir de leurs mains. Les produits qui formaient mon capital ont bien été consommés ; mais le capital, la valeur accumulée, ne l'est pas; elle reparaît sous d'autres formes, prête à être consommée de nouveau; si, au contraire, elle est consommée improductivement, elle ne reparaît plus. »

Il n'y a, à proprement parler, que les deux es pèces de consommations que nous avons déjà mentionnées ; cependant on les divise encore en consommations privées et en consommations publiques. Les unes et les autres sont soumises aux mêmes règles, et produisent les mêmes effets pour les peuples et pour les particuliers. Les plus remar quables de ces effets sont que les consommations improductives diminuent la richesse nationale de toute la valeur des choses consommées, et que les consommations reproductives, au contraire, Cens. Europ. -Tom. I.

12

l'accroissent presque toujours. Les premières n'exigent aucune espèce d'habileté; on est capable, sans travail et sans gêne, de manger de bons morceaux ou de se parer d'un bel habit. Les secondes exigent 'au contraire une certaine capa cité; elles demandent de l'industrie. Les consommations improductives ne servent jamais à de nouvelles productions; elles n'encouragent pas même les hommes industrieux à produire, puisque les valeurs qu'on a consommées improductivement ne donnent pas les moyens d'acheter de nouveaux produits, et qu'il n'y a d'encouragement à produire que là où ces moyens

existent.

Les consommations reproductives étant une condition nécessaire de la création des richesses ou de la production', M. Say a dû s'en occuper dans la première partie de son ouvrage ; aussi dans la troisième partie s'est-il borné à faire remarquer quelques-uns des résultats qui en sont la suite, pour s'occuper exclusivement des consommations improductives, qu'il nomme tout simplement consommations.

Pour savoir si une consommation est bien ou mal faite, il suffit de comparer la perte qui en résulte pour le consommateur avec la satisfaction qui lui en revient. Du jugement sain ou faux

qui apprécie cette perte et la compare avec cette satisfaction, dit l'auteur, découlent les consommations bien ou mal entendues, c'est-à-dire, ce qui, après la production réelle des richesses, influe le plus puissamment sur le bonheur ou le malheur des familles et des nations.

» Sous ce rapport les consommations les mieux entendues seront :

» 1o. Celles qui satisfont des besoins réels. Par besoins réels, j'entends ceux à la satisfaction desquels tiennent notre existence, notre santé et le contentement de la plupart des hommes: ils sont opposés à ceux qui proviennent d'une sensualité recherchée, de l'opinion et du caprice. Ainsi les consommations d'une nation seront, en général, bien entendues, si l'on y trouve des choses commodes plutôt que splendides, beaucoup de linge et peu de dentelles ; des alimens abondans et sains, en place de ragoûts recherchés; de bons habits et point de broderies. Chez une telle nation les établissemens publics auront peu de faste et beaucoup d'utilité; les indigens n'y verront pas des hôpitaux somptueux, mais ils y trouveront des secours assurés ; les routes ne seront pas deux fois trop larges, mais les auberges en seront bien tenues; les villes n'offriront peut-être pas de si beaux

palais, mais on y marchera en sûreté sur des trotoirs....

» 2°. Les consommations lentes plutôt que les consommations rapides, et celles qui choisissent de préférence les produis de la meilleure qualité. Une nation et des particuliers feront preuve de sagesse, s'ils recherchent principalement les objets dont la consommation est lente et l'usage fréquent. C'est par cette raison qu'ils auront une maison et des ameublemens commodes et propres ; car il est peu de choses qui se. consomment plus lentement qu'une maison, ni dont on fasse un usage plus fréquent, puisqu'on y passe la majeure partie de sa vie. Leurs modes ne seront pas très-inconstantes ; la mode a le privilége d'user les choses avant qu'elles aient perdu leur utilité, souvent même avant qu'elles aient perdu leur fraîcheur; elle multiplie les consommations, et condamne ce qui est encore excellent, commode et joli, à n'être plus bon à rien. Ainsi la rapide succession des modes appauvrit un état de ce qu'elle consomme et de ce qu'elle ne. consomme pas.

» Il vaut mieux consommer les choses de bonne qualité, quoique plus chères; en voici la raison dans toute espèce de fabrication, il y a de cer tains frais qui sont les mêmes, et qu'on paie éga

lement, que le produit soit bon ou bien qu'il soit mauvais; une toile faite avec de mauvais lin a exigé, de la part du tisserand, du marchand en gros, de l'emballeur, du voiturier, du marchand en détail, un travail précisément égal à ce qu'aurait exigé pour parvenir au consommateur une toile excellente. L'économie que je fais en achetant une médiocre qualité, ne porte donc point sur le prix de ces divers travaux qu'il toujours fallu payer selon leur entière valeur, mais sur le prix de la matière première seule ; et néanmoins ces différens travaux payés aussi chèrement, sont plus vite consommés, si la toile est mauvaise que si elle est bonne.

» On sent que les réglemens par lesquels l'autorité publique se mêle des détails de la fabricacation (en supposant qu'ils réussissent à faire fabriquer des marchandises de meilleure qualité, ce qui est fort douteux) sont insuffisans pour les faire consommer ; ils ne donnent pas au consommateur le goût des bonnes choses et les moyens de les acquérir. La difficulté se rencontre ici, non du côté du producteur, mais du côté du consommateur. Qu'on me trouve des consommateurs qui veuillent et qui puissent se procurer du beau et du bon, je trouverai des producteurs qui leur en fourniront. C'est l'aisance d'une

« PreviousContinue »