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sirent des patrons ou des appuis dans le sénat: Le devoir des patrons était d'aider leurs cliens de leurs lumières, de les diriger dans leurs af faires, de les protéger contre les vexations, de prendre leur défense devant les tribunaux. Les cliens, à leur tour, devaient assister leurs patrons dans leurs entreprises, leur donner leur suffrage dans les élections, leur fournir les moyens de donner une dot à leurs filles, les racheter, lorsqu'ils étaient faits prisonniers. Les devoirs et les obligations qui résultaient de ce patronage ne constituaient, comme on voit, que des rapports purement civils.

Les Gaulois comptaient trois espèces de clientelles. L'homme faible mettait sa terre sous la protection de l'homme puissant, et s'engageait à lui payer un tribut, en retour de la protection qui lui était accordée. D'un autre côté, des hommes armés s'attachaient aux grands, et ne les abandonnaient ni en paix ni en guerre. Enfin, il se formaït des confédérations particulières qui étaient de véritables dévouemens. La condition des dévoués était de partager en tout le sort de l'ami qu'ils avaient choisi; ils jonissaient avec lui des avantages de la vie, quand il était heureux; ils souffraient avec lui, quand il était dans l'inforCens. Europ. - Toм. II.

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tune, et après avoir vécu ensemble, leur condi. tion était de mourir avec lui.

connu,

« Le caractère de ces trois clientelles une fois dit M. de Montlosier, il est à remarquer que, comme les Francs, en s'établissant, n'abolirent ni ce qui avait pu s'introduire de la elientelle civile des Romains, ni ce qui avait pu se conserver de la clientelle servile des Gaules, la clientelle militaire qu'ils tenaient de leurs an cêtres, et dont ils introduisirent l'usage, dut changer en beaucoup de points l'ordre social. On peut suivre les traces et les progrès, de ce chan

gement.

» Chez les Germains, on ne pouvait donner sés terres, comme chez les Gaulois; les terres ne formaient point de propriété. Dans les Gaules, où les terres se trouvèrent pour les Francs deş propriétés, les terres suivirent la condition de leurs maîtres. Les hommes recherchaient la protection des hommes; les domaines recherchaient la protection des domaines. Les hommes étaient enrégimentés, les domaines s'armèrent et s'enré→ gimentèrent. Les hommes et les domaines se vi rent ainsi associés aux mêmes devoirs et aux mêmes services. L'ancienne clientelle gauloise où on donnait servilement sa terre, s'annoblit em

s'unissant à la clientelle germaine, où on donnait son courage. La clientelle civile des Romains reçut, à son tour, un lustre qu'elle n'avait pas (1).

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Cependant les nouveaux actes, qui semblaient se rapporter en quelque sorte aux actes anciens, pouvaient occasionner ainsi des mépri

(1) Dans les mœurs des sauvages ou des barbares, la rapine et le pillage étant le seul moyen honorable de vivre, il était naturel que les clientelles civiles des Gaulois ou des Romains s'annoblissent en s'alliant à la clientelle des Francs. Voici en effet en quoi consistait cette dernière; c'est M. de Montlosier lui-même qui nous en donne l'explication d'après un passage de Tacite: Parmi les

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grands, c'est à qui aura un plus grand nombre de com→ »pagnons. C'est une décoration pendant la paix, un appui à la guerre. Défendre son prince, le préserver, lui » attribuer ses hauts faits, c'est le devoir de tout compa» gnon. Le prince combat pour la victoire, le compagnon » pour le prince. Ce cheval belliqueux ou ces armes san

glantes et victorieuses, voilà les récompenses; d'abon » dans et grossiers festins forment la solde. La guerre » et le pillage pourvoient à la munificence. » (De la Monarchie francaise, tom. 1, pag. 34. ).

Dans le système féodal, un militaire, un homme qui vit de brigandage, un noble, sont toujours des termes synonymes. On voit ainsi ce que c'est que s'annoblir, et Comment Bonaparte devait créer une noblesse.

ses. On déclara solennellement que les actes de ce genre ne portaient aucun préjudice à l'ingénuité. Il fut stipulé qu'un homme libre pouvait désormais prendre un patron sans s'avilir, remettre ses biens sans s'asservir. Ces dispositions sont consignées dans les formules de Marculfe et dans les Capitulaires.

» Un changement dans les dénominations s'a jouta à ces précautions. Le mot modeste, senior, dont nous avons fait depuis seigneur, fut substitué à celui de patron. Le mot noble vassus, dont nous avons fait depuis vassal, fut substitué au mot abaissé de client. On adopta dans le même sens miles, dont nous avons fait depuis chevalier, et qui ne signifia pendant long-temps qu'un militaire. Les nouveaux actes eux-mêmes, qui auparavant s'étaient rendus généralement par le mot tradere, commençèrent à s'exprimer par mot adouci commendare.

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>> Des signes précis furent créés pour consacrer et distinguer ces divers engagemens. Un homme venait, soit avec son escorte guerrière, si c'était un grand de l'état, soit avec les premiers de sa nation, si c'était un prince prince, mettre solennellement sa main dans la main de l'homme puissant auquel il se vouait. C'était, dans ce cas, sa foi et son courage qu'il lui remettait. Cette espèce

de recommandation, la plus illustre de toutes est rappelée constäniment dans les chartes comme d'origine franque, more Francorum, more francico. »

« Dans d'autres circonstances, on voyait un homme se présenter avec un morceau de gazon, une fleur ou une branche d'arbre. C'était, dans ce cas, ses affaires, son alleu, tous ses biens, qu'on mettait sous la protection de l'homme auquel on se recommandait. Cette seconde espèce de recommandation était noble, car elle avait communément pour condition le vasselage, ou le service militaire.

» Enfin, il y avait une troisième espèce de recommandés ; c'étaient ceux qui, après s'être coupé les cheveux du devant de la tête, se présentaient dans la cour d'un homme puissant pour les lui offrir. Ce signe, qui exprimait la remise entière de la personne (et des biens), entraînait ce qu'on appelait alors bondage, c'est-à-dire la perte de l'ingénuité: cette espèce de recommandation était vile (1). »

Les Francs, habitués à vivre de pillage, ayant

(1) De la Monarchie française, depuis son établissement jusqu'à nos jours, par M. le comte de Montlosier, iɔm. 1er., pag. 35.

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