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contribuable échange contre de la monnaie d'argent les produits dont il peut disposer, et remet cette monnaie aux préposés du fisc; d'autres agens en achètent des draps et des vivres pour troupe il n'y a point encore de valeur consommée ni perdue; il y a une valeur livrée gratuitement par le redevable, et des échanges opérés. La valeur fournie existe encore sous la forme de vivres et d'étoffes dans les magasins de l'armée. Mais enfin cette valeur se consomme; dès-lors cette portion de richesse sortie des mains d'un contribuable est anéantie, détruite.

» Ce n'est point la somme d'argent qui est détruite celle-ci a passé d'une main dans une autre, soit gratuitement, comme lorsqu'elle a passé du contribuable au percepteur; soit par voie d'échange, lorsqu'elle a passé de l'administrateur au fournisseur auquel on a acheté les vivres ou le drap; mais au travers de tous ces mouvemens, la valeur de l'argent s'est conservée ; et après avoir passé dans une troisième main, dans une quatrième, dans une dixième, elle existe encore sans aucune altération sensible : c'est la valeur du drap et des vivres qui n'existe plus; et ce résultat est précisément le même que si le contribuable avec le même argent, eût acheté des vivres et du drap, et les eût consomniés lui

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même. Il n'y a d'autre différence, si ce n'est qu'il aurait joui de cette consommation, tandis que c'est l'État (c'est-à-dire le gouvernement) qui en a joui.

Ce qui a pu accréditer l'erreur que les gouvernemens restituent au public par leurs dépenses, les valeurs qu'ils ont reçues de lui, c'est qu'on a remarqué qu'ils remettent en circulation l'argent qu'ils ont levé sur les peuples; mais remarquons bien qu'ils le reçoivent gratuitement, qu'ils ne le rendent qu'en recevant une valeur équivalente, et que les hommes qui l'ont donné l'auraient également dépensé. Si un gouvernement lève sur un peuple cent millions, par exemple, au-delà de ce qui est absolument nécessaire pour les besoin de l'Etat, il pourra employer cette somme à donner de gros salaires à des valets, des gratifications à des courtisans, des pensions à des poëtes; il pourra même l'employer, si l'on à élever des arcs de triomphe, des pyramides, des palais. Il résultera de cet emploi que des valets qui ne produiront rien, seront bien vêtus et bien nourris; que des courtisans qui ne produisent pas davantage, auront des habits brodés, une bonne table, des chevaux, des maîtresses, des meutes; que des poëtes et des architectes vivront à l'aise, et que le public jouira de la lec

veut,

ture de quelques vers de plus, et de la vue de quelques monumens. Mais il en résultera aussi que les hommes sur lesquels on aura levé des valeurs pour cent millions, ne pourront pas les dépenser à cultiver leurs champs, à accroître leurs manufactures, à étendre leur commerce. Chez une telle nation les laquais seront donc bien vêtus et bien nourris; et les ouvriers employés à l'industrie agricole ou manufacturière seront couverts de haillons et mourront de faim ; les courtisans feront des dépenses énormes pour leurs plaisirs, et les agriculteurs, les manufacturiers les commerçans vivront dans la gêne et ne pourront pas élever leur famille; on verra des monumens dans les grandes villes, et des masures dans les campagnes. Voilà de quelle manière le gouvernement rendra au peuple les valeurs qu'il aura reçues de lui. Un tel gouvernement, suivant Robert Hamilton, ressemble à un voleur qui, après avoir dérobé la caisse d'un négociant, lui dirait : je vais employer tout cet argent à vous acheter des denrées de votre commerce. De quoi vous plaignez-vous? N'aurez-vous pas tout votre argent? et de plus, n'est-ce pas un encouragement pour votre industrie? L'encouragement que donne le gouvernement en dépensant l'argent des contributions, ajoute M. Say

qui rapporte cette comparaison, est exactement le même que celui-là.

Ayant établit que les valeurs prises aux peuples par leurs gouvernemens ne reviennent plus aux contribuables, M. Say examine en quoi consistent en général les dépenses publiques. Il traite des dépenses relatives à l'administration civile et judiciaire ; des dépenses relatives à l'armée, des dépenses relatives à l'enseignement public; des dépenses relatives aux établissemens de bienfaisance; enfin des dépenses relatives aux édifices et constructions publics. Ces divers traités renferment tous des réflexions utiles; mais il en est quelques-uns qui sont plus importans que d'autres, et de ce nombre sont ceux dans lesquels l'auteur s'occupe des dépenses de l'armée, et de l'enseignement public.

ses,

M. Say fait l'énumération de ce que coûtent les guerres, et des avantages qui en reviennent, et il démontre que les uns sont toujours immentandis que les autres se réduisent à rien; il met au nombre des dépenses non-seulement ce que coûtent les armées et leur matériel, mais encore ce que les guerres empêchent de gagner et ce qu'elles détruisent.

« Ce serait apprécier imparfaitement les frais de la guerre, dit-il, si l'on n'y comprenait aussi

y

les ravages qu'elle commet, et il a toujours un des deux partis pour le moins exposé à ses ravages, celui chez lequel s'établit le théâtre de la guerre. Plus un état est industrieux, et plus la guerre est pour lui destructive et funeste, Lorsqu'elle pénètre dans un pays riche de ses établissemens agricoles, manufacturiers et commerciaux, c'est alors un feu qui gagne des lieux pleins de matières combustibles; sa rage s'en augmente, et la dévastation est immense. Smith appelle soldat un travailleur improductif : plut à Dieu! C'est bien plutôt un travailleur destructif; non-seulement il n'enrichit la société d'aucun produit, non-seulement il consomme ceux qui sont nécessaires à son entretien, mais trop souvent il est appelé à détruire, inutilement pour lui-même, le fruit pénible des travaux d'autrui.

» Des gouvernemens plus ambitieux que justes ont cherché souvent à justifier à leurs propres yeux, et à ceux de leurs sujets, les guerres en exaltant la puissance et le profit qu'ils attribuent aux conquêtes. Avec un peu de calme de calme, et mettant le calcul à la place des passions, on trouvera qu'une conquête ne vaut jamais ce qu'elle a coûté.

» Lorsqu'on fait la conquête d'une province

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