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ACTES DE GOUVERNEMENT.

GOUVERNEMENT DE FRANCE.

De la loi qui suspend provisoirement la liberté des écrits périodiques.

LA

La question de la liberté de la presse a été examinée, en 1814, sous le point de vue le plus général (1). En 1817, la question s'est divisée; on n'a plus mis en doute si tous les écrits seraient soumis à la censure préalable et arbitraire des agens du ministère; on s'est borné à demander la censure provisoire des écrits périodiques, et l'on a proposé une loi sur le jugement des écrits

saisis.

La commission nommée par la chambre des

(1) Voyez le tom. 1er, du Censeur.

pairs pour examiner le projet de loi sur les jour naux, en a proposé l'adoption à l'unanimité.

« Votre commission, a dit le rapporteur (M. de Maleville), a dû consulter sur-tout la position intérieure et extérieure de la France, sur lesquelles les méprises pourraient être si funestes; et ce n'est qu'après avoir pesé toutes ces considérations qu'elle s'est déterminée à regret, mais à l'unanimité, à vous proposer l'adoption de la loi qui vous est soumise.

» Je dis à regret ; elle est pénétrée en effet de tous les sentimens généreux qui ont engagé tant d'illustres orateurs à combattre ce projet ; comme eux nous aimons la liberté, et notre imagination frappée, dès l'enfance, des traits saillans de l'histoire, nous la peint toujours comme la mère des talens et des vertus, et la servitude, comme le principe ordinaire de l'ignorance et de la lâcheté.

» Nous aimons encore la liberté comme un don du ciel, sans lequel nos actions n'auraient ni moralité, ni mérite, et nous regardons tout attentat à cette liberté comme un outrage fait à la providence.

» Nous aimons la liberté de la presse indéfiniment, comme un moyen nécessaire, dans l'état actuel de l'Europe, pour propager les lumières et les découvertes nouvelles, et pour faire jaillir

la vérité du choc des systèmes divers; nous aimons la liberté des journaux en particulier comme le plus sûr garant des libertés politique et individuelle, comme le moyen le plus assuré et le plus prompt d'avertir les gouvernemens de leurs erreurs, leur faire entendre les gémissemens des opprimés, et les instruire à temps de l'opinion de leurs peuples.

>> Nous aimons par-dessus tout notre Charte sacrée, comme le palladium de cette liberté chérie, comme la règle des obligations respectives du souverain et du peuple, Ja raison du commandement de l'un et de l'obéissance de l'autre, et le lien qui les unit inséparablement pour leur bonheur commun.

>> Nous souffrons impatiemment de voir cette Charte demeurer encore sans exécution sur des points importans ; et moi particulièrement, déjà parvenu à l'âge de soixante-seize ans, suis-je donc destiné, comme le législateur des Hébreux, à avoir toujours en perspective la terre promise, et à mourir sans avoir goûté de ses fruits. »

Après ces élans d'amour pour la liberté, arrive l'énumération des circonstances qui nous environnent; viennent ensuite les opinions de Montesquieu, puis le caveant consules du Sénat romain, puis la suspension de l'habeas corpus

du Sénat anglais, et enfin tous les lieux communs usités en pareille circonstance, lieux communs que nous savons tous par cœur, et que nous nous dispenserons par conséquent de rappeler. Par ces considérations, la commission conclut à l'adoption du projet de loi.

M. Cornet se prononce aussi en faveur du projet. Il rappelle que, dans les temps orageux de la révolution, la presse était entièrement asservie.

K

Vingt lois ou décrets, dit-il, attestent l'asservissement des journaux : leurs presses même ont été mises sous l'inspection de la police, dans le temps où les mots liberté, égalité, retentissaient le plus à nos oreilles. Comment se fait-il donc que ceux qui ont été les tristes témoins, les victimes de ce débordement de passions haineuses, de ces arrêts de proscriptions et de mort lancés des feuilles dont le nom déshonorerait cette enceinte, ne redoutent point de voir reparaître, au milieu de nous, ces signes avant-coureurs de la tempête? L'expérience serait-elle un mot vide de sens pour les hommes les plus éclairés? »

par

C'est donc en nous présentant les excès et les crimes de la servitude, que M. Cornet veut nous dégoûter de la liberté. Tous ses raisonnemens sont au reste de la même force, et ses principes nous rappellent les beaux temps du sénat couser

vateur. A ses yeux, la publication d'un journal ést nécessairement une concession administrative qui peut se faire à telles ou telles conditions, et être révoquée dès que quelques-unes des conditions ne sont pas remplies; les journaux et les feuilles périodiques ne doivent donc paraître qu'avec l'autorisation du Roi.

M. Dessolle a également soutenu le projet de loi, et ce n'est pas sans quelque peine que nous plaçons l'analyse de son discours à côté de celui de M. Cornet; car, on y trouve des aperçus nouveaux, de bons raisonnemens, de la franchise dans les pensées et dans les expressions. L'orateur nous paraît seulement avoir cédé à de fausses craintes.

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La liberté de la presse, dit-il, est la sauvegarde de la liberté publique; elle est sur-tout un élément nécessaire du gouvernement représentatif; en cela, je suis entièrement d'accord avec les adversaires de la loi proposée : mais, dans ces: gouvernemens, la liberté de la presse agitelle comme cause, ou n'en est elle qu'un heureux résultat ? peut-elle tout par elle-même ? peut-elle se maintenir seulement parce qu'elle existe? oú, comme les autres droits précieux aux citoyens, ne faut-il pas la mettre sous la protec tion d'institutions politiques puissamment inté

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