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est raconté par cette mère dans une lettre datée de Castres, le 9 novembre 1816, et adressée à un habitant de Paris:

>> Je t'annonce, mon ami, que M. B. est parti de Castres, il y a neuf jours. S'il avait différé de deux jours son départ, je lui aurais apparemment remis mon fils pour le dérober aux persécutions qu'on lui fait éprouver, depuis trois ans, pour l'enlever à sa religion et à sa mère, chose que je n'ai découverte que le lendemain du jour où M. B. m'a quittée, Voici comment m'a été dévoilée la trame,

» Je t'ai déjà marqué, je crois, que depuis quelque temps, je ne trouvais plus le petit aussi rangé, et que cela m'obligeait à le surveiller davantage.. Dimanche, j'avais, comme de coutume, fait sa toilette et celle de sa sœur, pour aller avec eux au temple. Au moment de partir, le petit s'échappa; je pensai qu'il avait pris les devans, et je partis avec ma fille. Arrivée au temple, je ne le vis point; cela commença à me donner de l'inquiétude. De retour chez moi, je le trouvai qui m'attendait. Je lui reprochai de n'être pas venu au temple. Il me répondit qu'il y était allé, mais qu'il était placé de manière que je n'avais pu voir de ma place, Je le crus. Je lui recommandai. d'aller le soir à la prière. Il me répondit qu'il

le

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yrait. Dès qu'il eut dîné, il s'échappa de nouveau, et il ne rentra que le soir. Je lui demandai d'où il venait; il me répondit qu'il était allé au mail, et qu'il s'y était oublié. Le lendemain je l'éveillai de bonne heure, pour qu'il s'occupât de son devoir, qu'il n'avait pas fait la veille. Il se lève, it sort, et je ne le vois plus ; je trouve ses cahiers ses livres, et je ne sais ce qu'il est devenu. Ces disparitions continuelles me paraissent si extraordinaires, que je veux enfin en connaître la cause, et savoir ce qui se passe. Après bien des. perquisitions, je parviens à le découvrir. J'apprends qu'on travaille à m'enlever mes deux enfans, qu'on a beaucoup de peine à décider la petite à me quitter, mais que mon fils a déjà la tête perdue, et qu'il est résolu à entrer au sémi naire, dans la semaine,

כל

>> On me dit que la veille il est allé, le matin à la messe, et le soir dans un village voisin pour se confesser au curé du lieu; on ajoute que ce curé l'a déjà confessé deux fois, et que c'est lui qui l'a décidé à entrer au séminaire. Tu juges de l'indignation et de la douleur que cette révélation m'inspire. Je pars à l'instant même et vars droit chez le curé. J'y trouve mon enfant accompagné d'une femme dévote que je recevais habituellement chez moi, et qui se disait ma meilleure

amie. J'étais heureuse de retrouver mon petit; je croyais l'avoir déjà perdu, j'allais le remmener avec moi. Juge quel dut être mon désespoir, lorsque, voulant le reprendre, il me répondit qu'il ne pouvait me suivre, qu'il avait des raisons pour cela, que rien ne pourrait le faire revenir avec moi, Je me tourne alors vers le curé; je le traite de monstre, de misérable; je lui fais sentir l'infamie qu'il y a de m'avoir enlevé le cœur de mon enfant, d'avoir voulu me le ravir furtivement, de l'avoir engagé à me déguiser sa con duite afin d'être plus sûr de consommer le rapt. Il croit s'excuser en me disant qu'il n'a pas été chercher mon fils, que je dois accuser ceux qui le lui ont amené. Enfin je suis obligée d'employer la menace et la violence pour l'arracher

des mains de cet homme.

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Depuis qu'il est avec moi, sa tête se remet un

peu, et il commence à reprendre confiance en sa mère; cependant je le trouve par fois sombre et rêveur, et je tremble toujours de le reperdre. Il m'a confessé qu'on le persécutait depuis plus. de trois ans, qu'il avait résisté tant qu'il avait pu,. mais qu'on était parvenu à le persuader, et qu'il croyait bien faire. J'ai raconté la chose à un de nos administrateurs ; je l'ai prié de faire venir ce euré, de lui faire sentir le danger du métier qu'il

faisait, de lui dire que je me plaindrais au ministre... Il m'a répondu, il y a quelques jours, qu'il l'avait vu; mais la réponse qu'il en avait reçue n'est pas faite pour me tranquilliser. On m'enlevera mes enfans aussitôt que l'àge les aura soustraits à mon autorité. Je n'ai d'autre garantie que leur extrême jeunesse, et c'est un gage de sécurité que le temps m'enlève tous les jours. Ah! que n'ai-je les moyens de quitter cet affreux pays, où des prêtres peuvent impunément tenter de ravir de tendres enfans à leur mère. Il n'en est pas un que je ne préférasse, fût-il au bout de la

terre. >>

Le 26 décembre 1816 la même personne écrivait ce qui suit : « le petit paraît être bien revenu de son erreur; cependant je suis loin d'être tranquille, je crois toujours entendre la réponse du curé à l'administrateur que j'avais chargé de lui parler: « si son fils avait quelques années de plus, elle aurait beau faire ; » et ce qu'il ajoutait lorsqu'on le menaçait de s'adresser au ministre « prenez garde que nous ne dépendons ni du roi, ni de sa charte». Cette réponse est si effrontée que je tremble toujours. »

MIRACLES DES MISSIONNAIRES.

Depuis qu'un grand nombre de ministres du culte catholique ont redoublé de zèle pour ramener le monde dans la voie du salut, les miracles éclatent de tous côtés, et jamais on n'a dire avec plus de vérité :

pu

a Aide-toi, le ciel t'aidera. »

Le malheur est que tous ces miracles ne sont pas également neufs, et qu'on fait de temps à autre des découvertes qui, en détruisant le mérite de l'invention, compromettent singulièrement la bonne foi des nouveaux apôtres.

On sait, car qui pourrait ignorer ce mémorable événement, on sait, disons-nous, que dans les premiers jours de janvier 1816, l'ange Gabriel, en redingote et en chapeau rond, apparut à Ignace Martin, laboureur du village de Gallardon, et lui ordonna d'aller annoncer au roi de grand malheurs, si l'on ne remplissait pas mieux la volonté du ciel, c'est-à-dire, si l'on ne faisait pas mieux la police, et si l'on n'obéissait pas aux lois de l'église ; que le bon paysan, après avoir résisté aux invitations de l'ange, en fit part à son curé, qui le renvoya à son évêque; que celui-ci en instruisit le ministre de la police ; que le ministre chargea le préfet d'examiner si Martin

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