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produits de son industrie (1). Le premier de ces moyens, qui est celui des peuples sauvages, est peu favorable au bien-être et à la propagation de l'espèce humaine, parce que , parce que la terre abandonnée à elle-même ne montre aucune prédilection pour l'homme dans les choses qu'elle produit. Le second, qui appartient aux peuples barbares, lui est également peu favorable, parce qu'il tient les hommes dans un état continuel de guerre, et qu'il corrompt tout à la fois l'individu qui opprime pour ravir, et celui qui est opprimé et qui produit. Le troisième est celui qui convient le plus à l'homme, parce qu'il fournit abondamment à ses besoins, et qu'il est le seul qui puisse le maintenir dans un état permanent de paix, et donner à ses facultés tout le développement dont elles sont susceptibles.

A aucune époque, aucun de ces moyens n'est exclusivement employé à la conservation de l'homme. Le sauvage se fait une hutte pour se mettre à l'abri de l'intempérie des airs; il dépouille l'animal qu'il a tué, pour se couvrir de sa peau; il fait un arc et des flèches pour at

(1) L'industrie de l'homme ne crée par les choses; mais elle en crée presque toute la valenr. (Voy. tom. 1er., pages 186 et 187).

teindre sa proie : il exerce donc un certain genre d'industrie. Le barbare qui vit de proîe ne fait pas dépendre son existence uniquement du succès de ses guerres : il s'empare, comme le sanvage, des produits spontanés de la nature; il cultive grossièrement la terre, et la force à lui donner ce qu'il n'est pas toujours assuré d'acquérir par les armes; il exerce aussi une industrie plus ou moins grossière, puisqu'il fabrique ses armes et qu'il cultive son champ. Enfin, l'homme civilisé emploie à sa conservation, outre les produits son industrie, qui en sont le principal fondement, les choses qui lui sont fournies gratuitement par la nature, et celles qu'il ravit à ses semblables, lorsqu'accidentellement il se trouve en état de guerre avec eux. A toutes les époques, l'homme emploie donc les mêmes moyens pour conserver son existence; ce qu'il faut seulement remarquer, c'est qu'il y a toujours un de ces moyens qui fournit à ses besoins dans une proportion plus ou moins grande, selon que la civilisation est plus ou moins avancée.

de

C'est donc le degré de civilisation d'un peuple, qui détermine le moyen principal à l'aide duquel ce peuple doit se conserver; c'est la nécessité d'employer ce moyen et de lui donner toute l'extension dont il est susceptible, qui détermine

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ensuite la forme de son gouvernement, et le choix des hommes qu'il lui importe d'y faire entrer.

Lorsqu'une tribu de sauvages se met en campagne contre ses ennemis, dit Robertson, le guerrier dont le courage est le plus éprouvé mène la jeunesse au combat. S'ils vont en troupe à la chasse, le chasseur le plus expérimenté marche à leur tête et dirige leurs mouvemens. Mais dans les temps de tranquillité et d'inaction, lorsqu'aucune occasion de déployer ces talens ne se présente, toute prééminence cesse, et il n'est rien qui n'indique que tous les membres de la communauté sont égaux.

Lorsque les hommes d'une tribu, continue le même auteur, sont appelés au combat, soit pour envahir le territoire de leurs ennemis, soit pour repousser leurs attaques; lorsqu'ils sont engagés ensemble dans les fatigues et les dangers de la chasse, ils s'aperçoivent qu'ils font partie d'un corps politique. Ils sentent qu'ils sont liés aux hommes avec lesquels ils agissent, et ils suivent et révèrent ceux qui excellent parmi eux en sagesse et en valeur. Mais durant les intervalles qui séparent ces efforts communs, ils paraissent sentir à peine les liens d'une union politique. Aucune forme visible de gouvernement n'est établie. Les noms de magistrat et de sujet sont hors

d'usage. Chacun semble jouir de son indépendance naturelle presque toute entière. Si un projet d'utilité publique est proposé, les membres de la communauté sont libres de choisir s'ils veulent aider ou non à le mettre à exécution. Aucun service ne leur est imposé comme un devoir, nulle loi ne les obligerait à le remplir (1).

Quoique nos idées aient, pour la plupart, pris naissance dans des temps de barbarie, nous ne rechercherons point en détail quelle est la manière dont s'organisent les peuples sauvages our barbares: il suffit que nous ayons fait remarquer d'une manière générale que les moyens que ces peuples sont capables d'employer pour se procu rer les choses nécessaires à leur existence, déterminent la forme de leur organisation sociale et le choix des hommes qui doivent les diriger; que du moment qu'il ne s'agit plus de mettre ces moyens en usage, toute apparence de gouvernement cesse parmi eux, et que chacun reste librede disposer de ses actions comme bon lui semble.. Des recherches plus approfondies sur ce sujet seraient difficiles à faire, et auraient peu d'utilité ; ce qu'il importe d'observer avec soin, c'est la manière dont se sont organisés les peuples, dont. les idées ou les habitudes ont exercé et exercent

(1) History of America, book 4..

encore sur nous quelque influence. On voit déjà qu'il s'agit des Romains et des Francs, peuples essentiellement pillards ou guerriers.

Si l'histoire du peuple romain ne nous apprenait pas que cette nation avait placé la source de ses revenus dans le pillage de ses voisins, son organisation sociale suffirait pour nous l'apprendre. Le peuple est d'abord divisé en tribus, les tribus en curies, les curies en décuries. On met à la tête de ces sections, des chefs qui prennent un nom analogue à la section qu'ils commandent ainsi les tribus sont commandées par des. tribuns, les curies par des curions, les décuries par des décurions. Cette division générale, dans laquelle on fait entrer les femmes, les enfans et lės vieillards, est néanmoins toute militaire, et chaque fraction du peuple est commandée par le soldat le plus courageux (1).

Cette première division opérée, on en fait une seconde. On choisit les hommes les plus distingués par leur expériencé, par leur fortune et sur

(1) Suivant Denys d'Halicarnasse, Rome eut des tribuns, dès son origine; ce ne fut cependant que la 266o. année de la fondation de cette ville que les tribuns du peuple furent créés. Les grades de centurion, de curion, de dédécurion, ont toujours été des grades militaires, sous les empereurs comme du temps de la république.

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