Page images
PDF
EPUB

LÉGISLATION MÉDICALE

DÉCRET RELATIF A LA VENTE DES SÉRUMS THÉRAPEUTIQUES ET AUTRES LIQUIDES ORGANIQUES INJECTABLES.

En exécution de la loi du 25 avril 1895, relative à la préparation et à la vente des sérums thérapeutiques et autres liquides organiques injectables, le Gouvernement a rendu le décret suivant, qui a été publié dans le Journal officiel du 11 février 1896:

Le Président de la République française,

Sur la proposition du Président du conseil, ministre de l'inté rieur,

Vu la loi du 25 avril 1895, relative à la préparation, à la vente et à la distribution des sérums thérapeutiques et autres produits analogues;

Vu le décret du 15 mai 1895, instituant une Commission chargée de l'étude des questions se référant à l'application de la loi précitée ;

Vu l'avis de cette Commission;

Vu l'avis du Comité consultatif d'hygiène publique de France; Vu l'avis de l'Académie de médecine ;

Décrète :

[ocr errors]

Article 1er. La préparation des virus atténués, sérums thérapeutiques, toxines modifiées ou produits analogues pouvant servir à la prophylaxie et à la thérapeutique des maladies contagieuses, et des substances injectables d'origine organique appliquées au traitement des affections aiguës ou chroniques, est autorisée dans les établissements et suivant les conditions ci-après déterminées : 1o Institut Pasteur de Paris: sérum antidiphtérique, sérum antivenimeux ;

20 Institut Pasteur de Lille, dirigé par M. Calmettes : sérum antidiphtérique, sérum antivenimeux ;

30 Laboratoire du Havre, dirigé par M. Dumont: sérum antidiphtérique ;

40 Laboratoire de Nancy, dirigé par M. Macé sérum antidiphtérique ;

5° Laboratoire de Lyon, dirigé par M. Arloing : sérum antidiph térique ;

6o Laboratoire de Grenoble, dirigé par MM. Berlioz et Jourdan : sérum antidiphtérique ;

70 Laboratoire de MM. Egasse et Bouyé, rue des Fossés-SaintJacques, 19, à Paris : extraits organiques préparés selon la méthode de Brown-Séquard;

8o Laboratoire de M. Bazin, cours Victor-Hugo, 9, à Bordeaux : extraits organiques préparés selon la méthode de Brown-Séquard;

Art. 2. Ces produits pourront être distribués à titre gratuit ou onéreux. L'autorisation dont ils sont l'objet est temporaire et révocable; ils sont soumis à l'inspection prescrite par la loi.

Art. 3.

Le Président du conseil, ministre de l'intérieur, est chargé de l'exécution du présent décret.

LES PÉNALITÉS CONTRE L'EXERCICE ILLÉGAL.

Nous avons publié récemment un grand nombre de jugements relatifs à l'exercice illégal de la médecine.

La loi de 1892 contient une sanction très précise pour chaque délit. Nous reproduisons le tableau des pénalités qui a été publié par M. Gaston Thomas dans la Presse médicale.

Quelles sont les peines édictées par la loi du 30 novembre 1892 pour l'exercice illégal?

La loi prévoit, quant à la peine, pour l'exercice illégal, trois délits différents exercice illégal de la médecine, exercice illégal de l'art dentaire, exercice illégal de l'art des accouchements. Pour chacun d'eux, il faut établir une sous-distinction, suivant qu'il y a eu ou non usurpation de titre. Enfin, il faut tenir compte de la récidive.

On peut établir les tableaux suivants, qui faciliteront à nos lecteurs la connaissance de cettte partie de la loi.

1. EXERCICE ILLÉGAL DE LA MÉDECINE: 100 à 500 francs d'amende (art. 18, loi de 1892).

Récidive 500 à 1000 francs d'amende ; emprisonnement de six jours à six mois, ou l'une de ces deux peines seulement (art. 18, loi de 1892).

Avec usurpation du titre de docteur ou d'officier de santé : 1000 à 2000 francs d'amende (art. 19, loi de 1892).

Récidive d'uns ce dernier cas: 2000 à 3000 francs d'amende; emprisonnement de six jours à un mois ou l'une de ces deux peines seulement (art. 19, loi de 1892.

II. EXERCICE ILLÉGAL DE L'ART DENTAIRE: 50 à 100 francs d'amende (art. 18 § 2, loi de 1892).

Récidive 100 à 500 francs d'amende (art. 18 § 2, loi de 1892). Avec usurpation du titre de dentiste: 100 à 500 francs d'amende (art. 19 § 2, loi de 1892).

Nota: S'il y avait usurpation du titre de docteur ou d'officier de santé, on rentrerait dans le tableau I.

Récidive dans ce dernier cast 500 à 1000 francs d'amende ; emprisonnement de six jours à un mois ou l'une de ces deux peines seulement (art. 19 § 2, loi de 1892).

III. EXERCICE ILLÉGAL DE L'ART DES ACCOUCHEMENTS: 50 à 100 francs d'amende (art. 18, loi de 1892).

Récidive 100 à 500 francs d'amende ; emprisonnement de six

jours à un mois ou l'une de ces deux peines seulement (art. 18 § 3, loi de 1892).

Avec usurpation du titre de sage-femme: 100 à 500 francs d'amende (art. 19 § 3, loi de 1892).

Récidive dans ce dernier cas: 500 à 1000 francs d'amende ; emprisonnement de un mois à deux mois ou l'une de ces deux peines seulement (art. 19 § 3, loi de 1892).

L'IMPOT SUR LE REVENU.

Tous nos confrères qui ont suivi avec la plus grande attention la lutte qui a eu lieu au Parlement à propos de l'impôt sur le revenu, ont désiré le maintien ou le renversement du ministère selon qu'ils sont conservateurs, opportunistes ou radicaux. Peu d'entre eux ont compris l'importance que présente cet impôt pour la profession médicale.

Beaucoup de médecins croient en effet que l'impôt sur le revenu doit s'appliquer à ceux qui possèdent des rentes et non pas à ceux qui triment pour vivre ct élever leurs enfants. Si cet impôt progressif devait porter exclusivement sur les rentiers et les capitalistes, les médecins y seraient bien rarement soumis. Mais hélas ! il n'en est rien et le médecin, qu'il soit riche ou pauvre, verra augmenter considérablement ses taxes. Un de nos confrères de la Gazette des hôpitaux a parfaitement résumé cette question:

Paris, le 16 mars 1896.

« Si les médecins, dit notre confrère, étaient appelés à se pronon cer sur le projet d'impôt sur le revenu présenté par le gouverne. ment, il est bien probable que ce projet ne serait pas accepté. C'est qu'en effet, il est, pour notre profession, l'occasion de charges et de vexations nouvelles.

Que nous soyons, par ce projet, plus imposés qu'avant, nul ne saurait le contester! Tout d'abord, les favorisés du sort, les praticiens éminents, dont le nombre est d'ailleurs bien minime, verraient leurs impôts accrus dans des proportions inimaginables. Quelquesuns d'entre eux paieraient annuellement au fisc plus de 20.000 francs.

Quant à l'ensemble des praticiens modestes, leurs charges seraient également augmentées. Il ne faut point, en effet, perdre de vue que dans le projet ministériel, l'impôt nouveau ne doit pas remplacer intégralement la contribution personnelle mobilière, ni celle des portes et fenêtres. C'est la part seule revenant à l'État qui doit être supprimée et la part revenant aux départements et aux communes continuera à être perçue. Cette part est de 45 et de 40 p. 100 à Paris, elle varie de 55 à 60 p. 100 dans les départements.

Le nouvel impôt est donc une modification ne devant porter que sur la moitié de l'impôt anciennement perçu.

[ocr errors]

Or comment établira-t-on, pour le médecin, le chiffre du revenu sur lequel doit se fixer l'imposition nouvelle ? Ceux qui ont plus de 10.000 francs de revenu et il s'agit ici aussi bien de revenu du travail que des autres revenus devront en faire la déclaration; cette déclaration sera soumise à une commission communale qui statue d'après les renseignements que l'Administration lui fournit ou d'après ceux que ses membres peuvent avoir personnellement. l'imposé peut en appeler de cette décision devant une commission d'arrondissement. Ceux dont le revenu est inférieur à 10.000 francs seront taxés par la commission communale; sauf recours à la commission d'arrondissement. Ils peuvent néanmoins avoir recours au système de la déclaration.

Nous n'avons pas besoin d'insister sur ce que ce projet a de vexatoire et combien il est attentatoire à la liberté de chacun de nous ! Comment la commission communale pourra-t-elle donner des renseignements? Où les puisera-t-elle ? Prendra-t-on comme tels les racontars de domestiques et les bavardages des voisins? Le médecin lui-même qui a gagné une année 10.000 francs est-il sur de les recevoir l'année suivante ? L'imposera-t-on sur le nombre des visites faites et des consultations données ou sur les visites et les consultations réellement payées ?

Mais, qu'entend-on par revenu ? Pour un commerçant, la chose est simple; le revenu, c'est l'excédent des recettes sur les dépenses, lorsque tout est payé, loyer, employés, frais d'administration, achat des marchandises; le bénéfice est constitué par ce qui reste en caisse, après l'inventaire. En d'autres termes, c'est un bénéfice net. Car l'on ne peut guère imposer un commerçant sur son chiffre d'affaires. Il y en a qui remuent des capitaux considérables pour avoir un revenu modeste, et l'on ne peut raisonnablement les taxer sur la totalité de leurs recettes. Une maison peut manier un million de capitaux dans l'année et ne gagner que 30.000 francs, représentant la dillėrence entre le prix d'achat de ses marchandises, ses frais généraux d'une part, et son prix de vente, d'autre part. L'imposer sur un million serait souverainement injuste et d'ailleurs absolument impossible, car l'impôt dépasserait de beaucoup les bénéfices nets. Il nous semble donc que, pour le commerçant, l'impôt ne peut être établi que sur les bénéfices nets, défalcation faite des frais généraux.

Malheureusement, il n'en sera pas de même pour le médecin. A chaque instant, on entend dire « Le docteur X... gagne 10.000 francs, le docteur Z... gagne 20.000 francs. » Cette façon d'apprécier les bénéfices est absolument illusoire. Le docteur X... gagne 10.000 francs et le docteur Z... 20.000, à la condition d'avoir tous deux un loyer au-dessus du prix de celui qu'ils occuperaient s'ils n'étaient pas médecins ; d'avoir au moins un domestique en plus du nombre qui leur serait strictement nécessaire, d'avoir cheval et voiture, 1896. - 5*

uniquement utilisés pour leur profession. Si l'on défalque, et c'est justice, du chiffre des recettes annuelles, le chiffre des dépenses résultant uniquement de la profession, il ne restera pas une très grosse somme des 10 ou des 20.000 francs qu'on a coutume de considérer comme bénéfices nets.

Le gros fonctionnaire à bonne et grosse sinécure, qui touchera de l'État 6.000 francs par an, pour un service que nous savons bien être peu pénible, paiera 40 à 50 francs d'impôts par an. Combien y a-t-il de médecins qui, tous frais payés, aient 6.000 francs de bénéfices nets, chaque année? Et cependant leurs impositions, d'après le nouveau projet, atteindraient près de 400 francs pour une recette a nnuelle de 10.000 francs !

Souhaitons donc que le nouveau projet gouvernemental soit repoussé ; sans cela le nouvel impôt serait pour nous un privilège nouveau à ajouter à la liste déjà longue de ceux dont on nous a si généreusement accablés.

JURISPRUDENCE MÉDICALE

DENTISTE ÉTRANGER. USURPATION DU TITRE DE DOCTEUR. — CONDAMNATION — CRITIQUES.

L'article 20 de la loi de 1892 qui prévoit l'usurpation du titre de docteur en médecine s'applique aux dentistes.

Le tribunal correctionnel de Montpellier vint de rendre une dé. cision à cet égard dans les circonstances suivantes :

Le syndicat des chirurgiens-dentistes du sud-est de la France avait poursuivi devant le tribunal correctionnel de Montpellier un sieur S.., dentiste dans cette ville, pour usurpation du titre de docteur en médecine sans indication de l'origine étrangère de ce titre. Le sieur S... se donnait, en effet, sur ses plaques à sa porte, cartes de visite, prospectus, annonces dans les journaux locaux, comme: Docteur S.., spécialiste de l'Université royale de Londres. Or, ce serait vainement que l'on chercherait à Londres une Université royale, et le diplôme invoqué par S... était tout de son invention.

Le syndicat des dentistes demandait donc l'application de l'article 20 de la loi de 1892 sur l'usurpation du titre français de docteur. M. S..., pour sa défense, soutenait que cet article ne pouvait être appliqué qu'à celui qui se livre à l'exercice de la médecine, et non pas aux dentistes.

Le tribunal a fait droit aux conclusions du syndicat, et s'appropriant une jurisprudence, consacrée par deux décisions du tribunal de la Seine (mai 1895), il a décidé :

Que la loi de 1892, et notamment l'article 20, avait pour but de

« PreviousContinue »