Page images
PDF
EPUB

JURISPRUDENCE MÉDICALE

EXERCICE DE LA MÉDECINE SOUS UN PSEUDONYME. USURPATION DE NOM.

Nous croyons intéressant de faire connaitre un jugement de la huitième chambre correctionnelle du Tribunal de la Seine qui fait application de la loi du 30 novembre 1892, relativement à l'exercice de la médecine sous un pseudonyme, et qui décide que la médecine ne constituant ni un commerce, ni une industrie, une méthode de traitement ne saurait faire l'objet d'une marque de fabrique ou de commerce.

Un sieur Lazerat, docteur en médecine, demeurant à Paris, rue de Rivoli, 43, avait assigné en police correctionnelle le sieur Hubaut (Paul), trente-neuf ans, pharmacien, demeurant à Paris, rue de Rivoli, 66, comme ayant usurpé le nom de Fernandez qui était sa propriété.

Le Tribunal a rendu le jugement suivant:

« Sur la demande principale:

<< En ce qui touche l'abus du nom de Fernandez,

« Attendu que Lazerat, docteur en médecine, se prétendant propriétaire exclusif du nom de « Fernandez », pris comme dénomination arbitraire et distinctive « pour l'exercice de sa spécialité », a fait assigner le pharmacien Hubaut devant cette chambre sous l'inculpation d'avoir contrevenu aux dispositions de l'article 1er de la loi du 28 juillet 1824 en « faisant depuis plusieurs mois un usage abusif de ce nom de Fernandez qui « ne lui appartient à aucun titre >> ;

« Attendu que par conclusions déposées à la barre, il requiert en outre l'application de l'article 7 de la loi du 23 juin 1857 sur les marques de fabrique et de commerce;

« Attendu que Lazerat se fonde, pour revendiquer la propriété exclusive du nom de « Fernandez » sur l'usage continu qu'il en a fait depuis 1886, et sur le dépôt de ce nom effectué par lui au greffe du Tribunal de Commerce de la Seine, comme marque de fabrique ou de commerce, les 8 septembre 1886 et 10 mars 1894, pour désigner un traitement spécial des maladies vénériennes et des maladies de la peau, dit « Méthode végétale Fernandez » ;

« Mais, attendu qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 23 juin 1857, ne sont considérées comme marques de fabrique protégées par ladite loi que les noms, dénominations et signes quelconques << servant à distinguer les produits d'une fabrique ou « les objets d'un commerce » ;

«

Que, de même, la loi du 28 juillet 1824 n'a pour objet que de 1896 — 6*

consacrer le respect et la propriété des noms commerciaux et industriels ;

« Attendu que l'exercice de la médecine ne constituant ni un commerce, ni une industrie, une « Méthode de traitement » ne saurait faire l'objet d'une marque de fabrique ou de commerce;

• Attendu, d'autre part, qu'il est interdit, aux termes de l'article 9 de la loi du 30 novembre 1892, d'exercer sous un pseudonyme la profession de médecin ; que le Dr Lazerat est donc non receva. ble à revendiquer « pour l'exercice de sa spécialité » la propriété du nom de « Fernandez », lequel ne constitue en réalité que le pseudonyme sous lequel il a, depuis 1886, pratiqué le traitement des maladies vénériennes ;

« Que sa demande manque donc de base légale et ne saurait, par suite, être accueillie ;

« En ce qui touche l'abus du nom de Lazerat ;

« Attendu que la demande de ce chef est non recevable, les faits sur lesquels elle se fonde n'ayant pas fait l'objet d'une citation régulière ;

« Sur la demande reconventionnelle :

« Attendu qu'il ne résulte pas des circonstances de la cause que Lazerat ait agi de mauvaise foi et dans l'intention de nuire; «Par ces motifs,

« Renvoie Hubaut des fins de la poursuite sans dépens;

« Le déclare mal fondé en sa demande en paiement de deux mille francs de dommages-intérêts, l'en déboute;

« Condamne la partie civile aux dépens, lesquels ont été par elle avancés. »

LES HONORAIRES D'UN MÉDECIN DOIVENT ÊTRE FIXÉS D'APRÈS LA NATURE DES SOINS DONNÉS ET SANS FAIRE SUPPORTER UNE MAJORATION AUX CLIENTS ÉTRANGERS.

Voici le jugement rendu par le Tribunal de Bourges :

Attendu que le Dr G... a donné ses soins à la dame M... et l'a accouchée à la date du 27 juillet dernier; qu'il a réclamé pour honoraires 285 francs; que le 20 août le sieur M..... lui a fait adresser sous pli chargé une somme de 200 francs qui a été refusée ; que cette offre a été renouvelée le 3 octobre à l'audience de conciliation;

Attendu que le Dr G... a assigné le sieur M... au paiement de la somme de 250 francs à laquelle il a réduit sa demande ;

Attendu que les honoraires sont variables suivant la notoriété plus ou moins grande du médecin auquel on a recours; qu'il doit ètre, en outre, tenu compte dans une certaine mesure de la situation apparente des clients;

Attendu que le Tribunal ne peut apprécier quelle est la noto

riété du Dr G... à S... comme médecin accoucheur; mais qu'il résulte des renseignements versés au débat que ses confrères, pour un accouchement dans une famille aisée, réclament de 150 à 200 francs;

Attendu que le Syndicat des Médecins du département consulté par le demandeur reconnaît que le prix habituel du Dr G... est de 200 francs et estime qu'en ne le majorant que de 50 francs pour des clients étrangers il a fait preuve de modération ;

Attendu que le Tribunal ne saurait en aucune façon consacrer une semblable règle; que le sieur M... ne doit pas être traité plus défavorablement que les personnes de sa condition sociale habitant le département; qu'il a fait des offres suffisantes avant toute poursuite et que la totalité des frais de l'instance doit être laissée à la charge du demandeur;

Par ces motifs,

Déclare suffisante et satisfactoire l'offre de 200 francs faite le août au demandeur et renouvelée à la barre; dit qu'à défaut d'acceptation de cette offre dans la huitaine de ce jour, le sieur M... sera valablement libéré par la consignation des fonds; déclare, en conséquence, le Dr G... mal fondé dans sa demande ; l'en déboute et le condamne aux dépens.

Conclusion: il ne faut pas saler les étrangers.

USURPATION DU TITRE DE DOCTEUR PAR UN DENTISTE. APPLICATION DE LA NOUVELLE LOI. CONDAMNATION.

Le tribunal correctionnel de Montpellier a fait récemment une intéressante application de la loi du 30 novembre 1892 sur l'exercice de la médecine.

Le Syndicat des Chirurgiens-Dentistes du Sud-Est de la France avait poursuivi devant le tribunal correctionnel de Montpellier un sieur S..., dentiste dans cette ville, pour usurpation du titre de docteur en médecine, sans indication de l'origine étrangère de ce titre. Le sieur S... se donnait, en effet, sur ses plaques à sa porte, cartes de visite, prospectus, annonces dans les journaux locaux, comme: Docteur F. S..., spécialiste de l'Université royale de Londres. Or, il n'y a pas à Londres d'Université royale et le diplôme, invo qué par le praticien, était un diplôme de haute fantaisie.

Le Syndicat des Dentistes demandait donc l'application de l'article 20 de la loi de 1892 sur l'usurpation du titre français de docteur. M. S... a soutenu que cet article ne pouvait être appliqué qu'à celui qui se livre à l'exercice de la médecine et non pas aux dentistes.

Le tribunal a fait droit aux conclusions du Syndicat et, s'appropriant la jurisprudence, consacrée par deux décisions du tribunal de la Seine (mai 1895), il a décidé que la loi de 1892, et notamment

l'article 20, avait pour but de protéger à la fois l'exercice de la médecine, de l'art dentaire et de l'art des accouchements; que toutes ses dispositions visaient ces trois catégories de professions et que spécialement l'article 16 indique comme exerçant illégalement la médecine toute personne qui, sans diplôme, pratique l'art dentaire sans se conformer aux dispositions de la présente loi. En conséquence, le tribunal a condamné le sieur S... à la peine de 100 francs d'amende et à 25 francs de dommages-intérêts envers la partie civile, pour avoir usurpé le titre français de docteur en médecine, délit prévu et puni par l'article 20 de la loi de 1892.

QUE DOIT-ON ENTENDRE PAR DERNIÈRE MALADIE?

Nous avons publié dans notre numéro du 8 décembre 1895 un article sur l'article 909 du code civil qui parle de la dernière maladie. Cette question a une importance considérable pour le médecin qui ne peut hériter des malades qu'il a soignés pendant la dernière maladie et dont les honoraires ne sont privilégiés que lorsqu'ils s'appliquent aux soins donnés pendant la dernière maladie. Il nous a paru intéressant de faire connaître l'interprétation de l'article 909 du code civil telle qu'elle a été fournie par M. Decori dans un rapport lu à la Société de médecine légale.

« Vous vous souvenez que votre commission vous a exposé, par l'organe de Me Decori, que l'interprétation donnée aux mots : « dernière maladie » était variable suivant tel tribunal ou telle cour d'appel.

Celle de ces interprétations qui nous a paru se conformer le mieux, tant à l'esprit de la loi qu'au sentiment de l'équité, est celle que nous avons trouvée dans un jugement du tribunal de la Seine en date du 20 décembre 1894, et qui est ainsi conçue :

« Par dernière maladie on doit entendre non pas un état de lésions organiques dont l'aggravation ou le développement ont ultérieurement entraîné la crise fatale, mais seulement cette période où l'état du malade défiant tous les efforts de la science, est définitivement reconnu comme désespéré, et où la marche incuable du mal amène nécessairement la mort d'une manière immédiate et déterminante. »>

Toutefois, si le sens de cette définition nous paraît excellent, nous croyons que les termes en doivent être quelque peu modifiés. Si notre Société doit adopter cette formule, il convient qu'elle la rende un peu plus précise, et qu'elle évite certaines expressions qui sont un peu incorrectes au point de vue purement scientifique. C'est ainsi que les termes de lésions organiques doivent être remplacés, croyons-nous, par « état morbide » dont la signification est beaucoup plus générale.

Nous soumettons donc à votre discussion la rédaction suivante :

<< Par dernière maladie, on doit entendre non pas un état morbide dont l'aggravation ou le développement ont ultérieurement entraîné la crise fatale, mais seulement la période terminale de cet état, celle qui ne comporte plus aucune rémission sérieuse et durable du mal, mais qui doit fatalement amener la mort à bref délai. »

LES ÉTUDIANTS ET LES MÉDECINS ÉTRANGERS

M. Jacques Bertillon a présenté à la Société de statistique de Paris un travail sur le nombre des médecins de Paris par âge et par nationalité.

Le dénombrement de Paris en 1891 donnait un total de 2,922 médecins, dont 521 étrangers, soit 22 médecins étrangers pour 100 médecins français.

Au point de vue de l'âge, ce total se répartissait ainsi :

De 20 à 39 ans....

De 40 à 59 ans..

De 60 et plus.

1.470

1.077

385

Les étrangers sont dans le rapport de 36 à 100 Français pour la première catégorie d'âge; de 11 à 100 pour la deuxième, et de 7 à 100 pour la troisième.

Ce sont les Ve et VI arrondissements qui comptent le plus de médecins étrangers; ils représentent près de la moitié du total, 246 sur 521. Ce qui tient, sans doute, d'après M. Bertillon, à ce que les jeunes étrangers qui habitent le quartier latin, y restent pour y continuer leurs études.

En dehors de ces deux arrondissements, c'est dans les arrondissements les plus riches que les médecins étrangers sont surtout fixés. Ils abandonnent volontiers aux médecins français la clientèle de la Villette, de Ménilmontant ou de Montrouge.

M. Bertillon conclut de son étude qu'il n'y a pas à Paris de profession où la concurrence étrangère se fasse aussi vivement sentir que dans la profession médicale.

Il pense qu'il y aurait lieu d'exiger la naturalisation pour les médecins qui voudraient se fixer et exercer en France.

La question des étudiants étrangers a été discutée dans tous les milieux. Nous sommes heureux de constater que la solution que nous avons été le premier à proposer a rencontré l'assentiment général.

Les internes français en médecine et chirurgie des hôpitaux

« PreviousContinue »