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Cet article ne saurait modifier le texte qui le précède. La troisième phrase semble contredire la deuxième et celle-ci ne dit point quand le pharmacien se croira obligé de conserver l'ordon nance; il resterait en outre à savoir si les formalités du certifié conforme seront de nature à vaincre tout scrupule et toute diffi culté postérieure. Puis il laisse toujours en suspens la question : A qui appartient l'ordonnance?

Notre opinion est qu'elle appartient à celui qui l'a payée. A chacun le sien, dirons-nous en résumé : au médecin qui a rendu l'oracle la paix d'une conscience sans remords; au malade, une ordonnance parfois chèrement payée et pas toujours efficace ; enfin au pharmacien, son fameux livre de copies d'ordonnances, bien paraphé, bien surveillé et bien contrôlé par la police.

JURISPRUDENCE MÉDICALE

EXERCICE ILLÉGAL DE LA MÉDECINE ET DE LA PHARMACIE

Voici le jugement obtenu sur les instances du Syndicat médical de Saumur :

Attendu qu'il résulte des débats que B..., demeurant à Varennes-sous-Montsoreau, se livre habituellement à l'exercice illégal de la médecine, qu'il reçoit chez lui de nombreuses personnes qui viennent le consulter, et que, pendant longtemps même, il donnait ses consultations à Saumur, les jours de marché, dans l'auberge tenue par un sieur S...

Attendu notamment que dans le cours de l'année 1896, il a donné des soins et fourni des remèdes à la femme B... qui était atteinte et est morte d'un cancer à la matrice; que le sieur B..., mari de la défunte, entendu comme témoin, dit que chaque bouteille de médicament était payée 3 francs et qu'il a payé ainsi 21 francs à B...

Attendu que dans le cours de l'année 1895 la femme E... est allée le consulter pour une bronchite sur le conseil d'une femme A... qui disait s'être bien trouvée de ses remèdes, qu'elle le vit trois ou quatre fois et qu'à chaque fois il lui remit deux fioles de médicaments, l'une pour l'usage externe et l'autre pour prendre en potion; qu'elle payait ses fioles 4 et 5 francs.

Attendu enfin que dans le mois de février dernier la femme G..., qui était atteinte de fièvre typhoïde et qui en est morte, est allée le consulter et qu'elle a reçu de lui une bouteille dont il lui a indiqué la valeur comme étant de 5 francs, sans pourtant exiger au moment même le paiement.

Attendu que, ne pouvant nier la matérialité des faits, B... soutient qu'ils ne tombent pas sous l'application de la loi parce que le médicament qu'il fournit est un composé d'eau ferrée, d'infusion de

verveine et de graine de foin, ce qui est absolument inoffensif. Mais attendu que, quelle que soit la composition du médicament, du moment que B... le prône comme une panacée universelle et la vend aussi bien pour traiter le cancer que la bronchite et la fièvre typhoïde, il viole dans son esprit comme dans son texte la loi du 30 novembre 1892 et il tombe sous l'application des articles 16 et 18 de cette loi.

Par ces motifs,

Statuant sur les conclusions du ministère public, condamne B... à cinq cents francs d'amende.

Statuant sur les conclusions de la partie civile, attendu que les faits ci-dessus sont de nature à porter préjudice au Syndicat des Médecins de l'Arrondissement de Saumur, le condamne à payer audit Syndicat, la somme de 50 francs à titre de dommagesintérêts.

NOURRICES ET NOURRISSONS SYPHILITIQUES

L'Administration des Enfants-Assistés des Deux-Sèvres confie à une nourrice un enfant absolument sain d'apparence, né d'une mère saine également au moment de la naissance, et qui l'est tou jours restée depuis.

Quelques semaines après, l'enfant donnait la syphilis à sa nourrice.

La nourrice qui avait, en outre, contaminé son mari, demanda des dommages-intérêts à l'Assistance, et, comme les faits furent démon. trés exacts, elle obtint gain de cause en première instance. Elle per dit en appel, parce que-ont déclaré les juges de la cour d'appel de Poitiers « un fait, alors même qu'il est dommageable, ne peut justifier aucune action en dommages-intérêts contre son auteur qu'autant qu'une faute peut être établie à la charge de ce dernier ». Or, l'Administration de l'Assistance n'avait commis aucune faute en confiant à une nourrice un enfant absolument sain d'apparence. Les juges d'appel expriment d'ailleurs leur regret de juger ainsi : «Attendu, quelque intérêt qu'inspirent les époux B..., qui ont éprouvé un dommage trop certain, que le respect des principes du droit fait un devoir de repousser leur action. »

Ces deux jugements nous paraissant intéresser au plus haut point le corps médical, nous en donnerons les principaux considérants. Voici d'abord le premier jugement qui donne satisfaction à la nourrice :

<«< Attendu que l'enfant confié à la femme B... par l'Assistance publique était atteint de syphilis congénitale ;

« Que, plus tard, la nourrice est allée consulter le Dr D... qui a reconnu qu'elle était atteinte de la syphilis, qui lui aurait été évidemment communiquée par la bouche de l'enfant dont il a constaté l'état ;

« Que, si la mère de l'enfant paraissait saine et si elle est restée après l'accouchement à l'hôpital sans que cette apparence de santé se soit modifiée, il n'est pas rare que la mère soit atteinte de syphilis transmissible à l'enfant, sans qu'on puisse reconnaître sur elle les traces de cette maladie, ni même qu'un enfant syphilitique naisse d'une mère restée indemne;

<«< Attendu que le sieur B... a contracté postérieurement de sa temme la même maladie;

« Attendu qu'il n'est pas établi qu'au moment de sa naissance l'enfant presentât des signes de nature à éveiller l'attention; que le contraire semble même résulter de la contre-enquête ;

« Attendu que les témoins sont d'accord avec les données de la science pour déclarer que, si quelquefois l'enfant syphilitique n'est pas atteint, dès la naissance, d'accidents, ces accidents, plus ou moins caractéristiques, se manifestent dans un délai très court, exceptionnellement après quelques semaines ;

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Attendu que l'Assistance aurait pu, s'agissant d'un enfant dont le père était inconnu, ne pas le remettre à une nourrice dès sa naissance et le garder en observation, et que les graves conséquences de la négligence de l'Administration auraient pu sans doute être évitées;

« Attendu, en tout cas, qu'elle aurait dû mettre la nourrice en garde contre un danger possible; qu'il suffisait de prémunir la nourrice et de lui recommander de surveiller attentivement son nourrisson;

« Attendu qu'il est reconnu que la maladie ne pouvant se transmettre par la bouche de l'enfant qu'en cas de déchirure ou plaie du sein, la nourrice peut échapper à la contagion à l'aide de certaines précautions; que la femme B... aurait été mise à même de renoncer à l'avantage de prendre un nourrisson ou de s'entourer de toutes les précautions qui auraient pu la préserver; qu'il est très probable d'ailleurs que certains accidents se sont produits chez l'enfant bien avant que les plaques de la bouche aient rendu la contagion possible; que la femme B... aurait alors cessé l'allaitement et n'eût pas été contaminée ;

« Attendu qu'en matière de quasi-délit, l'existence d'une faute, même légère, crée la responsabilité ;

« Attendu que cette négligence ou cette imprudence de l'Assistance publique constitue une faute dont elle est responsable;

« Par ces motifs, le Tribunal condamnait le département des DeuxSèvres à payer aux époux B... une somme de 4.000 fr. à titre de dommages-intérêts. »

Voici maintenant l'arrêt contradictoire qui donne tort à la nour

rice:

« Attendu qu'un fait, alors même qu'il est dommageable, ne peut justifier aucune action en dommages-intérêts contre son auteur qu'autant qu'une faute peut être établie à la charge de ce dernier ;

« Attendu qu'il est constant qu'au moment où l'enfant a été remis å la dame B..., il ne présentait aucun signe de nature à indiquer qu'il fût atteint d'une maladie contagieuse ; qu'il avait au contraire toutes les apparences de la santé ; et que c'est seulement plusieurs mois après que se sont manifestés les accidents dont le germe a été transmis à la nourrice;

<< Attendu qu'il est, en outre, établi que la mère de l'enfant était saine et que, durant quinze ou seize mois après son accouchement elle n'a eu aucune espèce de maladie ;

<< Attendu que, en confiant à la nourrice un enfant dont la santé avait paru bonne au médecin et à la sage-femme qui lui donnait des soins depuis sa naissance, l'Administration hospitalière ne se rendait coupable d'aucune faute qui pût engager sa responsabilité ;

Attendu qu'on ne saurait davantage lui reprocher d'avoir commis une imprudence condamnable, soit parce qu'elle aurait négligé de mettre la nourrice en garde contre les dangers d'une contamination plus ou moins possible, soit parce qu'elle n'aurait pas gardé, pendant une période de quinze jours ou trois semaines, le nouveauné en observation, quand il est indiscutable que rien de suspect dans son état ne s'était révélé ;

«< Attendu, d'ailleurs, que cette dernière mesure eût été absolument inefficace, puisque les premiers indices du mal n'ont apparu que vers la fin de mai ou le commencement de juin. »>

La décision contraire a été adoptée par d'autres Cours dans des procès analogues, ce qui semble prouver que la jurisprudence n'est pas encore absolument fixée à cet égard.

(Bull. du Synd. des méd. de la Seine, avril 1896.)

BULLETIN

L'IMPOT SUR LE REVENU. LES CHARGES DU MÉDECIN

La lecture du « Journal officiel » est parfois intéressante et j'engage nos confrères à suivre avec soin les débats relatifs aux projets d'impôts sur le revenu actuellement en discussion. Il nous importe peu que ce soit M. Cochery ou M. Bourgeois qui tienne les clefs du coffre-fort; ce qui est important, c'est de savoir « à quelle sauce nous serons mangés ; car il est hors de doute qu'on prépare encore au corps médical « taillable et corvéable à merci », de nouveaux impôts.

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Après avoir déjà augmenté nos patentes parisiennes ; après nous avoir ajouté des centimes additionnels pour payer la Bourse du Commerce (qui ne nous sert pas à grand'chose) on veut nous faire payer des taxes additionnelles pour nos voitures et nos domestiques.

Voici comment notre confrère de la Gazette des hôpitaux expose la situation :

« La dernière cédule du projet d'impôt sur les revenus, actuellement en discussion, constitue une véritable taxe d'habitation basée sur le loyer.

D'après ce projet, la taxe sera majorée ::

1° De 5 p. 100 pour chaque domestique du sexe féminin en sus de la première ;

1o De 10 p. 100 pour chaque domestique du sexe masculin ; 3o De 5 p. 100 pour chaque cheval et chaque voiture passible des contributions établies par les lois de 1862, 1872, 1895.

Il est dit en outre dans le calcul de la majoration ne sont pas compris.

1o Les domestiques employés pour les exploitations agricoles ou professionnelles quelconques;

2o Les chevaux et les voitures qui ne sont utilisées que pour l'exercice d'une profession.

Il semblerait done que dans l'esprit de ce projet un médecin ayant cuisinière, cocher, cheval et voiture dût être soustrait à la majoration, autrement cette majoration atteindrait 20 ou 25 p. 100.

Mais nous sommes payés, ou plutôt nous avons payé et nous payons encore, pour savoir avec quelle fantaisie les agents du fisc interprètent les lois en notre défaveur.

Il est donc utile que la question que nous soulevons soit portée devant la Chambre par l'un des nombreux confrères qui y siègent. Il serait indispensable qu'on rappelât que le cheval et la voiture du médecin constituent des instruments de travail, dont un praticien de campagne ne peut pas plus se passer qu'un agriculteur ne peut se priver de ses chevaux et ses voitures.

Le projet du ministre des Finances est actuellement en discussion devant la Commission du budget; c'est dire que la discussion générale est proche ; c'est pourquoi nous attirons l'attention de nos confrères sur ce point, prévoyant, pour la profession, une charge nouvelle à ajouter à celles déjà exis

tantes. >>

Un de nos confrères parisiens fait justement remarquer qu'on ne cesse de nous appliquer l'impôt progressif. A l'appui de cette assertion notre confrère adresse à l'Union médicale un petit tableau instructif.

Je prendrai seulement le chiffre de ces contributions à partir de 1890:

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