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BULLETIN

LA CLINIQUE DITE NATIONALE DES QUINZE-VINGTS,

Il y a longtemps que M. le Dr Boé mène une campagne vigoureuse contre les concours et le fonctionnarisme médical. Notre confrère s'en prend aujourd'hui à la clinique des Quinze-Vingts; voici comment il s'exprime dans une note qu'il adresse à tous les praticiens de France :

« Voilà bien des années déjà que se continue la campagne entreprise par les ophtalmologistes contre la clinique dite nationale des Quinze-Vingts; la Bastille est encore debout, la campagne n'a pas abouti. C'est notre faute, il nous fallait compter avec les intérêts privés qui s'opposent au retour des Quinze-Vingts à leur organisation primitive, seule mesure capable de donner satisfaction à l'intérêt général.

Ces intérêts privés sont de trois ordres :

1 Intérêts électoraux des sénateurs et des députés ; l'obstacle paraît insurmontable en réalité et peut être vaincu; je reviendrai tout à l'heure sur ce point.

2 Intérêts personnels de ceux de nos confrères qui sont oculistes aux Quinze-Vingts. Ces confrères croient trouver un avantage dans le fait que les impôts, pesant lourdement sur la charité privée, les indigents ne sont plus libres de choisir leur médecin ; ils sont obligés d'aller réclamer leurs soins, n'en pouvant avoir d'autres. Belle réclame scientifique en vérité auprès des oculistes des deux mondes, du corps médical Français et de la partie intelligente du public; cette opposition ne doit pas nous inquiéter, elle tombera d'elle-même un jour ou l'autre.

3o Intérêts privés des Professeurs pour les maladies des yeux dans les Facultés de Médecine de Paris et de Province; l'explication de cette opposition est d'autant plus facile à fournir qu'elle ne vise aucune personnalité, qu'elle ne vise que la fonction, car c'est la fonction qui fait le larron, et déjà cette fonction empêche son titulaire d'appuyer les revendications des oculistes; les Professeurs oculistes, en effet, ne sont pas libres; ils sont obligés de soutenir toute création de l'Etat despote, mais il y a plus :

Le vou secret du Professeur pour les maladies des yeux à la Faculté de Paris doit être d'arriver à la suppression de toutes les cliniques libres et de ne se trouver en présence que d'oculistes à son image et à sa ressemblance, c'est-à-dire d'oculistes fonctionnaires. Ce serait pour lui l'âge d'or. Oculiste en chef, dispensateur breveté des faveurs officielles et des réputations, il deviendrait le grand Consultant. Ce rêve n'est pas sans doute immédiatement réalisable, une vie d'homme n'y suffira pas, mais on fera ce qu'on pourra, les successeurs compléteront l'œuvre; cependant, aux Quinze-Vingts il y a déjà des oculistes fonctionnaires; c'est bien un fonctionnarisme aux couleurs un peu

criardes, et il deviendra certainement un jour nécessaire d'en modifier le ton, mais c'est bien déjà du fonctionnarisme, c'est de l'ouvrage fait, c'est du temps de gagné.

Pour les Professeurs des Facultés de Médecine de province, les avantages qu'ils retirent de l'organisation actuelle des Quinze-vingts sont plus prochains. Sans doute, en ne demandant pas que cette clinique dite nationale ne draine plus des malades indigents en tous lieux aux frais des contribuables, ils se privent eux-mêmes d'un riche matériel d'étude qui pourrait pour une bonne part servir à leur propre instruction et à celle de leurs élèves, mais ces élèves eux-mêmes une fois installés dans les villes voisines en sont privés également ; ils ne peuvent se perfectionner dans leur art, et les Professeurs sans beaucoup de peine vraiment peuvent maintenir leur prééminence scientifique sur leurs anciens élèves devenus leurs concurrents.

Le 3° obstacle, celui qui résulte de l'opposition des intérêts privés des Professeurs oculistes et des oculistes praticiens, paraît insurmontable; il le serait si les intérêts de ces derniers n'étaient pas en somme ceux de tous les médecins praticiens. Dans les autres branches de la médecine, les médecins praticiens n'ont pas, il est vrai, à compter avec une Clinique dite nationale, mais les membres du corps enseignant se trouvent aussi bien avoir des intérêts privés contraires aux leurs.

Il est possible de concilier les intérêts des médecins praticiens et ceux des Professeurs fonctionnaires dans un pays décentralisé avec des Universités indépendantes et rivales; cela est tout à fait impossible dans un pays centralisé. On peut donner au Professeur fonctionnaire telle rémunération que l'on voudra pour le désintéresser de la clientèle, il n'en continuera pas moins à être membre d'une Université esclave; il ne pourra suffire à tous les besoins de son enseignement et cet enseignement tuera encore l'enseignement libre, et puis il mourra lui-même du monopole dont il aura été gratiflé.

Dans un pays centralisé comme la France, le seul moyen pour la corporation des médecins praticiens de sauvegarder ses intérêts scientifiques moraux et matériels, est de réclamer la suppression de l'enseignement d'Etat et de prendre à sa charge elle-même l'enseignement professionnel.

Il n'y a pas lieu de s'effrayer de la réforme projetée; cet enseignement sera toujours quelque chose, tandis que l'Enseignement d'Etat, personne ne l'ignore, n'existe pas en fait: chacun est livré à lui-même, apprend ce qu'il veut, comme il veut et surtout comme il peut.

Les médecins praticiens peuvent tenter une expérience qu'ils demandent par l'entremise de l'Union de Syndicats médicaux de France aux pouvoirs publics la suppression des chaires d'Ophtalmologie, qu'on laisse les oculistes de Paris organiser entre eux un roulement de manière à assurer le bon fonctionnement de la clinique des QuinzeVingts (1), que les malades indigents ne soient plus amenés de Province à Paris aux frais des contribuables, et l'on verra ce qu'aura gagné l'Ophtalmologie Française avec l'égalité professionnelle de tous

(1) Avant longtemps, par le simple effort de toutes les individualités, la clinique des Quinze-Vingts redeviendrait ce qu'elle fut pendant tant d'années suivant les vues de son fondateur, saint Louis, un lieu de refuge pour les incurables.

les oculistes devant le public, avec la conquête de la liberté scienti. fique et la libre concurrence pour l'enseignement dans les cliniques particulières (1).

L'expérience serait décisive (2); les pouvoirs publics la tenteront quand les médecins syndiqués le voudront sénateurs et députés connaissent l'influence électorale du médecin praticien ; cette influence est déjà énorme, alors que le médecin la met au service de ses intérêts privés pour se faire élire lui-même sénateur ou député et pour abandonner sa profession; cette influence deviendra encore plus grande, lorsqu'on verra qu'il l'emploie pour relever la dignité même de cette profession, pour lui rendre le caractère de profession libérale dont elle jouissait aux siècles derniers, pour secouer le joug d'une Université d'Etat centralisée qui ne l'instruit pas, l'exploite, le terrorise et l'asservit.

VARIÉTÉS

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LE DIAGNOSTIC MÉDICO-LÉGAL DES GONOCOQUES. Un de nos confrères, très versé dans les études histologiques et bactériologiques, nous adresse, sous une forme humouristique, une observation qui mérite de figurer dans les annales de la science. Si elle montre tous les avantages que peut présenter l'examen des sécrétions vaginales au triple point de vue du diagnostic, du traitement et des applications médicolégales, elle prouve également que le médecin peut déplaire à ses aimables clientes par trop de perspicacité.

Voici, du reste, le fait qui nous est rapporté par notre collaborateur Argus. Que nos lecteurs le lisent et le méditent: « Une après-midi de consultation, je vois entrer dans mon cabinet une jeune et jolie femme toilette fraîche et du bon

faiseur parfums suaves et subtils.

« Docteur, me dit-elle, je souffre beaucoup. Ah, Madame! Où ? Quand ? et comment? Après boire surtout. »

Malgré ce langage voilé je compris, et priais ma charmante. cliente d'avoir à se prêter à l'examen que nécessitait son cas. La demande était prévue... le costume approprié, la malade est en posture...

Je pus bientôt constater d'Eros les traces d'une ancienne blessure envenimée et chose plus grave - la preuve d'une récidive récente.

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(1) On peut imaginer telle combinaison qui permettrait aux indigents de se faire soigner comme les autres malades dans les cliniques particulières par des individualités responsables.

(2) La Société des oculistes Parisiens pourrait délivrer des diplômes de médecin oculiste, ce que ne fait pas l'enseignement officiel; si l'on s'en rapporte à MM. les Etudiants, le Titulaire actuel pour la chaire d'Ophtalmologie à la Faculté de médecine de Paris ne les interrogerait jamais aux examens de doctorat sur les maladies des yeux s'il en était ainsi, cela prouverait que l'Enseignement officiel ne tient pas lui-même à savoir s'il sert à autre chose qu'à préparer des Médecins-courtiers pour la Caste médicale née des Concours.

Ne voulant pas m'en rapporter àun simple examen clinique, je recueillis une goutte du liquide suspect et le plaçai sur le champ du microscope, après lui avoir donné la teinte idéale ment céleste du bleu de méthyl.

Grande fut ma surprise, lorsque je vis avec horreur que, sous l'objectif de mon instrument, je venais de commettre un crime inconscient, en tuant avec les gonoccoques, de magnifiques hommiculi, des spermatozoïdes qui venaient d'être dépo. sés dans le vagin.

J'exprimai délicatement à ma patiente la surprise que me causait une semblable découverte en lui faisant comprendre que les douceurs de l'amour pouvaient avoir de sérieux inconnients pour son co-respondent (par chasteté, j'employai l'expres. sion anglaise).

Ma patiente m'avoua en rougissant qu'elle venait de déjeuner en agréable compagnie et qu'elle était exposée à perdre connaissance après le café.

Poursuivant mon examen, je découvrais bientôt dans ma préparation une série de lamelles épithéliales, fraîches et intactes comme on n'en trouve que dans la salive fraîche.

Cette trilogie: gonoccoques, spermatozoïdes et lamelles épitheliales me permit de reconstituer la scène qui avait suivi le déjeuner et d'établir un diagnostic d'une rare précision.

Heureux et fier de cette perspicacité, je confiai mon diagnostic à ma cliente, tant pour lui montrer mon habileté que pour lui faire connaître les petits inconvéniens qui pouvaient résulter pour elle et ses amis des «pertes de connaissances » auxquelles elle était sujette après déjeuner.

Mal m'en prit; ma belle cliente se fâcha tout rouge et me déclara que, si la science était une belle chose, il y avait des diagnostics d'une précision trop grande et surtout trop indiscrète. Avant que j'eusse pu lui répondre et lui prescrire un traitement, elle sortit vivement de mon cabinet, oubliant même de me payer mes honoraires.

Je jurai, mais un peu tard, de ne plus faire intervenir le microscope dans les diagnostics gynécologiques ou tout au moius de ne pas en faire connaître le résultat aux jolies femmes. »

Le fait rapporté par notre collaborateur Argus est intéressant à plus d'un titre. S'il montre les inconvénients du diagnostic un peu inquisitorial auprès d'une femme, il nous révèle des horizons nouveaux pour le médecin légiste. Nous croyons cependant que la trilogie bactériologique et histologique qu'il signale n'est peut-être pas aussi rare qu'il le croit les gonoccoques, les spermatozoïdes et les lamelles épithéliales de la salive constituent une Trinité qu'on doit souvent rencontrer à la vulve des dames qui habitent le quartier Bréda. Dr MINIME.

LES EUNUQUES EGYPTIENS.

M. le Prof. LORTET a présenté à la Société nationale de médecine de Lyon un squelette d'eunuque qu'il avait rapporté du Caire.

Dans les grandes villes d'Egypte, surtout au Caire, on rencontre

dans les rues un grand nombre d'eunuques attachés comme domestiques aux familles riches et servant spécialement à la surveillance des femmes renfermées dans les harems.

Ainsi que Godard l'avait déjà observé durant son remarquable voyage scientifique en Egypte, ces malheureux présentent, lorsqu'ils sont adultes, une taille très élancée qui les fait facilement reconnaître même de loin. Ces castrés encore enfants, au contraire, ne diffèrent nullement des autres enfants de leur âge. Mais dès qu'ils arrivent à la puberté, leur croissance se fait avec une grande rapidité, et bientôt ils atteignent presque tous une taille qui atteint ou qui dépasse même deux mètres.

Pendant mon dernier séjour en Egypte, j'ai eu l'occasion de disséquer au Caire un eunuque âgé de 24 à 25 ans venant probablement du pays des Echillouks situé dans les régions du Bahr el Gazal, bien au sud de Karthoum. Le crâne est bien conformé, mais le prognatisme maxiilaire et dentaire est des plus prononcés, La taille du squelette est de 1 m. 96, tandis que celle du sujet vivant était certainement supérieure à 1 m. 99.

Le thorax paraît très court comparé à la longueur des membres abdominaux. Le bassin est très petit, presque atrophié. Les trous ovales très grands ne laissent entre eux qu'une symphyse pubienne très étroite.

Les os longs sont tous excessivement grêles et ne présentent point les crêtes destinées aux insertions musculaires. L'humérus est relativement court. Le radius et le cubitus longs et faibles. Les métacarpiens très allongés, ainsi que les phalanges, constituent une main longue, étroite, presque simienne. Le fémur, très faible, ne présente presque pas de courbure. Le tibia et le péroné, tous deux très grêles, sont d'une longueur tout à fait exagérée. Les pieds sont plats. Les phalanges et les métacarpiens très grêles et très longs. L'allongement insolite des membres porte donc surtout sur les membres postérieurs.

Ce fait était intéressant à signaler. Il correspond entièrement à ce que nous pouvons constater chez les animaux. Les ailes du chapon ne sont pas plus développées que celles du coq, mais les pattes très élevées donnent à ce volatile une apparence tout à fait particulière.

Le taureau, bien plus bas sur les jambes que le boeuf, a surtout les membres postérieurs peu développés. Tandis que c'est surtout l'allongement des membres postérieurs qui, chez le bœuf, redresse la ligne du dos qui est toujours descendante chez le taureau.

L'ablation des testicules, lorsqu'elle est faite avant la croissance, amène donc une augmentation en longueur des membres posté

rieurs.

En Egypte, la castration est actuellement faite sur de jeunes garçons de 7 à 10 ans par les moines de certains couvents coptes, c'està-dire chétiens, qui retirent de gros bénéfices en fournissant de ces pauvres mutilés les harems des Musulmans riches. La castration n'est jamais pratiquée par des musulmans.

Ainsi que j'ai pu m'en assurer, l'opération est faite suivant deux procédés différents. Le premier mode opératoire consiste à trancher au rasoir les parties sexuelles aussi près que possible de la région pubienne en emportant d'un seul coup la verge et le scrotum. L'o

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