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tre, l'Université avait d'anciens droits sur les bénéfices; le parlement en avait aussi sa part. Les conseillers clercs étaient intéressés à soutenir les franchises ecclésiastiques. Mais François Ier insista, et, après deux ans de négociations, le concordat fut enregistré du très-exprès commandement du roi, plusieurs fois répété. Pour juger impartialement François Ier, il faut se rappeler que, dans les derniers temps, les élections ecclésiastiques avaient été trop souvent une occasion de scandales et de troubles publics. Elles étaient tombées, comme le disait Pie II dans sa correspondance avec Louis XI, à la merci des seigneurs, qui s'en faisaient un moyen de résistance contre la couronne '. La féodalité, vaincue dans l'État, s'était réfugiée dans l'Église. Dans une telle situation, la royauté pouvaitelle rester désarmée ? Ne fallait-il pas qu'elle nommât les dignitaires ecclésiastiques, comme elle nommait les officiers de l'ordre civil? Le nouveau mode pouvait sans doute entraîner quelques abus, mais il était nécessaire, il était conforme au système politique des rois de France; système qui a préparé la grandeur du pays par son unité, et, par le progrès de la puissance royale, l'avénement du droit commun.

Quant au principe de la supériorité des conciles généraux sur le pape, ce n'était point l'anéantir que

1 Pii II Epist. 401.

de n'en point parler dans le concordat. On n'a point écrit dans les lois anglaises : l'autorité du parlement est supérieure à celle du roi; et cependant, il n'est personne en Angleterre qui ne croie qu'à certaines époques, la puissance nationale, représentée par les deux chambres, a pu légitimement disposer de la royauté et en régler l'exercice. Le silence du concordat n'implique donc point l'annulation du principe qui avait été écrit dans les pragmatiques, et qu'avait défendu Gerson.

Pendant les quatre siècles qui avaient précédé le concordat, un grand travail s'était opéré dans les esprits. Grâce à l'action des universités, la science n'était plus un privilége ecclésiastique, et elle commençait à se répandre dans le monde. L'Église ellemême avait contribué à ce résultat, en défendant à ses membres de se livrer à certaines études. Le concile de Reims, en 1131, avait interdit aux clercs la profession d'avocat et celle de médecin ou de physicien, comme on disait alors. L'étude de la nature sortait enfin des hypothèses qui l'avaient longtemps enveloppée. Les sciences mathématiques avaient fait d'heureux emprunts aux Arabes. Le droit romain, qui n'avait jamais péri en Italie, fleurissait dans les grandes écoles de l'Europe, et prenait sa place à

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côté du droit canon. Les papes furent effrayés de la concurrence, et ils entreprirent de l'arrêter. A Rome, on a toujours estimé le droit canonique, plus encore peut-être que la théologie, parce qu'à Rome on s'occupait surtout d'affaires, et que ce droit était une arme dont on se servait tour à tour pour étendre la juridiction ecclésiastique et pour parer les coups du pouvoir séculier. C'était l'épée et le bouclier de l'Église. Or, ce que le droit canon était pour les papes, le droit romain tendait à le devenir pour les princes. C'est ce que la cour de Rome voulut empêcher. En 1220, une bulle d'Honorius III défendit d'enseigner le droit romain dans l'université de Paris'. Mais cette défense, quoique plusieurs fois renouvelée, fut tantôt éludée, tantôt violée ouvertement. Le triomphe du droit romain était assuré; car sa cause se liait en même temps à celle des rois et à celle des peuples.

Aussitôt que les lettres et les siences commen

1 Sane licet sancta ecclesia legum sæcularium non respuat famula tum, quæ æquitatis et justitiæ vestigia sequuntur; quia tamen, in Francia et nonnullis provinciis, Franci romanorum imperatorum legibus non utuntur, occurrunt raro ecclesiasticæ causæ tales quæ non possint statutis canonicis expediri, ut plenius sacræ paginæ insistatur.... firmiter interdicimus et districtius inhibemus ne Parisiis, vel in civitatibus et aliis locis vicinis, quisquam docere vel audire jus civile præsumat. Et qui contra fecerit non solum ad causarum patrocinium excludatur, verum etiam per episcopum excommunicationis vinculo innodetur.

cent à se séculariser, la théologie, craignant d'être envahie à son tour, se sépare des autres études, se retire en elle-même, et fortifie ses positions. Ce fut alors que les papes ouvrirent les universités à ces ordres religieux récemment établis pour servir de renfort à la milice sacrée. Les dominicains et les franciscains se présentèrent les premiers; mais, la brèche une fois ouverte, on vit arriver à la file les carmes, les augustins et d'autres ordres encore. L'université de Paris vit cette adjonction avec déplaisir, et la repoussa avec énergie. La faculté des arts, celle de médecine et même celle de droit parvinrent à s'y soustraire; mais la faculté de théologie fut obligée de céder. Plus tard, il est vrai, l'Université parvint à limiter les droits des moines enseignants, et à neutraliser leur influence, en leur imposant le serment, commun à tous ses membres, de défendre les droits et les priviléges de la compagnie. Mais la faculté de théologie n'en resta pas moins comme un corps distinct dans l'Université : elle avait ses assemblées à part; elle refusait de soumettre ses décisions particulières au jugement général des facultés et des nations; quelquefois même son doyen osa contester la prééminence du recteur.

L'influence ecclésiastique dominait toujours toute espèce d'enseignement. Sur la réquisition de l'évêque de Paris et de plusieurs docteurs en théologie, la

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faculté des arts s'était interdit à elle-même de traiter aucune question purement théologique. Quant aux questions mixtes, c'est-à-dire à celles qui étaient à la fois théologiques et philosophiques, il était ordonné que ceux des maîtres ou bacheliers qui, en les discutant, les décideraient contre la foi, seraient retranchés comme hérétiques, s'ils ne se rétractaient trois jours après l'avertissement qu'ils en auraient reçu'. La philosophie, qui, sous le nom de dialectique, faisait partie de la faculté des arts, était resserrée dans les limites les plus étroites. La morale était un appendice de la théologie, et ce fut une grande innovation que la création d'une chaire de morale dans la faculté des arts, vers le milieu du XVe siècle.

C'était toujours le pape qui présidait à la fondation des universités. Eugène IV établit celle de Poitiers, à l'époque où Paris et une grande partie de la France étaient occupés par les Anglais 3. Paul II institua l'université de Bourges, sous le règne de Louis XI. Mais le pouvoir royal n'était point étranger à la création de ces grandes écoles. Les bulles pontificales, revêtues de lettres patentes du roi, étaient

1 Décret du 3 décembre 1270.

Crévier, Histoire de l'université de Paris, t. IV, p. 253.

3 Pasquier, Recherches de la France, liv. x1, ch. 37.

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