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COMTE ALFRED BOULAY DE LA MEURTHE APRIL 1927

AVERTISSEMENT.

Occupé depuis longtemps de recherches sur l'histoire du droit ecclésiastique, je me suis proposé, dans l'essai que je présente au public, de déterminer, par les faits et par les lois, l'état ancien et l'état actuel de l'Église dans ses rapports généraux avec la puissance temporelle.

J'ai voulu montrer l'action que le pouvoir politique exerçait autrefois, celle qu'il a toujours droit d'exercer sur la constitution du corps ecclésiastique. Jadis, il y avait dans l'Église un parti qui prétendait dominer l'État au nom de la religion. Aujourd'hui, à la place de cette domination qui ne déplairait pas si l'on pouvait la saisir, on se contente de réclamer une liberté indéfinie. Mais l'ancien régime n'a point souffert le joug

qu'on aurait voulu lui imposer, et le régime actuel ne peut accorder à personne qu'une liberté réglée par les lois.

En aucun temps les pouvoirs publics, tels qu'ils ont été constitués en France, n'ont eu le droit de résoudre les questions de dogme et de foi. La vérité existe par elle-même : aucune puissance humaine ne saurait avoir la prétention de la créer. Une assemblée délibérante ne peut décréter la religion et la morale, pas plus qu'elle ne peut mettre aux voix la loi de la gravitation ou un axiome de géométrie. Mais tout ce qui tient à l'action extérieure des corporations ou des individus, à la hiérarchie, à la discipline, aux cérémonies, à la prédication, à l'enseignement, en un mot tout ce qui prend une forme sensible dans la cité, tombe plus ou moins sous la surveillance et le contrôle de la puissance publique. Que cette puissance soit concentrée en un seul homme, ou quelle soit déléguée à plusieurs, peu importe les formes politiques changent; les droits de la souveraineté sont invariables.

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Telle est la thèse que j'ai essayé de soute

nir, non par des récriminations injurieuses, ni par des déclamations surannées, mais par l'étude des textes et des documents authentiques. Les lois romaines qui sont antérieures à la conquête, et qui lui ont survécu dans certaines parties de la France, les capitulaires, les ordonnances royales, les arrêts du conseil et du parlement, les actes des conciles, les Pragmatiques et les Concordats : voilà mes guides et mes appuis. J'ai consulté, mais avec plus de réserve, les mémoires et les correspondances, où se trouvent souvent le secret des évenements et l'explication des lois. J'ai aussi appelé à mon aide, pour éclaircir les textes que j'ai cités, cette grande école de légistes, qui a été une des lumières et une des gloires du pays, depuis les l'Hospital, les Pithou, les Pasquier, jusqu'aux d'Aguesseau, aux Portalis et à leurs dignes successeurs. On s'apercevra, j'espère, que pour remplir ce peu de pages beaucoup de gros volumes ont été feuilletés.

Dans la croisade entreprise par le parti ecclésiastique contre l'État, l'Université et la société moderne, tout ce qui a été attaqué a

trouvé des défenseurs. Le jurisconsulte a soutenu la cause des lois. L'homme d'État a revendiqué les prérogatives du pouvoir politique. La philosophie a défendu les droits de la pensée. Il nous a semblé que l'histoire pouvait aussi prendre la parole, pour rétablir des faits méconnus. Puisse cette voix des siècles, dont nous ne sommes que l'indigne interprète, contribuer à calmer l'ardeur des passions contemporaines! puisset-elle dissiper quelques préventions, vaincre quelques préjugés, et préparer, pour un avenir peu éloigné, un accord aussi nécessaire aux intérêts de la religion qu'à ceux de l'État!

Paris, 1er août 1844.

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