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a contraints cependant à nous exprimer avec une sévérité que nous croyons juste, sur l'influence du sacerdoce chez plusieurs peuples de l'antiquité.

Rappeler que nous ne parlons que des nations anciennes et des pontifes du polythéisme, serait nous dérober à l'attaque, au lieu de la repousser. Il nous convient mieux de dire toute notre pensée; elle ne renferme rien que nous craignions d'avouer, et nous y gagnerons de n'être pas soupçonnés de nous réfugier dans les allusions, genre d'agression toujours un peu timide, et qui réunit à l'inconvénient de dénaturer les faits celui de donner à l'hostilité une fâcheuse empreinte de peur.

Parmi nos accusations contre le sacerdoce des anciens, et son action sur la civilisation de cette époque, plusieurs sont totalement inapplicables aux prêtres des religions modernes.

En premier lieu, ceux de l'antiquité étaient condamnés à l'imposture par leurs fonctions mêmes. Des communications merveilleuses à entretenir avec les dieux, des prestiges à opérer, des oracles à rendre, leur faisaient de la fraude une nécessité. Nos croyances, plus épurées, ont délivré les prêtres de nos jours de ces obligations corruptrices. Organes de la prière, consolateurs de l'affliction, dépositaires du repentir, ils n'ont, heureusement pour eux, point d'attributions miraculeuses. Tel est le progrès de nos lumières, et le calme que des doctrines moins matérielles ont répandu dans tous les esprits, que le fanatisme lui-même, s'il existe, est forcé de respecter des barrières qu'il était de l'essence du sacerdoce ancien de franchir, et par-delà lesquelles le siége de son influence était placé.

Que si des individus tentent de renver

ser ces barrières, ces essais partiels, interrompus, réprimés, sont des torts et non des périls, des sujets de blâme et non des moyens d'empire.

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Secondement, la puissance illimitée des druides ou des mages ne saurait jamais redevenir le partage de nos prêtres. Enclins que nous sommes à concevoir et même à trouver raisonnables et fondées les alarmes de ces raisons prévoyantes qui se plaignent de ce que le sacerdoce tend à se constituer en corps dans l'état, nous croirions néanmoins être par trop ombrageux, si nous supposions que les prérogatives qu'il possède, ou celles que momentanément il usurperait, le mettraient de niveau avec des castes qui dominaient sur la royauté, précipitaient les rois du trône, accaparaient toutes les connaissances, se créaient une langue à part, érigeaient l'écriture en monopole, et, juges, médecins,

historiens, poètes, philosophes, fermaient le sanctuaire de la science à tout ce qui ne participait point de leur privilége, c'est-à-dire à l'immense majorité de l'espèce, humaine,

Contre les tendances individuelles qui aspireraient à la résurrection de ce qu'un intervalle de vingt siècles rend impossible à ressusciter, nous pouvons nous en remettre aux prudences collectives. Il y a dans les corps un instinct qui les avertit de ce qui est infaisable; et si le calcul permet quelques tentatives hasardées, ce même calcul s'empresse de les désavouer, à la moindre apparence de danger..

D'ailleurs, si le pouvoir politique, trompé, selon nous, sur ses intérêts, semble se prêter parfois à étendre outre mesure l'autorité dite spirituelle, les conditions du traité sont patentes et précises. S'il y a des monarques qui désirent que Léon XII

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excommunie des doctrines politiques, aucun ne voudrait voir entre les mains de

Léon XII les foudres que Grégoire VII lançait contre les trônes; et à l'instant où nous écrivons, une corporation, jadis redoutable, et qu'on croyait regrettée, vient d'être éloignée des états d'un prince sur. lequel probablement elle avait fondé de grandes espérances. Ayons confiance au temps, et ne nous exagérons pas l'épaisseur des nuages que deux vents opposés rassemblent et que deux vents opposés : doivent disperser.

Rien de ce que nous avons pu dire du pouvoir immense des corporations théocratiques de l'Inde, de l'Éthiopie, ou de l'Occident, ne peut donc, avec la meilleure intention du monde et le talent le plus exercé d'interprétation, être travesti, par aucun de nos lecteurs, en attaques contre les prêtres des communions auxquelles

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