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Mais telle est l'action compliquée des causes diverses qui se combinent et se modifient, que le commerce qui limitait à Carthage le pouvoir des prêtres le favorisait en Éthiopie.

Les colléges d'Ammonium et de Méroé habitaient les fertiles oasis parsemées dans ces sablonneux déserts. Ces oasis étaient le lieu

de repos des caravanes qui traversaient la contrée. Là seulement elles trouvaient de l'eau, des végétaux et de l'ombre. Mais elles Ꭹ cherchaient encore et la direction qu'elles avaient à suivre, et la distance ou la position des lieux qu'elles devaient parcourir. Les prêtres leur donnaient ces renseignements au fond des temples, dont les oracles (1), en indiquant aux voyageurs leur route, leur révélaient en même temps la destinée qui planait sur eux.

(1) Tel était celui de Jupiter Anmon, situé dans une easis au sein d'une mer de sable.

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CHAPITRE VII.

De l'effet des grandes calamités politiques.

LES

Es grandes calamités politiques ont aussi leur influence sur l'étendue de l'autorité saeerdotale. Dans les pays mêmes où le climat trace des limites plus étroites à cette autorité, ces limites ne résistent point aux circonstances extraordinaires qui ramènent l'homme à la superstition. De grandes défaites, de grands malheurs, une famine, une peste, la réveillent d'autant plus terrible, qu'elle est analogue au caractère des peuples que la guerre a rendus féroces. Le despotisme théocratique reparaît dans sa plus effrayante latitude, et il y a des rites épouvantables. La prospérité, la richesse, peut-être quelque commencement de lumières, avaient diminué l'empire des prètres carthaginois: mais Car

thage est menacée par Agathocle. Les organes des dieux reprennent soudain toute leur autorité, les enfants des plus illustres familles sont traînés dans les temples, et leur sang offert en expiation et en sacrifice (1).

(1) DION. Sic. XX, 3. Le même fait se reproduisit à Tyr, lorsque Alexandre assiégea cette ville. QUINT-CURT. IV, 4.

CHAPITRE VIII.

De l'effet des migrations.

Les migrations lointaines sembleraient d'abord devoir être plutôt préjudiciables qu'utiles au pouvoir du sacerdoce. La guerre, lors même qu'elle n'est pas le but principal de ces migrations, en est l'inséparable accessoire. Le courage personnel, le talent militaire, facultés qui ont besoin d'un exercice habituel pour se développer, et qui, précipitant l'homme dans la vie active, et le condamnant au contact de la multitude, dont le sacerdoce aime à s'isoler, sont peu compatibles avec le prestige dont cet ordre s'entoure, appellent autour de lui des rivaux redoutables (1). Aussi voyons

(1) Voy. le ch. suivant sur la lutte du pouvoir sacerdotal contre le pouvoir militaire et politique.

nous plusieurs nations s'affranchir, au moins pour quelque temps, de leurs prêtres, durant les longs voyages qu'elles entreprenaient à main armée pour chercher une patrie. Dans la traversée d'Égypte en Grèce, et par l'amalgame des colonies égyptiennes et des tribus grecques (1), le sacerdoce perdit presque entièrement son autorité; et, beaucoup plus tard, dans un nouveau monde, ce fut une migration dont néanmoins un prêtre avait été l'instigateur et le guide, qui porta la tribu des Ténochkans, au Mexique, à choisir pour chef Acamapitzin. Les colonies mêmes qui étaient plus particu lièrement dévouées à la cause sacerdotale, celles d'Éthiopie (2), par exemple, qui abandonnaient leur pays pour faire triompher cette cause, n'échappèrent pas toujours complètement à cet effet naturel d'une expatriation qui les lançait au milieu de périls inconnus. Tandis qu'à Méroé le roi devait être tiré de la caste sacrée, l'histoire nous apprend qu'en Égypte, Séthos, ce prêtre de Phthas,

(1) Nous prouverons ceci dans le livre V. (2) Voy. livre III, ch. 3..

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