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ceint de la dépouille des bêtes farouches, ils quittent les forêts et les cavernes pour faire retentir les cités de leurs gémissements, et les conseils des rois de leurs anathèmes. Tous leurs écrits sont pleins de descriptions sévères de la mollesse, de la tyrannie, de la corruption, de l'infidélité des monarques hébreu. Hosée emploie toutes les pompes, toutes les allégories, toutes les métaphores de la poésie orientale, à peindre les excès et l'avilissement de ces princes, les voluptés de la cour, l'inertie du gouvernement, la dégradation des sujets et l'apostasie des maîtres (1). Amos part de Juda pour anathématiser Jéroboam au sein de son empire (2). Michée nous montre la terre ébranlée, les montagnes qui s'écroulent, les vallées qui s'entr'ouvrent sous

les

pas d'un peuple coupable et d'un monarque oppresseur (3). Mais ces menaces, en démontrant aux dépositaires de l'autorité temporelle

(1) HosÉE, II, 7, IV, 4-8, 12, 18, V, 1, 13, VI, 8, VII, 4, 11-16, VIII, 9-13, IX, 3, 13, X, 3, 6, XI, 5, XII, 2, XIV, 4.

(2) Amos, II, 9, III, 12, IV, 1, V, 1, 6, VI, 1, 10. (3) MICHÉE, III, 12.

quelle était leur faiblesse, leur prouvaient d'autant plus la nécessité de s'affermir sur le trône.

Ce conflit des deux puissances contribua, plus qu'on ne l'a remarqué jusqu'à présent, à pousser les rois des Juifs à l'idolâtrie. Ce culte réprouvé, observe Spencer, s'introduisit surtout sous les rois. Tous les juges restèrent fidèles, au lieu qu'il y eut très-peu de princes qui ne se tournassent vers les idoles (1). Ils y voyaient une arme contre leurs rivaux, un refuge contre des ennemis implacables. De la sorte, il se pourrait que chez les Hébreux comme chez bien d'autres peuples, le sacerdoce lui-même eût fait tort à la cause qu'il croyait servir, et que la religion eût porté la peine des fautes ou de l'ambition de ses défenseurs.

(1) De Leg. Rit. Hébræor. I, 245.

CHAPITRE XI.

Explication nécessaire sur ce que nous venons de dire des Juifs.

EN nous exprimant sur le sacerdoce des

Hébreux avec une franchise que nous n'avons essayé ni de déguiser ni d'adoucir, il a été loin de notre pensée d'attaquer la religion de Moyse en elle-même. Nous sommes peu disposés à nous réunir à ceux qui ont placé les Juifs au dernier rang des peuples anciens, et représenté leur doctrine comme une superstition farouche et fanatique. Les écrivains du 18° siècle, qui ont traité les livres saints des Hébreux avec un mépris mêlé de fureur, jugeaient l'antiquité d'une manière misérablement superficielle, et les Juifs sont de toutes les nations celle dont ils ont le plus mal connu le génie, le caractère et les institutions religieuses. Pour s'égayer avec Voltaire aux dépens

d'Ézéchiel ou de la Genèse, il faut réunir deux choses qui rendent cette gaieté assez triste, la plus profonde ignorance et la frivolité la plus déplorable. Loin de partager à cet égard l'opinion devenue populaire à la fin du siècle dernier, nous regardons les Hébreux comme fort supérieurs aux tribus qui les environnaient, et même aux empires despotiques qui les réduisirent en esclavage. Cependant, nous reconnaissons (ce qu'aucun homme impartial ne peut contester) que leurs annales sont remplies de faits révoltants et d'actions cruelles, que nous ne prétendons point justifier. Pour expliquer cette contradiction apparente, nous exposerons ici toute notre pensée, en usant du droit que nous confère notre croyance. Ce droit, c'est l'examen, l'étude des monuments sur lesquels cette croyance se fonde; et rien ne nous oblige à taire le résultat examen a produit en nous.

que cet

Si l'on admet des révélations, c'est-à-dire, des manifestations directes et surnaturelles de la Divinité envers l'homme, on doit considérer ces révélations comme des secours accordés par un être puissant et bon à un être ignorant et faible, quand ses forces ne suffisent

pas à son amélioration sur cette terre (1).

Un éclair sillonne alors les ténèbres à travers lesquelles le voyageur incertain cherche une route. Mais le but de l'homme est le perfectionnement. Il ne peut se perfectionner que par ses propres efforts, par l'exercice de ses facultés, par l'énergie de son libre arbitre. S'il est protégé par une puissance sage et bienvaillante, que son sentiment a besoin de reconnaître, en dépit des doutes que la logique évoque, cette puissance doit borner sa protection à l'instruire par des enseignements, à lui révéler des vérités proportionnées à son intelligence. Ces manifestations l'éclairent sans l'enchaîner, elles le laissent libre d'user de ce bienfait à ses risques et périls; il peut en abuser, y renoncer même. Le combat que se livrent en lui le bien et le mal, ses tâtonnements, ses tentatives infructueuses, ses erreurs, et jusqu'à ses crimes, ne prouvent rien contre

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(1) Nous prions nos lecteurs de relire à ce sujet une note de notre premier volume, page 133, où nous avons déposé le germe de cette idée, que nous ne pouvions expliquer aussi clairement alors, sans mettre dans la série de nos raisonnements une confusion qu'il fallait éviter.

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