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l'Europe était menacée du sort de la Chine. Nous avons exprimé des craintes, sans nous per mettre des préictions. Disons seulement ici, avec tout le respect dù aux progrès des sciences exactes et à l'accélération des découvertes industrielles, que ces découvertes et ces progrès sont des choses précieuses, mais qu'elles ne constituent pas tout le patrimoine de notre espèce. Nous devons être d'autant moins suspects dans cette opinion, que, les premiers, presque les seuls, quand notre pays et l'Europe semblaient, par la volonté d'un homme, avoir reculé vers l'époque militaire, nous avons proclamé que l'époque actuelle était celle du commerce. (De l'Esprit de Conquête et de l'Usurpation, p. 7.) Oui, les découvertes industrielles et les progrès des sciences exactes sont des choses précieuses, parce qu'elles relèvent la classe laborieuse de son abaissement, et qu'elles donnent à la classe supérieure plus de loisir encore; ce qui ouvre à l'une et à l'autre de ces classes une route plus courte et plus facile vers leur perfectionnement moral. Mais ce perfectionnement est le but. Les découvertes et les sciences ne sont que des moyens. L'industrie doit être un élément de liberté : gardons qu'elle se borne à n'être qu'une source d'aisance. Elle y perdrait; car si elle ne défendait pas les libertés publiques, les siennes seraient bientôt compromises. Les Romains demandaient, dit M. de Paw, du pain et des spectacles. Les Chinois demandent du commerce et des tréteaux.

CHAPITRE XIII.

Résumé de tout ceci.

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ON N voit, par tout le contenu de ce livre, que nous sommes loin de fermer les yeux sur les exceptions, ou pour mieux dire les variétés qui se sont glissées sous la règle générale. Nous reconnaissons ces variétés, et ce que nous en avons dit peut guider le lecteur dans l'application qui doit en être faite à chaque peuple en particulier.

Nous prions donc nos lecteurs de ne pas s'arrêter aux objections qu'on appuierait sur des détails toujours faciles à recueillir, mais qui, généralisés, n'accréditent que l'erreur. Nous sentons fort bien que, si l'on se prévaut de ce que nous disons que le sacerdoce a dominé sous le beau ciel de l'Inde et dans les

sombres forêts de la Gaule, pour nous accuser de mettre sur la même ligne la religion des brames et celle des druides, on répandra sur nos recherches une couleur de système propre à prévenir contre nous tout lecteur impartial; le moyen est sûr et il est facile. Il ne lui manque qu'une seule chose, c'est la bonne foi. Nous le répétons donc pour ôter ce prétexte à des adversaires qu'on démasque sans les désarmer. Le pouvoir sacerdotal fut différent dans ses formes, son étendue et son intensité, chez chacune des nations dont nous avons parlé (1). Aux

(1) Pour réfuter aussi d'avance un autre reproche qu'on croira peut-être devoir nous adresser, nous rappellerons ce que nous avons dit dans notre premier volume, sur l'action du sacerdoce. « Il ne faut pas s'exagé«rer cette action. En soumettant, suivant ses calculs et << suivant ses vues, la religion à divers changements, le << sacerdoce n'invente rien. Il profite seulement de ce qui « existe. Son travail n'est pas un travail de création, << mais d'arrangement, de forme et d'ordonnance. Il a « trouvé le germe de toutes les notions religieuses dans « le cœur de l'homme. Mais il a dirigé le développement « de ce germe... » (Liv. I, ch. 9, p. 209.) Ainsi nous n'attribuons nullement aux prêtres l'invention des dogmes dont ils ont si terriblement abusé ensuite. Leur principe

Indes, le climat; dans le Nord, la guerre; en Perse, la royauté; à Carthage, le commerce, mitigèrent, combattirent, modifièrent le pouvoir sacerdotal. Mais ces adoucissements, ces résistances, ces modifications furent des nuances accidentelles et passagères. Le principe demeura le même, et le pouvoir surnagea, résista, triompha.

Si quelques-uns pensaient que nous avons peint ce pouvoir sous des couleurs trop défavorables, que nous avons méconnu son utilité relative, à quelques époques d'une société imparfaite, et qu'au lieu de le montrer subjuguant, opprimant, maintenant dans l'ignorance une race créée pour la perfectibilité et pour les lumières, nous aurions dû reconnaître que plus d'une fois il poliça des hordes sauvages, adoucit les mœurs des peuplades barbares, réunit contre les éléments qui les menaçaient les tribus dispersées, imposa la fertilité à un sol rebelle, ou la salubrité à une

était dans l'ame ou dans l'imagination humaine. Leur transformation en croyance positive et stationnaire, et les conséquences de cette transformation, voilà l'ouvrage sacerdotal.

nature malfaisante, fut, en un mot, par så science précoce et privilégiée, le premier auteur de la civilisation même, destinée plus tard à le détrôner, nous accorderions à ces assertions quelque degré de force : mais nous ferions remarquer à nos lecteurs que nous n'avons rien dit qui leur fût contraire. A tel période de l'état social, le sacerdoce a pu concourir au grand travail de l'espèce humaine, et accomplir pour sa part les vues protectrices d'une providence bienveillante : nous ne le nions point.

Nous disons seulement que l'esprit sacerdotal, ennemi, comme tout esprit de corps, des progrès et de la prospérité de la masse, parce que cette prospérité et ces progrès la conduisent à l'indépendance, nous a vendu chèrement ses bienfaits qu'il est heureux qu'un peuple dont nous allons parler tout-àl'heure se soit affranchi de cet empire: que si le sort des Égyptiens valait mieux, grace au sacerdoce, que ne vaut aujourd'hui celui des Esquimaux ou des Samoyèdes, il eût été déplorable que le sort du genre humain tout entier n'eût pas différé de celui des Égyptiens; et que si les hommes ont pu s'élever

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