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culte à un autre. Elles ne transportèrent point dans leurs nouveaux établissements la croyance de leur ancienne patrie. Elles n'avaient ellesmêmes sur cette croyance que des idées trèsinexactes et très-imparfaites. Elles ne donnerent point une religion aux Grecs: elles les placèrent seulement dans un état de civilisation qui devait modifier la forme de leurs idées religieuses.

Quant à un petit nombre d'instituts sacerdotaux, apportés de Thrace, d'Égypte, ou de Phénicie, ces instituts ne prirent racine que dans quelques villes dont la position locale les favorisait, et qui cependant n'occupèrent longtemps qu'un rang secondaire. Ainsi, par exemple, la nature avait réuni autour de Delphes tout ce qui met en fermentation la superstition et l'enthousiasme. De vastes abîmes exhalaient des vapeurs méphitiques qui jetaient dans le délire ceux qui les respiraient. Des sources innombrables bouillonnaient de toutes parts. Des grottes impénétrables au jour pro

des Doriens consolida la divinité d'Apollon, qui devint le dieu national de la Phocide. Mais il y a loin de ces faits partiels à des guerres générales entre les Pélages et les étrangers.

voquaient l'oubli du monde, et semblaient promettre le commerce des puissances invisibles. L'ombre d'antiques forêts frappait les esprits d'une horreur religieuse. Il y a de plus quelque vraisemblance, qu'attirée par ces circonstances favorables, une colonie de prêtres venus de Thrace et de Macédoine se fixa de bonne heure dans ce séjour merveilleux, et dut s'appliquer à y introduire et à y maintenir les notions et les cérémonies sacerdotales. A Delphes se retrouvent donc beaucoup d'usages, de traditions, de dogmes et de rites importés du dehors (1). Mais les relations du sacerdoce de Delphes avec le culte national n'étaient ni régulières ni habituelles. Elles n'existaient point du temps d'Homère; car le nom de Delphes ne se rencontre pas une fois dans les épopées homériques (2). Ainsi

(1) Le loup, par exemple, y était consacré à Apollon, précisément comme dans la grande préfecture lycopolitaine de la Thébaïde.

(2) Pausanias ( Phoc. 32) mentionne une chapelle d'Isis en Phocide qui était manifement une de ces fondations de prêtres étrangers. y pouvait entrer sans y être invité par un songe. Un profane qui y avait

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la Grèce, après avoir reconquis son indépendance sur un sacerdoce dont nous ne connaissons qu'imparfaitement l'organisation, maintint cette indépendance contre les colonies qui la policerent; elle la maintint également contre les tentatives réitérées des prètres de Thrace, d'Égypte et de Phénicie, pour introduire leurs institutions et fonder leur empire de gré ou de force. Ce ne fut pas sans une lutte longue et quelquefois violente. Ce ne fut pas non plus sans admettre quelques portions de mythologie sacerdotale, et surtout plus d'un rite étranger. Les institutions même qu'un peuple repousse influent sur ses institutions : les combattants se modifient par le

pénétré sans permission, vit des spectres affreux et mourut incontinent. Ce détail est si évidemment égyptien, que l'auteur grec ajoute : « La même chose arriva de nos jours en Égypte. Le proconsul romain qui gouvernait cette province engagea un homme à se cacher dans le temple d'Isis. Cet émissaire, en étant ressorti, raconta ce qu'il avait vu; mais il mourut en achevant son récit. » Les colonies purent de la sorte transplanter en Grèce des rejetons épars de leurs anciennes superstitions; mais ces rejetons, même en prenant racine, conservèrent leur apparence exotique, et restèrent toujours isolés.

combat, les vainqueurs par la victoire. Mais la Grèce subjugua tout ce qu'elle admit. Nous allons démontrer cette vérité, la plus importante des vérités historiques. Car cette victoire des Grecs a décidé du sort de l'espèce humaine.

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CHAPITRE V.

Des modifications que l'esprit indépendant la Grèce fit toujours subir à ce qui lui vint de l'étranger.

Si le génie grec était peu favorable à l'intro

duction des doctrines et des opinions sacerdotales, la position géographique des Grecs semblait inviter leurs voisins barbares à tenter fréquemment cette introduction.

La Grèce était de toutes parts environnée d'îles que des navigateurs étrangers avaient choisies pour refuge ou pour patrie, et où ils avaient transporté les rites de leur religion.

Autant qu'il est possible de le conjecturer, un prêtre que les historiens nomment Olen, et qu'ils relèguent encore au-delà des temps fabuleux d'Orphée; ou, ce qui nous paraît plus vraisemblable, une colonie dont Olen fut le chef ou la désignation collective, vint

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