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Dans l'ouvrage publié par M. Pasteur en 1870, sur la maladie des vers à soie, l'auteur a cherché à établir expérimentalement que tout le mal dont se plaignait la sériciculture provenait de deux maladies : la pébrine et la flacherie, indépendantes l'une de l'autre, quoique toutes deux contagieuses et héréditaires; que ces maladies étaient en corrélation intime avec le développement d'organismes microscopiques, mais d'organismes d'une origine, d'une nature et d'un mode de propagation profondément distincts pour chacune de ces maladies. Au sujet de la pébrine, la science et la pratique sont aujourd'hui fixées. Les principes établis dans l'ouvrage que nous venons de rappeler ont été universellement confirmés, et le procédé qui s'y trouve indiqué pour prévenir cette maladie est d'une application si sûre que pas un éducateur éclairé n'hésite à y recourir. Rien n'est plus facile que de se procurer des œufs exempts du parasite destruc

teur.

Relativement à la flacherie, M. Pasteur s'est arrêté à l'opinion que cette maladie est produite par un développement anormal d'organismes microscopiques agissant (à la manière des ferments) sur la feuille, dans le canal intestinal du ver à soie.

Comme preuves principales, l'auteur invoque: 1° que les matières du tube digestif des vers qui périssent de flacherie sont remplies de ferments organisés; 2° que l'on communique la flacherie aux vers les plus sains, soit par des repas de feuilles salies par des feuilles triturées en fermentation, soit par l'association de vers sains à des vers malades, et que dans ces deux cas le canal intestinal des vers sains devenus malades est rempli de ferments, vibrions, bactéries, chapelets de grains, etc.

En d'autres termes, quand il y a flacherie, l'immense majorité des vers malades offrent des organismes dans leur tube digestif, et les vers sains n'en montrent jamais, et, inversement, quand on fait fermenter la feuille dans le canal intestinal par une introduction exagérée de germes d'organismes ou de ces organismes adultes et en voie de propagation, on provoque la flacherie.

On dit que deux phénomènes sont en relation de cause à effet lorsque, l'un des deux phénomènes existant, l'autre suit. C'est ici le cas. Les ferments sont-ils présents dans le canal intestinal, il y a flacherie; et, s'il y a flacherie, il y a des ferments dans le canal intestinal.

A beaucoup d'égards cette maladie serait plus dangereuse que la pébrine. Les germes des parasites qui la déterminent sont partout, et dans les poussières qui flottent dans l'air, et dans celles qui sont à la surface de tous les objets. A l'appui de cette manière de voir, M. Pasteur cite,

entre autres preuves, le fait que toute feuille de mûrier, triturée dans un mortier et mise dans un tube, fermente en montrant les mêmes organismes que ceux du canal intestinal dans les cas de flacherie.

Ces germes, à l'inverse des corpuscules, ne périssent pas par la dessiccation. M. Pasteur en a donné des preuves directes, notamment pour les vibrions. Il a montré que les vibrions ont deux modes de reproduction, par fissiparité et par des espèces de kystes qu'on voit apparaître dans les vibrions sous forme de points brillants, après qu'ils ont subi un certain nombre de divisions spontanées. Il y aurait chez ces organismes, d'après M. Pasteur, une sorte de parthénogénèse. Or, tandis que les vibrions en voie de division périraient facilement par dessiccation ou par une chaleur inférieure à 100°, les points brillants dont nous parlons résistent à la dessiccation et à des températures élevées. C'est sous cette forme de kystes ou spores que la vie et la fécondité des vibrions pourraient se poursuivre d'une année à l'autre. Les poussières d'une magnanerie où il Y a eu la pébrine ne communiquent pas la pébrine à l'éducation de l'année suivante. Au contraire, les poussières d'une magnanerie où il y a eu de la flacherie peuvent communiquer cette maladie au bout d'une année (et. probablement davantage) par l'abondance des germes de fermentation de la feuille que les poussières répandent dans l'air, à la surface des vers et de leur nourriture. M. Pasteur prouve ces faits par une expérience très simple. Qu'on délaye dans de l'eau, à la température de l'été, de la poussière de magnanerie où il y a eu flacherie, poussière remplie de ces sortes de spores dont nous parlons et qui ont été décrites et figurées dans la planche de la page 228 de l'ouvrage de M. Pasteur, et en quelques heures on voit apparaître, tout à coup pour ainsi dire, dans le champ d'observation d'une goutte de l'eau, de très rares vibrions adultes, sans intermédiaire organisé quelconque entre ces vibrions et le point apercevable. C'est la preuve évidente que ces premiers vibrions formés viennent de sortir des

corpuscules brillants ou qu'ils ont été formés par ceux-ci directement.

Dans la définition qu'il donne de la cause de la flacherie, M. Pasteur ne préjuge pas la question des circonstances occasionnelles qui peuvent la provoquer. La présence des ferments dans le canal intestinal est déjà ellemême un effet de quelque influence accidentelle : refroidissement un peu prolongé de la température et des vers, alimentation par une feuille qui a été gelée, par une feuille humectée de rosée, trop d'élévation de température à l'époque des mues, chaleur électrique qui favorise les fermentations, etc. etc..., voilà autant de circonstances, et il en est sans doute beaucoup d'autres, qui amènent la flacherie. Mais ce sont là des circonstances occasionnelles du mal et non ses causes effectives; ce n'est pas le mal en lui-même. La preuve en est, d'après M. Pasteur, que si les vibrions ou autres ferments ne se développaient pas à la suite des occasions

d'affaiblissement ou de troubles des fonctions digestives dont nous venons de parler, les vers ne deviendraient pas malades, ou du moins ils seraient promptement guéris. C'est dans ce sens qu'il faut entendre que la cause de la flacherie réside dans la présence et la multiplication des ferments dans la feuille en voie de digestion.

Une des circonstances pouvant provoquer la flacherie a, suivant M. Pasteur, un caractère d'hérédité, et c'est ce qui lui a fait dire que la flacherie, qui est le plus souvent accidentelle, peut être cependant quelquefois héréditaire. Si l'on fait grainer des papillons provenant de vers qui ont éprouvé au dernier âge une fermentation de la feuille dans leur tube digestif, il y a prédisposition très grande à la flacherie dans les vers qui naîtront de ce grainage. L'affaiblissement des vers à la montée à la bruyère s'est communiqué à la graine de leurs papillons et aux vers issus de cette graine. Il en résulte que ces vers n'ont pas la résistance nécessaire pour échapper, pendant le cours de leur éducation, à toutes les causes accidentelles qui peuvent provoquer la flacherie. La lutte pour la vie, si l'on peut ainsi dire, entre le ver et les germes de ferments qu'il ingère sans cesse, devient plus difficile. Le ver n'en triomphe que s'il est favorisé par tout ce qui peut contribuer à sa vigueur et à une bonne éducation. Aussi voit-on dans ce cas, sur vingt chambrées, par exemple, d'une telle graine, tout au plus quatre ou cinq chambrées réussir et toutes les autres échouer. C'est pourquoi M. Pasteur recommande avec tant d'insistance, afin d'éviter cette flacherie qu'il appelle héréditaire, de ne livrer au grainage que des chambrées dont on a suivi les vers de la quatrième mue à la montée à la bruyère, qui n'ont pas eu à cet âge de mortalité par la flacherie et qui ont prestement fait leur cocon.

Il y a pourtant des circonstances où ces observations pratiques sur l'état des vers destinés à la reproduction n'ont pu avoir lieu. Comment se renseigner alors sur la qualité des cocons pour graine sous le rapport de la prédisposition possible à la flacherie par hérédité? Dans ce cas, il importe de ne livrer au grainage que des cocons dont les chrysalides auront été étudiées au microscope et qui ne présenteront ni germes de vibrions ni ferments en chapelet de grains, etc. (Voir page 232, II, des Études sur la maladie des vers à soie.)

On a exagéré beaucoup l'importance que M. Pasteur a attribuée et qu'il faut attribuer réellement à l'observation microscopique dont nous parlons: c'est à cette exagération que doivent s'adresser les critiques qui ont été faites de ce procédé d'examen des cocons, bien plus qu'à ce procédé en lui-même. En effet, d'après ce que nous venons de rappeler, l'examen dont il s'agit est en quelque sorte un pis aller; il est utile, nécessaire même, quand il s'agit de cocons quelconques, dont le graineur n'a pu voir les vers de la quatrième mue à la montée et à cette montée même..

La présence de ferments dans la poche stomacale doit alors faire rejeter les cocons pour graine; mais M. Pasteur n'a pas prétendu que cet examen microscopique puisse être un criterium absolu. S'il y a des restes de ferments dans la chrysalide, craignez extrêmement la flacherie héréditaire; mais si vous ne découvrez pas de ferments, cela ne voudra pas dire que vous pouvez avoir toute confiance dans les cocons, qu'ils sont tout à fait sains au point de vue du grainage, en ce qui concerne la prédisposition à la flacherie; car des vers, des chrysalides, peuvent être affaiblis de bien des manières.

On peut résumer ces vues en disant :

Le ver est un animal chez lequel les fonctions digestives ont une importance énorme, une activité extraordinaire, puisque dans l'intervalle d'un mois environ il augmente de six, sept et huit mille fois le poids qu'il avait à sa naissance. D'autre part, si l'on dépose de la feuille triturée dans un tube de verre, des ferments y apparaissent dans l'intervalle de vingtquatre heures. Chaque feuille est donc souillée de germes de ferments organisés; mais la vie empêche la vie. Si les vers sont sains, bien portants, ces germes ne se développent pas dans la feuille triturée, ingérée par le ver dans son canal intestinal; ils sont digérés ou expulsés avec les excréments, à moins toutefois qu'on n'augmente leur nombre et que la lutte pour l'existence tourne en leur faveur. C'est ce qui arrive lorsque M. Pasteur donne à manger aux vers une feuille qu'il a volontairement souillée par un peu d'eau où l'on a délayé de la feuille triturée en fermentation. Dans ce cas, les vers les plus sains deviennent malades et meurent ultérieurement avec tous les symptômes de la flacherie.

Tout cela étant rappelé, nous devons faire observer que ces principes et quelques-uns des faits sur lesquels M. Pasteur les a établis ont été contestés par MM. Verson, Vlacovich et Bolle. Pour ces savants, la flacherie n'est point produite comme le pense M. Pasteur. Les ferments de la feuille existent ou n'existent pas dans les vers flats. La présence de ces ferments n'est qu'un phénomène consécutif à une altération des liquides ou des tissus de l'économie, etc. Il faut que la Science et la Pratique sortent de cette incertitude.

En conséquence, et sur la proposition de M. Pasteur, le Comité propose l'examen de la question suivante :

A.

-

Contrôler par des observations nouvelles l'assertion relative à la corrélation entre le développement de la flacherie et la présence des organismes de la fermentation dans le canal intestinal des vers.

Est-il vrai, par exemple, que, dans les chambrées atteintes de flacherie, les vers dont l'aspect indique un état maladif déjà commencé renferment des organismes agissant à la manière des ferments?

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1° Étudier directement l'influence de la température, de la durée de cette température et de l'état hygrométrique de l'air dans lequel la graine est conservée depuis la ponte jusqu'à l'éclosion, principalement à partir du moment où l'embryon est apte à se développer, sur la production de la flacherie pendant l'éducation de cette graine.

On recommande de rechercher un bon appareil d'étude propre à donner une température constante, un état hygrométrique constant avec un renouvellement d'air suffisant. Voir quel parti on pourrait tirer, au point de vue de l'état hygrométrique, des propriétés du phosphate de soude ordinaire.

2° Rechercher si un abaissement prolongé de la température ambiante n'est pas de nature à déterminer la flacherie.

3° Voir s'il n'en est pas de même d'une élévation de température, particuliè

rement aux mues.

4° Un arrêt de développement de la feuille provoqué par un abaissement de la température extérieure et conduisant à diminuer le nombre des repas des vers ne produit-il pas la flacherie par le trouble qu'il amène dans les phénomènes de la nutrition?

5° Étudier quelle est l'influence de l'humidité provenant soit de l'atmosphère, soit de la feuille mouillée par la pluie, les brouillards ou la rosée.

C. Recherche de moyens curatifs ou préventifs.

1° Expérimenter si l'on peut prévenir l'apparition ou arrêter la propagation de la flacherie par des substances désinfectantes, vapeurs de chlore, d'acide sulfureux, d'acide phénique, etc.

2° Peut-on exercer sur le ver une action tonique qui le rende moins accessible à la flacherie ou qui en neutralise les effets?

3° En admettant que les germes des ferments soient la cause de la flacherie, pourrait-on agir sur la feuille de façon à les détruire?

-

D. — Étudier chez les papillons reproducteurs les différents caractères au moyen desquels on a proposé d'opérer des sélections en vue de produire des graines saines et robustes, par exemple, la longévité, l'état du résidu stomacal, la conservation plus ou moins parfaite du cadavre.

Le Comité est dès à présent assuré que chacune des questions proposées sera étudiée au moins par un de ses membres; il serait à désirer que

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