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sacrifices considérables en temps et en argent que la réalisation pratique coûterait sans cela à l'industrie de tous les pays;

e. Parce que l'on tend à supprimer par cette publication le plus grand ennemi du progrès, à savoir le secret de fabrique;

f. Parce que l'absence d'un système rationnel de brevets cause de grands dommages à certains pays dont les hommes de talent se rendent dans les États où le travail de l'inventeur trouve une protection légale;

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Parce qu'il résulte de l'expérience acquise que le propriétaire d'un brevet s'occupe avec plus de soin que qui que ce soit de la prompte exploitation de son invention."

L'Espagne, voulant développer son industrie, a promulgué, à la date du 30 juillet 1878, une législation libérale qui reproduit les dispositions des lois française et belge de 1844 et 1854, en adoptant pour les brevets d'invention une durée de vingt années, une durée de cinq ans pour les brevets d'importation, et fixant à dix ans la durée des brevets accordés à des inventeurs déjà brevetés à l'étranger depuis moins de deux ans, cette durée de dix ans étant alors indépendante de celle des autres brevets déjà pris.

La taxe est de 10 francs pour la première année, s'augmentant chaque année de 10 francs comme en Belgique, jusqu'au chiffre de 200 francs pour la vingtième année.

mais

La nouvelle loi est valable, non seulement pour les colonies d'Europe, pour celles d'outre-mer, couvrant ainsi toutes les possessions espagnoles. Il ne nous reste plus à signaler que l'avant-projet de loi présenté en Suisse et qui résulte d'une enquête faite dans les mois de mars, avril, mai, juin et juillet 1877; les conclusions ont pour objet qu'il faut adopter une loi protectrice des inventeurs, pour donner un nouvel élan aux forces productives de la

nation.

Le travail que nous vous soumettons est nécessairement incomplet en ce qui concerne les législations, et surtout celles des pays du nouveau monde dont nous n'avons pas parlé: Brésil, Chili, Mexique, etc., et les colonies anglaises si nombreuses et qui toutes ont une loi spéciale. Mais il nous semble que, pour la discussion générale, le tableau rapide que nous avons esquissé pourra suffire; d'ailleurs, s'il était besoin pour vous d'avoir des détails plus complets, vous pourriez recourir au travail consciencieux de notre collègue M. Thirion, dont le tableau synoptique fournit l'ensemble comparé de toutes les législations existantes à ce jour en ce qui concerne les brevets d'invention. Je dois citer, mais on doit comprendre avec quelle réserve, un autre tableau comparatif de ces mêmes lois, de proportions plus modestes, mais cependant également très complet pour les dix pays principaux qui y sont étudiés 1).

Vous allez maintenant entendre l'analyse des travaux qui ont été soumis à votre Commission; mais avant de terminer notre étude, permettez-nous une dernière considération.

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Ce tableau est de M. Émile Barrault, qui a été chargé du présent rapport.

Les travaux scientifiques de notre siècle ont mis hors de toute contestation la succession des couches de terrains qui forment notre globe, et l'on sait aujourd'hui que chacune des périodes granitique, sédimentaire, houillère et celles qui ont suivi, est venue apporter à la terre des éléments de fécondité croissante, permettant l'existence d'une flore et d'une faune allant toujours en progressant jusqu'à l'époque actuelle, qui représente le maximum de la perfectibilité connue.

L'ordre social a procédé également par une série d'assises qui partent de l'état rudimentaire où l'homme, isolé et traqué par les fauves monstrueux des temps primitifs, ne luttait qu'en fuyant.

Le groupement des hommes sous un chef, l'union sous l'autorité absolue, despotique, du plus capable, a changé la condition humaine et constitué une importante étape de la civilisation correspondant à la période des peuples chasseurs, époque pendant laquelle les terrains de chasse étaient nécessairement communs à toute une tribu. Sans parler des guerres auxquelles donnait lieu la lutte pour la vie, et qui elles aussi amenèrent d'importants perfectionnements, l'état des peuples pasteurs constitua un progrès suivi d'un autre plus grand, correspondant à la découverte de la charrue, qui vint stabiliser les hommes sur les terrains fertiles dont la possession finit par devenir individuelle sous l'effet du travail de défrichement, du droit de premier occupant, ou du droit de conquête.

Il y a déjà longtemps que la propriété foncière et mobilière a jeté ses profondes racines dans notre monde civilisé, et nous avons pu constater ses bienfaits, tout en regrettant que le champ, susceptible d'appropriation particulière, ne fût pas assez vaste pour tous les travailleurs.

La propriété intellectuelle, dont la propriété industrielle n'est qu'une vaste branche, constitue justement un nouveau champ pour l'exploitation des travailleurs, et son fonctionnement est de telle nature que, sans toucher en rien aux propriétés actuellement existantes et dont le nombre est limité, chacun -peut y trouver, sans nuire à personne, le moyen de se créer, par son travail et son intelligence, une propriété d'autant plus fructueuse qu'elle est plus utile à la société.

M. Teisserenc de BORT, Ministre de l'agriculture et du commerce, président. M. Charles Lyon-Caen a la parole pour présenter, au nom du Comité d'organisation, le rapport de la section des brevets d'invention sur les mémoires adressés au Comité.

RAPPORT

PRÉSENTÉ AU NOM DE LA SECTION

DES BREVETS D'INVENTION,

PAR M. CHARLES LYON-CAEN.

M. Ch. LYON-CAEN, rapporteur. Messieurs, les questions relatives à la législation des brevets d'invention sont, depuis quelques années, particulière

ment à l'ordre du jour dans plusieurs grands États de l'Europe. Elles paraissent plus que jamais préoccuper les industriels, les ingénieurs, les économistes et les jurisconsultes. Aussi le Comité d'organisation a-t-il reçu un grand nombre de mémoires, de notes, de pièces diverses, se rapportant à la partie du programme du Congrès qui concerne les brevets. C'est de ces documents que je dois présenter une analyse.

Ils offrent une grande diversité, soit quant aux personnes dont ils émanent, soit quant à leur objet.

Ils nous ont été envoyés de la France et des pays étrangers, par des particuliers, par des sociétés d'ingénieurs ou d'architectes, par des associations industrielles, par des chambres syndicales, par des tribunaux de commerce et par des chambres des arts et manufactures.

Ces documents peuvent être classés en trois catégories. Les uns ont pour but de provoquer la discussion dans le Congrès de questions spéciales que le programme n'a pas paru suffisamment indiquer. Les autres proposent des solutions pour les questions posées. Enfin le Comité d'organisation a reçu des mémoires, des projets, des rapports publiés antérieurement, à l'occasion d'autres réunions, des comptes rendus de discussions, des traductions ou des études sur des lois étrangères.

I.

Deux lettres ont été adressées au Comité d'organisation pour demander finsertion de plusieurs questions dans le programme.

Au nom et comme président de la cinquième Commission des Congrès et Conférences de l'Exposition universelle, M. Chevreul, directeur du Muséum d'histoire naturelle de Paris, a appelé notre attention sur la nécessité de discuter la question des brevets d'invention en matière de produits chimiques. La situation des inventeurs de ces produits est particulièrement grave. La loi allemande du 25 mai 1877 les déclare non brevetables, et elle est imitée en ce point par le récent projet de loi suisse. Le Comité d'organisation avait prévenu le désir de la cinquième Commission des Congrès et Conférences; la question de la brevetabilité des produits chimiques est formellement posée dans le paragraphe III du programme.

M. Limousin indique aussi quelques points que le programme ne lui semble pas mentionner. Les intéressantes questions qu'il signale y sont déjà implicitement comprises ou peuvent facilement y être rattachées. Ainsi M. Limousin demande qu'on discute la question de savoir s'il serait possible de garantir les droits légitimes de l'inventeur par un autre système que le monopole temporaire d'exploitation. Il voudrait aussi qu'on examinat s'il serait possible de consacrer le droit de l'inventeur indépendamment de toute déclaration ou demande de brevet de sa part. Ces deux questions se lient intimement à la recherche de la nature du droit de l'inventeur et à la procédure à suivre pour la délivrance des brevets.

En demandant qu'on examine si la taxe doit être progressive comme en Belgique, s'il y a lieu de supprimer la déchéance pour défaut de payement

N° 24.

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et de donner à l'État le droit de se faire payer sur le prix de la vente du brevet, en laissant toutefois à l'inventeur la faculté de s'exonérer par l'abandon au domaine public, M. Limousin ne fait que reproduire ou développer les paragraphes V et IX du programme. Notre honorable collègue voudrait enfin qu'on discutât sur le point de savoir s'il n'y a pas lieu de fixer un délai après l'expiration duquel l'inventeur, averti de l'existence d'une invention analogue à la sienne, ne pourrait plus intenter de procès en contrefaçon. Cette question pourra être naturellement discutée avec toutes celles qui se rapportent à la contrefaçon des inventions brevetées.

II.

Parmi les mémoires contenant des résolutions où des vœux proposés au Congrès, les uns touchent seulement à certains points spéciaux, les autres répondent à toutes les questions du programme.

Ils leur donnent les solutions les plus diverses; mais tous proclament sans exception la légitimité et l'utilité des brevets d'invention.

M. Gustave Biebuyck (1), avocat à la Cour d'appel de Bruxelles, insiste sur la nécessité de reconnaître aux tribunaux de l'ordre judiciaire compétence pour statuer aussi bien sur les demandes en déchéance que sur les demandes en nullité. Il proteste énergiquement contre les dispositions de la loi belge qui confient à l'Administration le soin de prononcer les déchéances des brevets. En passant, M. Biebuyck dirige contre la loi française une critique qu'elle ne mérite pas, parce qu'elle n'a nullement adopté la règle que l'honorable auteur lui attribue. Elle admettrait, selon lui, que la déchéance pour défaut de payement de la taxe est prononcée par l'Administration. La loi de 1844 reconnaît au contraire, sans aucune distinction, à la différence de la première loi française sur les brevets, la compétence judiciaire pour toutes les demandes en déchéance, quelle que soit leur cause.

C'est aussi sur des questions de déchéance que M. Murdoch, solliciteur de brevets à Londres, a adressé plusieurs observations pleines d'intérêt au Comité d'organisation (2). Il se déclare l'adversaire des déchéances soit pour défaut ou insuffisance d'exploitation, soit pour introduction par le breveté d'objets fabriqués à l'étranger. Selon M. Murdoch, c'est là l'opinion de tous les solliciteurs de brevets en Angleterre. M. Murdoch indique seulement que, pour concilier les intérêts de l'industrie avec ceux des inventeurs, il devrait être tenu au Bureau des brevets un registre dans lequel les brevetés mentionneraient le prix pour lequel ils vendraient leurs brevets ou concéderaient des licences.

M. Givry, négociant à Paris, voudrait seulement la suppression de la déchéance pour introduction d'objets fabriqués en pays étrangers. Elle rompt.

(1) V. pièce annexe no 2.

(2) V. pièce annexe no 3.

selon lui, l'égalité qui doit régner en matière de brevets entre les étrangers et les nationaux (1).

M. Mazaroz, dans une petite brochure imprimée (2), recommande l'adoption de trois vœux dont le premier a peut-être le défaut de ne se rattacher que d'une façon bien indirecte à l'objet d'un congrès de la propriété industrielle. Ce premier vou tend à l'abrogation de la loi française de 1791, qui défend les associations entre les personnes exerçant le même métier. Le second vœu est relatif au mode de délivrance des brevets et à la procédure à suivre dans les procès en contrefaçon. M. Mazaroz voudrait que les brevets fussent délivrés par les syndicats généraux du commerce et de l'industrie, composés d'un délégué de chacune des chambres syndicales de chaque département. Six délégués des chambres syndicales joueraient le rôle de conciliateurs dans tous les procès en contrefaçon. A défaut de conciliation, ces délégués feraient un rapport sur l'affaire aux juges compétents. Enfin le troisième vœu tend à faire demander par le Congrès l'abaissement des taxes de brevets et leur uniformité dans tous les pays.

La Chambre syndicale parisienne des mécaniciens, chaudronniers, fondeurs et des industries qui s'y rattachent a transmis au Comité d'organisation un rapport sur les imperfections de la législation française relativement à la publicité des inventions brevetées (3). Selon cette chambre syndicale, les brevets ne sont pas mis assez facilement en France à la disposition du public, et les descriptions ou dessins ne sont publiés que trop tardivement. Le Journal officiel devrait publier régulièrement, tous les mois ou plus souvent, la liste des brevets pris, et dans les trois mois au plus tard après la délivrance des brevets, l'Imprimerie Nationale devrait tenir à la disposition du public, sous forme de brochures, la copie officielle de ces brevets avec les descriptions el dessins; le prix de ces brochures devrait être, comme celui des Blue-Books anglais, proportionnel au nombre de lignes et à l'importance des dessins.

M. A. Poirrier, fabricant de produits chimiques à Paris, a, dans des notes qu'il adresse aux membres du Congrès (4), étudié spécialement deux questions. Il examine 1° par quels moyens on doit chercher à concilier le droit du breveté avec les intérêts de l'industrie et du commerce; 2o quelles sont les inventions brevetables ou non brevetables, et particulièrement ce qu'il faut admettre pour les produits chimiques. Il estime toutefois qu'on ne saurait bien résoudre ces deux questions qu'après s'être prononcé sur la nature du droit de l'inventeur, sur la légitimité et l'utilité des brevets. Pour lui, les brevets d'invention sont d'une utilité incontestable. Quant à leur légitimité, elle résulte de ce que l'inventeur est propriétaire de son invention. Mais il n'en a pas seul la propriété. La société en est copropriétaire. En accordant à l'inventeur le droit exclusif d'exploiter son invention, la loi étend sa propriété; il s'en trouve investi à l'exclusion de

V. pièce annexe n° 4. * V. pièce annexe no 5. V. pièce annexe no 6. * V. pièce annexe no 7.

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