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DESSINS ET MODÈLES DE FABRIQUE.

ARTICLE PREMIER. C'est un droit de propriété d'une nature particulière. Ce droit est analogue à celui de la propriété littéraire et artistique.

ART. 2. C'est encore un enchevêtrement ou un mélange de fils constituant un type reconnaissable se distinguant de tout autre.

L'œuvre industrielle se distingue de l'œuvre artistique, en ce qu'elle n'est pas seulement agréable, mais utile.

ART. 3. Non, ce droit ne doit avoir qu'une durée variable, au choix de l'auteur du dessin ou modèle, mais ne dépassant pas le maximum de quinze ans, soit cinq, dix et quinze.

ART. 4. Un enregistrement préalable ne paraît ni nécessaire ni possible dans tous les cas. Il faut un dépôt. L'objet doit être déposé lui-même ou, à son défaut, un spécimen tel qu'il ne puisse y avoir d'équivoque, comme une mise en cartes pour les tissus.

Le dépôt doit s'effectuer à couvert; il sera découvert à l'expiration du dépôt. La publicité ne semble ni utile ni praticable. Les échantillons tombés dans le domaine public devront être déposés dans le musée ou dans une salle publique de la localité.

Le dépôt au musée aura un caractère administratif, tandis qu'au contraire le dépôt des dessins et modèles au secrétariat des prud'hommes a un caractère judiciaire.

Un dépôt central unique ne serait pas à la portée de ceux qui en auraient besoin. ART. 5. Oui. A une taxe unique, payée d'avance, 1 franc par an, quelle que soit la nature du dessin ou modèle.

ART. 6. L'effet du dépôt est déclaratif de propriété. La validité du dépôt est subordonnée à la nouveauté du dessin ou modèle, qui doivent avoir un caractère distinctif des dessins et modèles antérieurs. Nous n'admettons pas d'examen préalable.

ART. 7. Non. Ce serait vouer l'inventeur à la ruine, en le forçant à produire un article alors qu'il n'est pas demandé.

Le propriétaire d'un dessin ou modèle serait déchu s'il l'exploitait à l'étranger. Les marchandises en transit, ou non, ne peuvent pas pénétrer en France quand elles sont l'objet du privilège d'un Français. Les modèles sont quelquefois si petits et si précieux que l'estampille en est impossible.

ABT. 8. L'action doit être portée en premier lieu devant la juridiction civile, parce que souvent le contrefacteur peut être de bonne foi; en cas de récidive, devant la juridiction pénale, la bonne foi n'étant plus admissible. Il ne faut pas de juridiction spéciale. Conciliation après saisie. — Devant le tribunal de commerce. Par quiconque y aura intérêt.

Oui, à condition de réciprocité. Pas de distinction à établir entre les étrangers résidants ou non résidants, la réciprocité étant admise. Cette réciprocité ne peut être réglée par les traités internationaux.

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MARQUES DE FABRIQUE OU DE COMMERCE.

ARTICLE PREMIER. La marque doit être facultative. Elle consiste en un emblème, des initiales, un nom, en tout signe distinctif des autres. Le nom du fabricant est facultatif; celui du lieu l'est également. Tous les produits, sans exclusion, peuvent être protégés.

ART. 2. Oui, il est perpétuel. Doit être fait au greffe du tribunal de commerce et une expédition en être délivrée au déposant. Il est déclaratif de propriété. Examen préalable inutile. La marque déposée doit porter mention du dépôt. Il n'y a pas lieu de mentionner les mutations, la marque faisant partie du fonds de commerce.

ART. 3. Une collection ne paraît pas inutile dans les mêmes conditions brevets.

que pour

les

ART. 4. L'action pénale. La marque non déposée n'est pas protégée. La partie lésée, seule, a l'initiative de la plainte. L'action publique ne pourra devancer la plainte; si le plaignant se désistait, l'action publique devrait s'arrêter. Le débitant est responsable. S'il n'indique pas l'origine, il n'est pas admis à prouver sa bonne foi. La mention mensongère de «marque déposée» doit être réprimée d'office par l'action publique.

ART. 5. Par tout intéressé. Une marque abandonnée ne peut être reprise par personne. Une nouvelle appropriation tendrait à tromper l'acheteur sur la provenance de la marchandise revêtue de cette marque. Les combinaisons d'emblèmes, d'initiales et de noms étant illimitées, il n'y a aucun intérêt à ce qu'une marque tombe dans le domaine public.

liés

ART. 6. La protection doit être réciproque et effective. Le dépôt fait dans un des pays par des traités de commerce doit être considéré comme fait fictivement dans tous pays participant à ces traités, à la charge par les déposants d'effectuer le dépôt réel dans un délai déterminé.

les

NOM COMMERCIAL.

ARTICLE PREMIER. Le nom commercial est une propriété du droit des gens; le nom commercial ne peut pas tomber dans le domaine public; il n'a pas besoin d'être déposé; il est au-dessus de toute atteinte et de toute formalité.

Les acquéreurs d'un produit ne peuvent pas y apposer le nom du producteur sans

son consentement.

La protection du nom commercial s'étend aux étrangers comme aux nationaux, sans condition.

MÉDAILLES ET RÉCOMPENSES DÉCERNÉES PAR L'AUTORITÉ PUBLIQUE. ARTICLE UNIQUE. Qui et poursuivie d'office.

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Autrefois on pouvait soutenir que ce droit venait d'un privilège de la couronne, et telle était la base des brevets ou patentes d'invention concédés aussi bien par la république de Venise que par le roi de France avant 1789, et par le roi d'Angleterre avant 1623; ce privilège résultait du bon plaisir du Gouvernement et pouvait être accordé tout aussi bien à l'inventeur qu'à tout autre individu.

A partir de 1623, l'Angleterre fit une loi qui, tout en maintenant le privilège comme point de départ du droit, établit comme règle de n'accorder des patentes d'invention qu'aux seuls inventeurs ou à leurs ayants droit.

Les intérêts des inventeurs et ceux de la société trouvèrent une juste satisfaction dans la mise en pratique de cette loi de 1623 qui a créé, par suite, en Angleterre, un courant industriel d'une puissance telle que l'effet en est encore aujourd'hui parfaitement appréciable dans la lutte industrielle et commerciale qui s'est établie entre toutes les nations civilisées.

Après 1789, la France décida que, loin d'être un privilège, le brevet d'invention était une véritable propriété.

Mirabeau disait que les découvertes de l'industrie et des arts étaient une propriété avant que l'Assemblée nationale l'eût déclaré ; »

L'Assemblée nationale: «que toute idée nouvelle dont la manifestation ou le développement peut devenir utile à la société appartient primitivement à celui qui l'a conçue, et que ce serait attaquer les droits de l'homme dans leur essence que de ne pas regarder une découverte industrielle comme la propriété de son auteur.»

M. de Boufflers avait fait passer ces idées dans la loi de 1791.

C'est en 1844 que l'on établit sur l'idée d'un contrat le droit des inventeurs, et dans ce système il faut admettre, puisqu'il y a contrat entre l'inventeur et la société, que l'inventeur est possesseur d'un certain droit primordial dont il fait marché avec la société, dans le but d'obtenir des avantages spéciaux; le système du contrat reconnaît done implicitement ce que Mirabeau disait éloquemment et explicitement.

M. Renouard, dans son remarquable traité sur les brevets d'invention, a fait une étude si complète des droits de l'inventeur qu'il nous semble inutile d'insister sur ce sujet, car il conclut à une propriété sui generis et c'est aussi notre opinion.

S'élevant avec raison contre les disciples de Jobard, qui, partant de cette idée que

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l'invention est une propriété, concluaient à la perpétuité du monopole, M. Renouard est arrivé à la solution qui a été adoptée par toutes les législations dans la pratique, c'est-à-dire à une durée temporaire du brevet d'invention.

C'est à cette doctrine que nous nous sommes attaché, estimant que l'examen des diverses durées et conditions accordées aux brevets, aux marques de fabrique et de commerce, aux modèles et dessins de fabrique et aux noms commerciaux, tendent à démontrer que le législateur, tout en partant du droit de propriété, peut s'inspirer des conditions sociales d'élaboration et d'utilisation de l'œuvre pour modifier les conditions d'exploitation.

Le propriétaire d'une marque peut en rester indéfiniment possesseur exclusif, à la condition de renouveler tous les quinze ans sa demande en maintien de son droit, et il est évident qu'il sert ainsi tout à la fois ses intérêts et ceux de la société.

Le nom commercial reste privilégié tant qu'il est en usage, et chacun comprend que c'est justice.

Pour les modèles et dessins de fabrique, il est nécessaire de modifier les conditions qui, aujourd'hui, permettent un droit perpétuel sans aucune utilité, en adoptant, par exemple, les mêmes conditions qui sont déjà accordées aux marques de fabrique et de commerce, c'est-à-dire un droit perpétuellement renouvelable par périodes déterminées d'avance, ou bien en acceptant le projet de M. Bozérian, avec certaines modifi

cations.

Nous pouvons donc conclure que l'inventeur possède un droit de propriété sui generis, comme celui des auteurs de modèles et dessins de fabrique, mais que cette propriété ne peut être perpétuelle, parce qu'elle est subordonnée à d'autres condititions en raison de l'intérêt social qui doit prendre possession de l'invention au bout d'un certain temps déterminé d'avance, afin qu'elle serve à son tour d'échelon, permettant à d'autres inventeurs de s'élever de plus en plus dans la voie du progrès.

I bis. DE LA LÉGITIMITÉ et de l'utilitÉ DES BREVETS D'INVENTION.

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On a souvent discuté sur ce point et proposé, soit des récompenses nationales, soit des redevances payables à l'inventeur par les exploitants de son invention; nous ne croyons pas nécessaire de réfuter longuement ces deux systèmes qui, partout et à toute époque, ont été repoussés justement; sous prétexte de liberté sociale, ces systèmes ont pour premier effet d'entraver le libre développement de l'inventeur et, par suite, d'entraver les progrès de la société.

Ces systèmes sont d'ailleurs impraticables, car il faut attendre pour récompenser l'inventeur que son œuvre ait réussi, et c'est sur cette espérance vague qu'on espère, à tort, voir les inventeurs se livrer à des dépenses considérables de temps et d'argent, lorsqu'ils peuvent craindre que, le succès une fois obtenu, la faveur et l'intrigue ne viennent encore leur enlever le fruit de leur travail, en favorisant un concurrent plus habile ou mieux placé pour réussir.

Ce régime ne pourrait convenir qu'aux inventeurs riches, et d'habitude ce sont les ouvriers et les travailleurs pauvres qui cherchent et qui trouvent.

Quant aux redevances, il faudrait les faire fixer par des hommes compétents; mais sur quelles bases, à quel moment, de quelle manière? Il y a là des difficultés insurmontables.

En Allemagne, on a cherché le moyen de combiner les brevets avec des redevances résultant de licences obligatoires, ce qui est une solution différente que nous étudierons en son lieu.

Le moyen pratique de rémunérer l'inventeur, système appliqué par tous et toujours.

c'est le monopole exclusif et temporaire, connu sous le nom de brevet ou patente d'in

vention.

Les brevets d'invention sont-ils utiles et légitimes? C'est ce que nous avons étudié dans divers articles et brochures; mais, après les remarquables décisions du Congrès de de Vienne sur ce point, il nous semble inutile d'insister sur cette question, qui ne sera probablement pas soulevée dans le Congrès actuel.

II. DE LA DURÉE ET DE LA PROLONGATION DES BREVETS.

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Elle varie entre trois et vingt années.

La Suède accorde des brevets de trois à quinze ans.

La Russie, des brevets de trois à dix ans.

L'Angleterre, de quatorze ans.

La France, l'Italie, l'Autriche, l'Allemagne, le Portugal, le Danemark, accordent quinze années.

Les États-Unis, dix-sept ans.

La Belgique, vingt ans, et l'Espagne, vingt ans.

En tenant compte des difficultés de la mise en pratique, il semblerait juste d'étendre la durée des brevets à dix-sept années, comme ont déjà fait les États-Unis.

La prolongation des brevets est pratiquée en Angleterre, où la durée ordinaire n'est que de quatorze ans; elle a donné de bons résultats et se trouve légitimée dans bien des cas où l'inventeur, ayant rendu de grands services à l'industrie, n'a pas eu le temps de recueillir une rémunération suffisante de ses travaux.

La France entoure de trop de difficultés les prolongations qu'elle accorde et dont on ne peut citer que deux exemples; il conviendrait de simplifier la procédure à suivre, tout en maintenant de sérieuses garanties.

Mais le véritable moyen de ne pas être obligé de recourir à la prolongation, c'est de faire comme les États-Unis, qui autrefois pratiquaient ce système et qui y ont renoncé lorsqu'ils ont porté la durée des brevets de quatorze à dix-sept années.

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Ces deux questions nous paraissent intimement liées l'une à l'autre, ainsi que nous allons le démontrer.

L'examen des demandes de brevets, pour décider, préalablement à leur accord, si l'objet de ces demandes est utile ou nouveau, constitue une entrave regrettable à la liberté d'action nécessaire au progrès et ne trouve son explication que dans les idées d'autorité absolue qui régnaient autrefois; ce système d'examen préalable est contraire à l'idée admise aujourd'hui, que les inventions constituent une propriété sui generis. Nous repoussons cet examen de toutes nos forces.

Ce sont les États-Unis cependant qui ont les premiers adopté ce système et qui le pratiquent encore aujourd'hui.

Mais, pour expliquer cette anomalie, il faut se reporter à la date de la première loi des Etats-Unis, et se rappeler la puissance de la tradition sur tous les peuples d'origine anglo-saxonne; il faut en outre apprécier avec quelle tolérance pratique les commissaires des patentes font l'application de cet examen préalable.

Il faut enfin se rendre compte de ce fait important que, la taxe étant unique et payée au début de la patente une fois pour toutes, l'examen préalable restait le seul moyen qui put permettre d'éviter la trop grande multiplicité de privilèges inutiles ou inopportuns, sans valeur pour la société et sans utilité pour leurs possesseurs.

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