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de leur race. Pendant vingt ans, Annibal lutta à la fois contre Rome et contre la for

tune de Carthage.

Les Romains ne s'y trompèrent pas. Carthage vaincue, ils voulurent la vie d'Annibal. Carthage n'était que Carthage, Annibal était l'homme qui avait fait trembler Rome.

(Applaudissements répétés.)

La séance est levée à cinq heures.

SÉANCE DU SAMEDI 7 SEPTEMBRE 1878.

PRÉSIDENCE DE M. AD. JOANNE,

PRÉSIDENT DU CLUB ALPIN FRANÇAIS.

SOMMAIRE.

LA JEUNESSE.

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Discussion sur l'ORGANISATION DES OBSERVATOIRES DE MONTAGNES MM. Tarry, le colonel Gouher. Discours de M. F. Schrader sur l'UTILITÉ DE L'ALPINISME POUR L'INSTRUCTION DE Discussion des questions mises à l'ordre du jour. - Première, deuxième et troisième questions: DES CONGRÈS INTERNATIONAUX DES CLUBS ALPINS. Réponses des Sections de province. Discussion: MM. C. Isaïa, délégué du Club Alpin Italien; Budden, président de la Section de Florence; Joanne; Freundler, président du Club Alpin Suisse; Talbert, viceprésident du Club Alpin Français. Quatrième question: DE L'AMÉLIORATION DES AUBERGES DESTINÉES AUX CLUBS ALPINS. Réponses des Sections. Discussion: MM. Talbert; Ad. Joanne; Budden; Isaïa; Hamilton; Defey, président de la Section d'Aoste; Binet-Hentsch, vice-président du Club Alpin Suisse; Schrader; Martin-Franklin. Cinquième question : DES CARAVANES SCOLAIRES. Réponses des Sections. Observations et discours de MM. le Président, Talbert et Ch. Durier. Dernière question: DE L'ORGANISATION DE COMPAGNIES DE GUIDES. Réponses des Sections. Discussion: MM. Budden, le Président, le marquis de Turenne, Freundler. Clôture du Congrès.

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A l'ouverture de la deuxième séance, M. Adolphe Joanne, président, donne la parole à M. Harold Tarry, membre de la Section de Paris, qui désire faire une communication.

M. H. TARRY, qui ne partage pas entièrement l'opinion de M. le colonel Goulier sur l'organisation, trop centralisée selon lui, des Observatoires de montagnes, propose l'établissement d'un observatoire exceptionnel sur le sommet du mont Blanc. Ce qui paraissait impossible il y a un mois est, dit-il, devenu possible depuis quinze jours. » En effet, d'après une communication faite à l'une des séances de la Société pour l'avancement des sciences, un appareil météorologique enregistrateur a été établi au sommet de la tour de la cathédrale d'Utrecht, d'où les observations parviennent, au moyen d'une communication électrique, dans le cabinet de M. Buys-Ballot, directeur de l'Institut météorologique de cette ville. Le modèle de cet appareil figure à l'Exposition universelle. L'instrument complet ne coûte que 4,000 francs et M. Tarry demande qu'une souscription soit ouverte par tous les Clubs Alpins pour l'acquisition d'un météorographe universel communiquant du sommet du mont Blanc à la vallée de Chamonix.

Avant de donner la parole à M. le colonel Goulier, qui l'a demandée, M. LE PRÉSIDENT fait remarquer que l'établissement d'un fil télégraphique du sommet

du mont Blanc à Chamonix, ou dans telle autre partie de la vallée, serait non seulement très coûteux, mais, dans l'état actuel de la science, complètement impossible; que, du reste, il serait sage d'attendre que de nouvelles expériences aient constaté l'utilité pratique de cette ingénieuse invention.

M. le colonel GOULIER répond à M. Harold Tarry: il divise sa réponse en deux parties, la partie théorique et la partie pratique. Pour cette dernière, il se demande d'abord si l'on peut établir une communication électrique permanente entre le sommet et la base du mont Blanc. Cette montagne est entièrement couverte de glaciers en mouvement, elle reçoit des assauts du vent et des tourmentes de neige; comment le fil pourrait-il résister à ces causes de rupture? Et, de plus, où mettrait-on les instruments? Sur la cime même? Ils seraient enlevés. En avant ou en arrière? Ils donneraient les indications les plus fantaisistes. Telle chute de neige ne serait pas enregistrée parce que le vent emporterait toute la neige par delà le sommet, telle autre serait enregistrée avec exagération par le motif inverse.

Ce n'est pas à dire qu'il n'y ait rien à faire, seulement les voies et moyens ne sont pas encore trouvés; le problème est complexe, la solution en est difficile. Mais d'ores et déjà on peut affirmer que cette solution exige de l'unité dans les efforts, dans les observations. Ceci est le côté théorique. On ne fait rien en divisant une armée par petits paquets; nous sommes payés pour le savoir. Dans la science comme dans la guerre, il faut que les efforts se réunissent, se groupent autour d'un centre; tel ou tel travailleur eût-il la conviction qu'il est plus capable que le chef suprême, peu importe; il lui faut obéir, se mettre dans les rangs, agir suivant le plan général; à ce prix seulement on fera de la besogne utile. Et cela est nécessaire non seulement pour la météorologie française, mais surtout pour la météorologie des montagnes, qui devra grouper en un seul faisceau les observations de l'Europe tout entière.

Ne faisons done point bande à part, ajoute M. le colonel Goulier, rallions-nous à l'organisation générale de la météorologie de France. En attendant, que chacun fasse librement ses propres observations; qu'il les fasse telles qu'il les comprendra; qu'il en fasse le plus possible; de ces observations décousues, en les recousant, on pourra tirer des conclusions utiles, comme Maury a tiré le principe de ses lois nautiques d'observations sans lien général. Mais cela ne suffit pas : le travail modeste, discipliné, destiné à faire partie d'un ensemble, est le plus réellement utile; dans une armée, chacun peut faire des actions d'éclat, mais ce n'est pas par là surtout, c'est par la discipline et par l'effort commun qu'on arrive à vaincre.

M. H. TARRY demande la parole pour répondre aux observations critiques de M. le colonel Goulier; mais M. LE PRÉSIDENT la lui refuse, parce que cette discussion, n'ayant pas été indiquée dans l'ordre du jour, ne peut recevoir une solution pratique, et parce que le Congrès a un ordre du jour déjà trop chargé M. le Président donne alors la parole à M. Franz Schrader, membre de la Direction centrale, qui n'a pas pu, la veille, vu la longueur de la séance, traiter le sujet qu'indiquait le programme: De l'utilité de l'Alpinisme pour

l'instruction de la jeunesse.

M. SCHRADER s'excuse de prendre la parole pour répéter ce que M. Ad. Joanne

a déjà dit hier, à savoir que le Club Alpin veut enseigner à la jeunesse, non seulement à marcher et à grimper, mais surtout à travailler en marchant et en grimpant. Mais M. le Président insiste pour qu'il développe cette idée; il va donc le faire très brièvement:

Le sport alpin est certainement, dit-il ensuite, un but grand et noble. Un homme qui, comme M. Boileau de Castelnau, vient de vaincre la Meije, rapporte assurément à sa patrie un corps plus endurci et une âme plus fortement trempée. Nous avons tous éprouvé un jour ou l'autre cette augmentation de vigueur physique et de force morale; cela seul suflirait à faire des Clubs Alpins une institution utile. Mais la Direction centrale du Club Français se préoccupe de plus en plus de joindre à ce but déjà si noble un autre but encore plus élevé: elle veut au travail physique et au travail moral joindre le travail intellectuel, et voici pourquoi.

Les grandes cimes vierges deviennent rares et bientôt on n'en trouvera plus. Déjà les grimpeurs de pics invaincus sont forcés de se rejeter sur des points de valeur secondaire, sur de simples pitons, sur les dents de scie qui hérissent les grandes crêtes; ce ne sont plus là des pics, mais de simples fragments de pics, et la valeur des ascensions nouvelles va décroissant de jour en jour. Bientôt, faute d'aliment, cette passion s'affaiblirait ou s'éteindrait, et l'Alpinisme deviendrait banal s'il marchait sans cesse dans des voies déjà frayées. Eh bien! il y a moyen de lui conserver sans cesse le charme de la nouveauté, l'attrait de la découverte.

Par l'art, d'abord. La neige n'est pas moins blanche ni les montagnes moins fières pour celui qui arrive second sur une cime que pour celui qui y est monté le premier.

Par la science, ensuite. Ici, un champ infini s'ouvre devant nous; même dans les régions les plus connues, combien de découvertes à faire si l'on veut y apporter quelque attention! Le torrent, le glacier, les bords du lac, les cônes d'éboulis, sont loin d'avoir livré tous leurs secrets. On est même étonné de voir le peu que nous savons sur certains points de la géographie des montagnes et les hérésies qui peuvent encore avoir cours. C'est que la science des montagnes nait à peine; c'est qu'il faut la puiser non seulement dans les livres, mais surtout dans la nature, car les livres nous font connaitre ce qu'on a trouvé avant nous, tandis que la nature nous livre des secrets nouveaux chaque fois que, après nous être sérieusement préparés et instruits, nous savons la regarder et l'interpréter. Ici je demande à éclaircir ma pensée. La Direction centrale a fait appel aux jeunes gens pour les pousser dans la voie des études géographiques. Ils ont répondu; F'Annuaire de 1877 contient une longue liste des mesures barométriques prises par nos collègues et calculées par le capitaine Prudent. C'est parfait! Mais, à côté de cela, certains de nos jeunes collègues ont cru faire acte de géographes en critiquant les travaux déjà faits, en épluchant sans études préalables et sans instruments sullisants les cartes les plus compliquées, en leur reprochant parfois des défauts réels, mais bien plus souvent des vétilles ou des puérilités. Sur tel glacier on n'avait marqué que deux affleurements de rochers, et le voyageur en avait vu trois; c'était une grossière erreur! Nous avons reçu des observations encore moins sérieuses, tendant à créer des erreurs où il n'y en avait pas; et ici je ne juge personne, puisque, dans ma première ardeur de géographe, il y a dix ans, j'ai corrigé par deux fois une faute de l'Etat-major, près de Gavarnie, sauf à m'apercevoir à la troisième excursion que c'était moi qui l'avais faite.

Si nous entrions dans cette voie de critiques à outrance, nous perdrions notre temps. Constatons les erreurs évidentes, il y en a, mais songeons que ceux que nous critiquons avaient les moyens de mieux voir que la plupart d'entre nous. Soyons donc très réservés, et cherchons plutôt à travailler nous-mêmes. Comment? Par quels moyens? C'est bien simple: en ayant des yeux pour voir et du bon sens pour comprendre. Le livre de la nature est tout grand ouvert devant nous; apprenons à y lire. Sans doute, cela ne vient

pas en un jour; dans les premiers temps, on se trompe, on voit ce qui n'est pas et on ne voit pas ce qui est: patience; petit à petit l'esprit s'éclaircit, le sens critique naît, on a appris à voir.

Deux observations en finissant:

D'abord, que nos jeunes collègues mettent tout amour-propre de côté et ne songent qu'à la science, car nous aurons peut-être à rectifier ou à écarter des observations insuffisantes, et il faut que cela soit accepté à l'avance. Mais qu'ils nous envoient ce qu'ils auront fait. Ont-ils mesuré cent cotes au baromètre? qu'ils les envoient. N'en ontils mesuré qu'une? qu'ils en envoient une. Ce sera toujours bien, si le travail a été fait sérieusement, sans préoccupation personnelle, sans l'arrière-pensée de faire des découvertes à tout prix.

Ensuite, et ceci s'adresse à nous tous, il nous faut faire une propagande ardente en faveur des études directes au sein de la nature. Nous voulons des hommes de génie? Les livres les prépareront, et cette préparation est indispensable, mais c'est la nature qui les fera en se révélant à eux. On a dit que le génie est une longue patience; c'est plutôt, me semble-t-il, une longue attention, et une attention passionnée. Nous avons la passion, tous tant que nous sommes tâchons d'acquérir cet esprit d'attention grâce auquel Papin a observé le couvercle de sa bouilloire et Newton la pomme qui tombait de l'arbre. Alors peut-être un caillou détaché de la montagne nous révélera les lois qui ont soulevé les Alpes. (Applaudissements répétés.)

La question suivante est la première à l'ordre du jour :

Convient-il de limiter le nombre des Congrès internationaux des Clubs Alpins, et comment?

Cette question, soumise aux Sections de province, a provoqué des réponses'") semblables quant au fond et à peine différentes par quelques détails de forme. La réponse de la Section de Lyon les résume toutes:

La Section Lyonnaise désire qu'il n'y ait jamais qu'un seul Congrès international dans la même année. Vu les réunions provinciales auxquelles les étrangers sont toujours invités, un plus grand intervalle serait sans inconvénient. Mais la solution de cette question ne dépend pas du Club Alpin Français seulement; il est nécessaire de faire au plus tôt appel à tous les Clubs étrangers, et, une fois les adhésions connues, d'établir un roulement soit par ordre alphabétique, soit par ordre d'ancienneté.

M. LE PRÉSIDENT ayant donné lecture de cette réponse, la discussion générale

est ouverte.

M. Cesare Isaïs, délégué du Club Alpin Italien, en sa double qualité de président de la Section de Turin et de secrétaire général de la Direction centrale, prend le premier la parole: Les réunions alpines tendent de plus en plus, dit-il, à devenir internationales; c'est naturel, puisque le but des Clubs Alpins est unique, le même pour tous. Mais ces réunions internationales se multiplient; il y en a eu six cette année! Comment peut-on y assister? On y emploierait son été. Puisque tous les Clubs se réunissent, pourquoi ne se réuniraient-ils pas le

Les réponses des Sections de Briançon, Embrun, Barcelonnette, Gap, Grenoble, Lyon et Marseille ont été identiques sur les six questions posées.

La Direction centrale a vivement regretté que plusieurs Sections n'aient pas donné leur avis sur les questions qui leur avaient été soumises.

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