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comme très - avantageux pour l'empereur d'Autriche. Effectivement il le raffermissait sur son trône, en rattachant le vaincu à la fortune du vainqueur. Quant à Napoléon, il consacrait en quelque sorte son intrônisation, en le faisant entrer, malgré l'illégitimité primordiale de son titre, dans la grande famille des souverains qui l'associait ainsi à ses destinées.

Il fut célébré dès le 11 mars à Vienne, et le 13 la nouvelle impératrice partit pour la France. Elle avait, le 10, distribué à plusieurs Français qui devaient former sa suite dans le voyage, l'ordre de Saint-Etienne de Hongrie.

Napoléon alla au-devant d'elle jusqu'au-delà de Compiégue. Le mariage civil se fit le 1er. avril à Saint-Cloud. Il ne précéda que d'un jour le mariage religieux qui fut célébré, le 2, à Paris, dans la grande galerie du Louvre. Des fêtes publiques et particulières suivirent ce brillant hymen, qui est bien certainement un des plus grands actes de la vie politique de l'empereur des Français.

Le principal but dans lequel ce mariage paraissait avoir été fait, ne tarda pas à être atteint : un peu moins d'un an après qu'il eut été conclu, le 20 mars 1811, l'impératrice accoucha d'un enfant mâle qui reçut à sa naissance la qualification de roi de Rome.

Chacun, dans cette occasion, s'empressa de féli`citer l'heureux souverain; ce fut à qui témoignerait

le plus de joie et protesterait de plus de dévoue

ment.

«< SIRE, dit le président du sénat, le sénat vient offrir à votre majesté ses respectueuses félicitations sur le grand événement qui comble nos espérances, et qui assure le bonheur de nos derniers neveux. Nous venons les premiers faire retentir aux pieds du trône, ces transports de ravissement et ces cris d'allégresse que la naissance du roi de Rome fait éclater dans tout l'empire. Vos peuples saluent, par d'unanimes acclamations, ce nouvel astre qui vient de se lever sur l'horizon de la France, et dont le premier rayon dissipe jusqu'aux dernières ombres de l'avenir. La Providence, sire qui a si visiblement conduit vos hautes destinées, en donnant ce premier né de l'empire, veut apprendre au monde qu'il naîtra de vous une race de héros non moins durable que la gloire de votre nom et les institutions de votre génie. »

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« Sénateurs, répondit Napoléon, tout ce que la France me témoigne dans cette circonstance va droit à mon cœur. Les grandes destinées de mon fils s'accompliront: avec l'amour des Français tout lui deviendra facile. »

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Vint ensuite le tour du conseil d'état. Son président dit en son nom :

<< SIRE,

<< Le plus heureux événement vient de combler tous les vœux. Le roi de Rome, élevé sous les yeux

de son auguste mère, formé par les leçons et les exemples du plus grand des capitaines, en perpétuera le génie et les vertus ; et chez nos neveux se perpétueront pour lui les sentimens de respect, d'amour et d'admiration, »>

<< MM. les conseillers d'état, j'ai ardemment désiré ce que la Providence vient de m'accorder. Mon fils vivra pour le bonheur et la gloire de la France vos enfans se dévoueront pour son bonheur et pour sa gloire.» Telle fut la réponse de Napoléon.

:

Rien ne semblait manquer alors à la gloire et à la puissance du héros de la fête. Tous les princes de l'Europe, à l'exception de celui qui gouvernait l'Angleterre, briguaient son amitié et avaient des ambassadeurs à sa cour. Le prince des Asturies, qu'on avait vu un moment sur le trône d'Espagne, déclarait publiquement qu'il tiendrait à grand honneur que l'empereur des Français voulut bien le reconnaître pour son fils adoptif. Un de ses anciens sujets étant venu, au au nom des autres, offrir de l'enlever pour le mettre à leur tête, il fut dénoncé et livré aux autorités françaises.

Quant à l'Angleterre, l'illégitimité du trône impérial de France n'était pas positivement ce qui l'ar mait contre lui : par des négociations entamées et rompues, il était devenu clair que cette puissance ne restait en guerre avec la France, généralement parlant, que parce qu'elle ne pouvait lui faire

,

agréer ses prétentions de différens genres. Elle avait perdu son plus grand ministre, S. W. Pitt, qui, dans la postérité, sera plus célèbre encore par sa haine pour notre nation, que par les tentatives infructueuses qu'il ne cessa de faire pour l'abaisser et l'anéantir; et l'on pouvait espérer que, d'un moment à l'autre, un changement de ministres amènerait un accommodement. Le prince de Galles, que l'état de démence du roi Georges III avait saisi de la régence, s'était toujours personnellement montré porté pour la paix. Napoléon, au reste avait en mains tous les moyens nécessaires pour rendre le gouvernement britannique moins exigeant, en restreignant sa puissance maritime, source de son orgueil et de ses désirs immodérés. Il fallait seulement pour cela, que le chef de la nation française songeât à employer contre lui d'autres armes que celles qu'il avait jusqu'alors employées. Ce fut toujours avec des vaisseaux qu'il appartint à notre pays de faire la guerre à la Grande-Bretagne. Nous sommes riches aussi en souvenirs d'exploits de mer. Nos marins ont vu à leur tête, les Duquesne, les Duguay-Trouin, les Jean-Bart, les Forbin, les Lamotte Piquet, les d'Estaing, les Suffrein, les Vaudreuil, qui ont fait essuyer aux Anglais plus d'un échec glorieux à notre nation. Si, à l'époque où nous sommes arrivés, l'empire français n'avait pas une marine suffisante, il pouvait se la procurer avec du soin et de la patience.

Le roi de Suède, Gustave IV, ardent ennemi de Napoléon, ayant été détrôné par suite d'une guerre déraisonnable qu'il voulait faire à la Russie, le prince qui lui avait succédé, venait, faute de postérité, de désigner lui-même pour son successeur, le prince de Ponte-Corvo, ce général français dont nous avons eu plus d'une fois occasion de parler, en présentant le tableau des exploits de nos braves. On pouvait donc espérer que la France aurait la Suède pour alliée, tant que les vues et les entreprises du cabinet de Paris ne compromettraient pas trop les intérêts des Suédois. Un traité d'alliance contre les Anglais unissait même déjà les deux peuples.

Napoléon aurait bien voulu, pour compléter son triomphe, que l'héritier de Louis XVIeut, au moyen de dédommagemens considérables, reconnu son gouvernement, mais en ce point par exemple il avait échoué. Voici la réponse, pleine de modération et de grandeur, que S. M. Louis XVIII avait faite par écrit, le 26 février 1803, à l'envoyé du premier consul qui lui avait proposé d'abdiquer, sous certaines conditions, ses droits à la couronne : « Je ne confonds pas M. Bonaparte avec ceux qui l'ont précédé. J'estime sa valeur, ses talens militaires. Je lui sais gré de plusieurs actes d'administration; car le bien qu'on fera à mon peuple me sera toujours cher. Mais il se trompe, s'il croit m'engager à transiger sur mes droits, Loin de là,

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