Page images
PDF
EPUB

héroïquement fidèle pendant des siècles à la religion, qui a fait sa gloire et l'a couvert de ses bienfaits, se livrer stupidement à des impies, adversaires aussi résolus de sa véritable gloire et de sa prospérité à venir que persécuteurs acharnés de la religion chrétienne; et le spectacle non moins étrange de ces catholiques, se disant en majorité dans leur pays et finissant cependant par y être traités en étrangers et en parias. Parmi les motifs à invoquer pour expliquer ce phénomène, il ne faudra pas oublier l'« absurde dédain pour la politique » dédain assez extraordinaire dans un pays de suffrage, et sujet à des révolutions perpétuelles, dédain non seulement absurde, mais même coupable puisque c'est à cause de lui surtout que les catholiques ont mérité le reproche « d'avoir déserté le devoir politique. D

Une situation comme celle où nous nous trouvons ne peut pas être l'œuvre d'un jour et il faut que depuis longtemps les catholiques aient déserté le devoir politique pour en être arrivés au degré d'impuissance que nous constatons aujourd'hui. L'absurde dédain leur a été prêché en effet depuis 1830, et nous avons entendu cette théorie étrange que les catholiques devaient à ce titre professer l'indifférentisme politique. On s'appuyait pour cela sur l'exemple de l'Eglise qui accepte, disait-on, toutes les formes de gouvernement. Mais dans l'Eglise, comme dans toute société organisée, il faut distinguer le gouvernement et les membres. Sans doute, dans tout état ayant un fonctionnement régulier, l'autorité ecclésiastique, en tant qu'autorité, sera nécessairement constitutionnelle, c'està-dire respectueuse des pouvoirs établis; mais les catholiques gardent à ce point de vue toute leur liberté individuelle. On ne saurait admettre que les catholiques, dans un pays en révolution, restent systématiquement indifférents aux luttes constitutionnelles engagées par leurs adversaires, laissant aux malfaiteurs politiques le soin de régler la forme du gouvernement, et ne se réservant pour eux-mêmes que le rôle de quémandeurs ou d'opposants.

Ce serait le cas on jamais de parler d'absurde dédain. C'est cependant ce qui a été pendant longtemps le cas d'un trop grand nombre, qui ne se sont pas rendu compte que leur devoir de citoyen était d'assurer à leur pays le gouvernement le plus apte à sauvegarder ses intérêts et à assurer sa grandeur à venir. Ils ont cru n'avoir pas déserté le devoir politique en abandonnant toute doctrine politique, laissant ainsi le champ libre aux fantaisies des révolutionnaires. Ces derniers ne sont pas tombés dans une pareille erreur. Et les événements. cela va sans dire, sont venus montrer la supériorité de ceux qui ont des idées sur ceux qui n'en ont pas. Mais, pour se rendre compte de cette vérité élémentaire, était-il donc nécessaire de faire la triste expérience que nous subissons!

Mgr Delamaire compte sur le clergé pour réveiller la conscience endormie des électeurs catholiques et obtenir d'eux « qu'ils considèrent la démarche du vote municipal ou politique comme un devoir de religion', et comme l'un des plus graves de ceux qui pèsent sur leur conscience de chrétien. « Le clergé ne saurait se soustraire à ce devoir impérieux, il est vrai, mais difficile à cause du tact et de la prudence dont il ne devra jamais se départir en remplissant une pareille mission. Aussi voudra-t-il, sans doute, s'inspirer toujours de ce principe posé par Mgr Delamaire lui-même : «toutes les fois que le prêtre restant dans son rôle traditionnel, se contentera de poser solidement les principes et qu'il laissera à ses fidèles le soin de tirer eux-mêmes les conclusions1, il sera toujours écouté et souvent suivi. » Si de pareils conseils sont enfin mis en pratique, nous n'aurons plus la douleur de voir au Palais-Bourbon des gens au sujet desquels Mgr Delamaire peut écrire qu'ils siè– gent « à la honte, il faut bien le dire, de malheureux prétres aveuglés par de maudites amitiés sur la valeur morale de tel ou lel député1 qu'ils ont soutenu au moment de son élection. >> Et qui donc empêcherait le prêtre, sans faire de la politique en chaire, de démontrer dans des conversations privées « que la France, devenue dans le monde comme un foyer de pestilence par ses faiblesses coupables à l'égard des violents du collectivisme et de l'anarchie, se trouve être, ou au moins sera demain, la grande gêneuse que ses voisins, amis de la paix intérieure, redouteront et voudraient voir supprimée. Il pourra même, et très justement, faire remarquer que les mêmes hommes qui, par une sorte d'aberration criminelle, s'emploient à faire craindre l'influence malsaine de notre pays, ne cessent d'affaiblir sa puissance militaire, comme si, au fond (ce qui n'est pas, nous voulons le croire), leur secret dessein était de le livrer sans défense à ses pires ennemis. » Le jour où les électeurs seraient bien convaincus de tout ceci, la Révolution et la Déclaration des droits de l'Homme, qui ont tant contribué à faire de la France « comme un foyer de pestilence » perdront dans l'esprit de l'électeur un peu de ce que pourront y gagner la réalité et le bon sens. Les élections en deviendront sans doute meilleures. Ajoutons que le clergé sera d'autant mieux écouté que ses membres seront plus éloignés de tout soupçon d'ambition, et que ceux d'entre eux qui se verraient imposer l'obligation d'entrer dans ce Palais-Bourbon, où Mgr Freppel, a tracé un sillon si lumineux n'oublieront jamais qu'ils sont prêtres et qu'en devenant députés ils ne cessent pas un seul instant d'être ministres de la religion.

Ce ne sont pas seulement les prêtres que Mgr Delamaire invite à prendre part à cette croisade pour le salut de la France,

Mots soulignés par l'auteur.

ce sont tous les chrétiens, sans exception, et il veut qu'ils « se considèrent comme des apôtres du patriotisme chrétien auxquels le Christ a donné un mandat de salut, et qu'ils ne tolèrent pas un seul jour, dans leur vie où ils cessent de tendre à influencer, dans le sens d'une politique chrétienne, ceux qui les approchent. Il faut que cet effort s'esquisse immédiatement et qu'il aboutisse à d'innombrables campagnes de presse, de conférences, de conversations entraînantes. » Une pensée analogue était exprimée, il y a un an, par l'un de ceux auxquels notre gouvernement, fils de 89, avait voulu fermer la bouche, au nom des droits de l'homme et de la liberté de penser. « Mon cher ami, écrivait l'abbé Coubé... je ne cesse de répéter depuis longtemps que, humainement parlant, deux moyens seulement peuvent rendre aux catholiques l'influence et la prépondérance qu'ils devraient avoir pour le bien de leur pays : ils doivent éclairer l'opinion et la changer par la presse et la conférence. Non certes que je regarde les autres œuvres comme inutiles; mais elles ne sont guère utiles que dans la mesure où elles emploient ces deux moyens, où elles entrent en contact avec le peuple par la parole ou la lecture.

<< On dit parfois qu'il ne faut pas tant de discours et plus d'actes. C'est un non sens. Parler, c'est agir, aujourd'hui plus que jamais. Les socialistes sont arrivés au pouvoir à peu près exclusivement par leurs journaux incendiaires et leurs palabres révolutionnaires. Qui oserait dire que les phrases sonores de Jaurès ne sont qu'une cymbale retentissante? Imitons nos ennemis. Fas est !... >>

Parviendra-t-on à tirer les catholiques de cette torpeur absurde au sujet de laquelle Mgr Delamaire écrit avec une si juste ironie: « Je sais bien que nombre de catholiques ont le plus vif désir qu'on les laisse tranquillement dormir, comme par le passé, qu'ils ont à leur usage toutes sortes de formules, piétistes, sceptiques ou politiques, parfois même ironiques (simples raisons de paresseux, au fond), pour se persuader qu'il n'y a qu'à laisser les événements se développer, pour que tout s'arrange à la longue. » Les exhortations épiscopales de Mgr Delamaire s'ajoutant à l'éloquence des événements, parviendront-elles à convaincre ces optimistes béatement ou lâchement obstinés qui, pour se soustraire à l'effort nécessaire, se refusent à croire que selon une parole célèbre « on ne revient pas à la vérité en changeant d'erreur et tâchent de se persuader que les honnêtes gens, pour vivre en paix, n'ont qu'à laisser les malfaiteurs s'arracher le pouvoir de les gouverner et de les persécuter.

Si beaucoup de gens sont assez naïfs pour croire « que tous'arrange à la longue », il en est d'autres qui, pour s'épargner l'ennui de la lutte, s'en vont répétant que l'Eglise est immortelle, et qu'aujourd'hui on trouverait encore des martyrs. Ces

optimistes d'un autre genre commettent la faute impardonnable d'oublier que la France n'a pas reçu, comme l'Eglise, des promesses d'immortalité; ils feraient bien de méditer ces paroles de Mgr Delamaire: « Il ne faut pas surtout que nos adversaires s'imaginent que nous, catholiques français du XXe siècle, nous soupirons après le martyre des siècles de Néron, de Robespierre ou de Ta-Dac. » Certains catholiques qui se préparent au martyre en laissant crouler, sans trop s'en émouvoir, toutes les institutions de la France chrétienne, ne se rendent-ils donc pas compte qu'avant de songer à conquérir pour eux-mêmes la palme du martyre, ils ont le devoir strict de ne rien négliger pour éviter aux pusillanimes les périls de la persécution, et à leur patrie la honte d'être gouvernée, comme au temps de Robespierre, par des émules de Néron ou de Tu-Duc.

Le clergé pourra sans doute beaucoup pour modifier cet état d'esprit; mais dès qu'il en arrivera aux questions strictement politiques, il usera d'une réserve très grande et d'ane discrétion absolue, en raison même de son influence, de son autorité, et de ce qu'une fausse démarche de sa part risquerait de compromettre. Quels moyens recommandera-t-il? « Le moyen, dit Mgr Delamaire, c'est d'abord la prière, le recours à Dieu je le sais, et des multitudes de fidèles l'ont mis en œuvre depuis longtemps déjà; mais la prière ne nous porte pas malgré nous, ne nous contraint pas de marcher; elle nous donne seulement la force d'aller de l'avant, de monter à l'assaut et de nous battre.» « Prier comme si nous attendions tout de Dieu, et lutter comme si nous n'attendions rien que de nous-mêmes >>, telle devrait être la ligne de conduite des catholiques. Terminons en souhaitant que la brochure de Mgr Delamaire les y décide. Le courageux Evêque ne dit rien qui sorte du terrain constitutionnel,'ne prêche aucune action qui soit en dehors de ce terrain. Les catholiques doivent s'y unir, car ils doivent latter pied à pied avec leurs adversaires partout où ils les rencontrent. Mais la brochure de Mgr Dalamaire est si éloquente. sur le devoir politique, que beaucoup finiront par se persuader qu'ils n'auraient pas rempli tout leur devoir politique, s'ils ne savaient pas, le cas échéant « sortir de la légalité pour rentrer dans le droit ».

La

H. L.-B.

laïcisation des hôpitaux, appel à tous les amis des pauvres. Broch. in-8°, 125 pages, chez Oudin, édit. Paris et Poitiers, 1905. — 1 fr. 50.

Le gouvernement républicain, instrument des Loges, accomplit une série sans nombre de destructions antireligieuses. Dans la variété et la multiplicité de ces infamies et de ces iniquités, il est presque impossible de suivre chacune de ces

entreprises maçonniques. L'une distrait l'attention de plusieurs autres, et les malheureux Français sont parfois douloureusement surpris en voyant d'un côté des ruines qu'ils ne soupçonnaient même pas, ayant suivi les destructions accomplies ailleurs.

C'est ainsi que bien des gens ont oublié ou connaissent mal la laïcisation des hôpitaux. On suppose quelquefois qu'il y a là une simple substitution d'infirmiers et infirmières laïques aux Frères et aux Sœurs. On est loin de la vérité. C'est une œuvre abominable dont les résultats sont désastreux, principalement pour les pauvres. On ne soupçonne pas quelles atrocités sont devenues le lot des malades pauvres par le fait de la secte.

Il vient de paraître chez Oudin une brochure qui en révèle toute l'horreur, et qu'il faut lire pour connaître ce côté si odieux des destructions maçonniques. L'auteur garde l'anonyme, mais il est aisé de voir qu'il est très renseigné sur tout ce qui se passe, qu'il a beaucoup vu et beaucoup écrit sur les questions actuelles.

Pour donner une idée de ce travail si complet et si condensé, il faudrait reproduire la table des matières. Ne pouvant le faire, je donne simplement les titres des sept chapitres qui le composent :

But de la laïcisation;

Formation des infirmières congréganistes et des infirmières laïques;

Le prosélytisme religieux et le prosélytisme sectaire;

Les hôpitaux et les œuvres de charité spoliés pour l'asservissement de la France,

Par qui sont remplacées les religieuses hospitalières;

Comment les malades sont soignés dans les hôpitaux laïcisés; Quelques conclusions.

Les lecteurs de la Revue, quand ils auront lu cette brochure, voudront la faire lire. C'est un tableau navrant et qui expose en plein jour l'un des côtés les plus atroces de l'œuvre sectaire, et peut-être le plus ignoré.

A. DESPLAGNES.

Le Problème de l'heure présente antagonisme de deux civilisations, par Henri Delassus, prélat de la maison de Sa Sainteté, directeur de la Semaine Religieuse du diocèse de Cambrai (Société Saint-Augustin, Desclée, de Brouwer et Cie, imprimeurs des Facultés catholiques de Lille, Lille, 40, rue de Metz; 30, rue Saint-Sulpice, Paris, 1904).

La Revue ne saurait laisser passer le livre que vient de publier Mgr Delassus sans en entretenir ses lecteurs. Ce sera, d'abord, un hommage rendu à l'auteur, le salut de frères d'armes qui ont toujours, avec une entière conformité d'idées

« PreviousContinue »