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Enfin, après une longue et savante discussion, la Chambre civile de la Cour de Cassation rendait, à la date du 3 mars 1846, un arrêt qui paraît avoir fixé dès lors, la jurisprudence, et par lequel elle affirme

« Que le serment consiste dans les mots : Je jure, < prononcés en levant la main; que, d'après l'article 121 « C. de pr. civ., le serment doit être prêté par la partie « en personne à l'audience;

« Que cette forme de serment est la seule à laquelle « des Français peuvent être soumis;

« Que les Juifs français doivent maintenant être as« similés à leurs autres concitoyens ;

« Que l'on ne peut, sans violer la loi, leur imposer ⚫ une législation abrogée, des usages qu'ils répudient << et des solennités dont ils méconnaissent l'utilité.

<< Que la véritable garantie contre le parjure réside << dans la conscience de l'homme, et non dans des so<< lennités accessoires qui n'ajoutent aucune force à << l'acte solennel du serment. »

Dès lors, et malgré quelques rares tentatives de résistance, l'assimilation parut, à ce point de vue, être complète entre les Israélites et les autres citoyens français.

La jurisprudence française favorable aux Israélites, a donc abouti à un résultat contraire à celui qui est obtenu par l'ordonnance du Conseil législatif de l'Ile Maurice.

Les motifs invoqués par les Israélites pour n'être plus jamais soumis à un serment qu'ils trouvaient gênant, et qui contribuait à les ranger toujours dans une classe à part au milieu des Français, n'indiquent pas un progrès de l'idée religieuse chez eux. Malheureusement, et même parmi les Français de race, l'indifférence religieuse et les idées de neutralité et de laïcisme font des progrès inquiétants. N'avons-nous pas vu, il n'y a pas très longtemps, l'image du Christ arrachée du pré

toire sans que la révolte des consciences ait chassé de leur siège les ministres responsables, les successeurs de Pilate qui s'abaissaient jusqu'au rôle des valets du grand-prêtre? La sécularisation de la société devient de plus en plus complète; la séparation officielle de l'Eglise et de l'Etat sera la consécration suprême de l'œuvre antireligieuse de la Révolution, et l'affirmation publique de l'athéisme républicain. La suprématie du pouvoir civil, que les ministères les plus modérés n'ont cessé de revendiquer avec emphase et ostentation, va se transformer en persécution ouverte et devenir un élément de schisme. Nous n'en sommes plus au temps de l'unité de la Foi, ni au temps où la Restauration proclamait la Religion catholique, apostolique et romaine Religion de l'Etat; nous n'en sommes même plus au temps où les gouvernements les moins suspects de cléricalisme reconnaissaient officiellement que la Religion catholique est celle de la majorité des Français. L'Eglise de JésusChrist et notre sainte religion vont être des inconnues pour notre gouvernement, et des ennemies pour nos gouvernants. L'image du Crucifié ne sera plus dans nos prétoires pour rappeler à ceux qui cherchent justice, comme ceux qui ont le redoutable pouvoir de rendre ses arrêts, qu'il y a un Juge suprême à qui rien n'échappe, et dont la justice est éternelle.

Les progrès de l'athéisme et de la franc-maçonnerie ne nous empêcheront pas de travailler avec courage à la réalisation du vou exprimé par S. S. Pie X instaurare omnia in Christo, et au relèvement de la France très chrétienne.

Nous travaillerons aussi, autant qu'il sera en nous, au triomphe de la religion catholique dans l'Ile de France, et, en agissant ainsi, nous continuerons l'œuvre de la vieille France. En 1721, le chevalier de Fougères, commandant le vaisseau le Triton, prit possession de l'Ile de France au nom du Roi très chrétien. Il déploya

sur la plage le drapeau blanc fleurdelisé et, à l'ombre de la glorieuse bannière, éleva une croix sur laquelle il grava cette inscription:

Jubet hic Gallia stare Crucem.

L'ordre de la France n'a pas encore été enfreint, et puisque la croix est encore debout là où la France l'avait élevée, Dieu ne permettra pas qu'elle soit arrachée de la vieille terre de France où dorment tant de générations baptisées, et d'où partent encore tant de légions d'apôtres. Il se souviendra de son peuple de prédilection, et après lui avoir rendu l'antique foi de ses aïeux, il permettra que la glorieuse bannière flotte encore là où il voudra que sa Croix soit adorée, et après avoir rendu à la France le trône de gloire où il l'avait élevée, il fera écrire par l'un de ses anges :

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Jubet hic Deus stare Galliam.

Henry LUCIEN-BRUN.

N. B. Laissant à l'autorité ecclésiastique le droit qui lui appartient de décider pratiquement la question posée par M. de Boucherville, je crois que d'une manière générale une distinction s'impose. Si les nonchrétiens dont il s'agit sont des juifs ou des musulmans, c'est-à-dire s'ils se rattachent au monothéisme d'Abraham, le serment ordinaire suffit en ce qui les concerne, le juif ou le musulman ne pouvant pas plus que nous se parjurer devant Dieu. Si au contraire il s'agit de sectateurs des diverses religions d'origine hindoue, tout serment est vain, et l'on est obligé de se contenter d'une simple affirmation, ces religions n'ayant pas la notion précise d'un Dieu personnel, rémunérateur et vengeur; et dès lors le serment sur l'eau du Gange ou la fleur de lotus n'est fondé que sur une conception magique et superstitieuse qu'une bonne législation doit ignorer et surtout qu'elle ne doit ni honorer ni encourager. Jude de KERNAERET, doct. théol.

LE BUDGET DE 1905

Il vient enfin d'être voté le 22 avril (publié dans l'Officiel du 23), c'est-à-dire près de quatre mois après le commencement de l'exercice auquel il s'applique, tandis qu'en bonne règle un budget doit être voté au moins trois mois avant l'exercice, afin de permettre la répartition des crédits entre les services. Mais cette habitude de voter le budget avec plusieurs mois de retard tend à s'implanter parmi nous; on avait considéré comme une heureuse exception le budget de 1904 voté le 31 décembre 1903 - ce qui était trop tard encore, cette année on est rentré pleinement dans l'ornière.

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M. Antonin Dubost, rapporteur au Sénat du budget et qui s'est fait une spécialité de ces questions il en parle avec compétence et avec courage bien qu'il appartienne à la majorité écrivait dans son rapport: « Le projet de budget pour 1905 se présente avec plus de 60 millions d'augmentation sur 1904 et plus de 80 millions de dépenses nouvelles ». Le budget de 1904 était de 3 milliards 565 millions', celui de 1905 arrive à 3 milliards 623 millions, c'est le plus gros budget voté jusqu'ici et encore, M. Antonin Dubost veut bien nous. avertir que ce gros chiffre sera insuffisant pour faire face aux dépenses. « Nous sommes menacés en cours d'exercice de crédits supplémentaires importants. »

C'est, qu'en effet, outre l'imprévu pour lequel on ne porte aucune somme-les particuliers en tiennent compte lorsqu'ils font leur budget, au moins s'ils sont un peu prévoyants, l'Etat, qu'on nous donne comme un modèle, ne prévoit jamais rien outre les imprévus qui

A raison de l'énormité des chiffres, on ne donnera pas les fractions au-dessous du million, on arrondira seulement les sommes.

arrivent chaque année presque forcément, il y a dans nos Parlements une détestable habitude que relève avec raison M. Antonin Dubost, c'est de voter des crédits inférieurs à ceux qu'on sait bien être nécessaires. Pourquoi? Afin de donner au public l'illusion d'une moindre dépense. On met 3.623 millions pour ne pas mettre la somme énorme de 3, 7 ou 800 millions, qui certainement sera nécessaire. M. Dubost constate, en effet, que les six derniers exercices ont donné un excédent de dépenses de plus de 900 millions (l'exercice 1904 n'était pas encore réglé), soit en moyenne plus de 150 millions d'excédents de dépenses par an.

Et cette tromperie à l'adresse du public est calculée, le rapporteur insiste sur ce point: Le gouvernement, lorsqu'il présente chaque année le projet de budget, fait sciemment des évaluations trop faibles des dépenses nécessaires, se réservant de demander en cours d'exercice des crédits supplémentaires lesquels sont toujours votés sans débat et sans, pour ainsi dire, que le public s'en doute.

« Les documents officiels, ajoute M. Antonin Dubost, les projets de loi, les règlements, ne font jamais connaître qu'une partie de la vérité. »

Et il insiste sur le caractère fictif de nos budgets: « Le gouvernement a maintenu dans le budget de 1905 tous les artifices, tous les expédients à l'aide desquels on avait équilibré les budgets précédents. » Ainsi on dépense 100, 200 millions de plus que les recettes, on couvre cela avec des emprunts; non pas avec une émission publique de rente, ce qui serait tout avouer, mais avec des émissions clandestines de bons du trésor qui sont pris sans bruit par des banquiers. Quant au résultat, c'est toujours un accroissement de notre dette déjà excessive; aucun peuple n'en a une qui approche seulement de la nôtre.

Tel est donc le caractère général de notre budget:

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