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comme en Angleterre ; mais la Constitution des États-Unis accorde au jury la connaissance d'un bien plus grand nombre d'affaires. On peut véritablement dire que là le jury est la juridiction de dtoir commun.

Ainsi l'Amérique plus jeune à la civilisation que l'Angleterre et la France, est cependant celui des trois pays qui a donné au jury le plus de force, le plus d'étendue et le plus d'autorité.

EN ALLEMAGNE

En Allemagne le jury correctionnel existe sous le nom de tribunaux d'échevins; le mécanisme en a été exposé par le professeur Bufnoir dans les termes suivants dans un bulletin de la Société de législation comparée:

Les tribunaux d'échevins se composent en partie de magistrats, en partie de personnes étrangères à la magistrature, sorte de jurés siégeant, délibérant et décidant en commun au lieu de statuer sépament, comme le jury actuel, sur certains points déterminés du procès.

Cette institution a pour but, d'une part, d'appeler les simples citoyens à participer, dans la forme qui vient d'être indiquée, à l'administration de la justice criminelle pour les infractions d'un ordre inférieur et de l'ordre moyen (simple police et police correctionnelle), d'autre part de ramener à cette même forme actuelle du jury, la participation des simples citoyens à l'administration de la justice criminelle pour les infractions d'un degré plus élevé, c'est-à-dire pour les crimes proprement dits justiciables de la Cour d'assises.

EN FRANCE

Il fallut la Révolution de 1789 pour rétablir le jury parmi nos institutions judiciaires. C'est encore, comme tant d'excellentes et grandes réformes, à l'Assemblée Constituante que nous sommes redevables de l'institution et de l'établissement régulier du jury en France. Elle l'organisa, mais en ne l'appliquant qu'aux matières du grand criminel.

Prenant exemple sur l'Angleterre, l'Assemblée Constituante créa un jury d'accusation qui fut supprimé lors de la mise en vigueur du Code d'instruction criminelle. Les attributions de ce jury d'accusation étaient données par le Code d'instruction criminelle à une Chambre spéciale créée à cet effet dans le sein de chaque Cour d'appel.

A la Restauration, le jury fut formellement consacré par la Charte de 1814, et il resta dans son organisation tel que l'avait fait le Code d'instruction criminelle. Après 1830, l'institution subit de graves changements. D'abord on appela aux fonctions de jurés un plus grand nombre de citoyens, ceux-là surtout dont la profession garantissait déjà la capacité. Les jurés, autrefois désignés par les préfets, furent tirés au sort à l'audience des cours, d'après des listes générales que l'administration faisait dresser pour chaque année. Auparavant, lorsque le jury ne prononçait une condamnation qu'à une majorité de 7 voix contre 5, la Cour était appelée à délibérer sur le fait. En 1832, le jury fut investi du droit de prononcer d'une manière absolue et, pour remplacer une garantie détruite par une autre, on exigea pour la condamnation la majorité de 8 voix. C'étaient là des améliorations véritables, que le pouvoir regretta bientôt d'avoir concédées. En 1835, on rétablit la simple majorité de 7 voix, mais sans exiger l'adjonction de la Cour. Enfin les procès politiques firent introduire dans les délibérations du jury le scrutin secret.

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Le jury est régi aujourd'hui par les lois des 10 juin 1853 et 21 novembre 1872.

Pour être juré il faut être âgé de 30 ans, avoir la jouissance de ses droits politiques, civils et de famille, savoir lire et écrire en français, n'être ni domestique, ni serviteur à gages.

Certaines personnes, énumérées dans l'article 2 de la Joi du 24 novembre 1872, sont incapables, à raison de leur immoralité, de remplir les fonctions de jurés.

Certaines autres personnes, énumérées dans l'article 2 de la même loi du 21 novembre 1872, sont dispensées, à raison de leurs fonctions, de remplir celle de juré.

On distingue deux listes pour la formation du jury, la liste annuelle et la liste de session.

La première comprend : pour le département de la Seine trois mille jurés; pour les autres départements un juré par cinq cents habitants, sans toutefois que le nombre des jurés puisse être inférieur à quatre cents et supérieur à six

cents.

Le nombre des jurés pour la liste annuelle est réparti par arrondissement et par canton, proportionnellement au tableau officiel de la population. Cette répartition est faite par le préfet sur avis conforme de la commission départementale.

Une commission, composée dans chaque canton du juge de paix, de ses suppléants, des maires de toutes les communes, dresse une liste préparatoire de la liste annuelle. Cette liste doit contenir un nombre de noms double de celui fixé pour le contingent du canton.

Les commissions chargées de dresser les listes préparatoires se réunissent dans la première quinzaine du mois. d'août, au chef-lieu de canton, sur la convocation spéciale du juge de paix.

La liste annuelle est dressée pour chaque arrondissement par une commission composée du président du tribunal, des juges de paix et des conseillers généraux.

La commission se réunit au chef-lieu judiciaire d'arrondissement dans le courant de septembre.

La liste de l'arrondissement est transmise avant le 1er décembre, au greffe de la Cour ou du tribunal chargé de la tenue des assises.

Une liste spéciale des jurés suppléants, pris parmi les jurés de la ville où se tiennent les assises, est aussi formée

chaque année, en dehors de la liste annuelle du jury. Elle comprend trois cents jurés pour Paris, cinquante pour chacun des autres départements.

Cette liste est dressée par la commission de l'arrondissement où se tiennent les assises.

Le premier président de la Cour d'appel, ou le président du tribunal chef-lieu d'assises, dresse, dans la première quinzaine de décembre, la liste annuelle du département par ordre alphabétique, conformément aux listes d'arrondissement. Il dresse également la liste spéciale des jurés.

La liste pour chaque session est formée par le premier président de la Cour d'appel, ou le président du tribunal chef-lieu d'assises.

Dix jours au moins avant l'ouverture des assises, il tire au sort, en audience publique, sur la liste annuelle, les noms des trente-six jurés qui forment la liste de la session. Il tire en outre quatre jurés suppléants sur la liste spéciale.

CHAPITRE PREMIER

AVIS DE MONTESQUIEU, BERTIN, TREILHARD, REGNAULT DE ST-JEAN D'ANGELY, ROYER-COLLARD ET THOURET, SUR L'INSTITUTION DU

JURY.

Presque tous les publicistes et les jurisconsultes qui se sont occupés de l'institution du jury, s'accordent à la reconnaitre comme nécessaire dans un régime constitutionnel et utile comme garantie contre le pouvoir.

La puissance de juger ne doit pas être donnée à un sénat perma nent, mais exercée par des personnes tirées du corps du peuple dans certains temps de l'année, de la manière prescrite par la loi, pour former un tribunal qui ne dure qu'autant que la nécessité le requiert. (MONTESQUIEU, Esprit des lois, livre XI, ch. vi.)

Le jury évite surtout l'établissement d'une corporation d'hommes exclusivement chargés de prononcer sur la vie et l'honneur des citoyens et toujours enclins à une certaine sévérité par l'endurcissement qui naît de l'habitude. Quand on est appelé à faire toute sa vie la même chose, on se prescrit des règles et on les suit étroitement; mais celui qui statue accidentellement n'est gêné par aucun système. Il suit naturellement l'impulsion de sa conscience et n'a qu'elle pour guide.

Tel est le jury et autant sa conviction morale est au-dessus des preuves légales, autant l'institution des jurés en matière criminelle est au-dessus de toute institution que les exclurait. (BERTIN, dans le sein de la commission du Conseil d'État chargée de la rédaction d'un projet de Code criminel.)

Les mêmes arguments furent développés dans le sein de cette commission par Treilhard et Regnault de Saint-Jean d'Angély.

Le jury, dit M. Royer-Collard, remplit dans l'exercice du pouvoir judiciaire la même destination qui est assignée à la Chambre élective

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