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de prospérité et de gloire qu'un Peuple appelé à une des premières places dans le Système Européen pouvait raisonnablement désirer, et ne lui a enlevé que ce qui était pour elle, sous les dehors trompeurs d'un grand éclat National, une source intarissable de souffrances, de ruine, et de misère. Ce Traité était même un bienfait immense pour un Pays réduit par le délire de son Chef, à la situation la plus désastreuse.*

Les Puissances Alliées eussent trahi leurs intérêts et leurs devoirs, si, au prix de tant de modération et de générosité, elles n'avoient pas, en signant ce Traité, obtenu quelque avantage solide; mais le seul qu'elles ambitionnaient était la paix de l'Europe et le bonheur de la France. Jamais, en traitant avec Bonaparte, elles n'eussent consenti aux conditions qu'elles accordèrent à un Gouvernement, lequel, "en offrant à l'Europe un gage de sécurité et de stabilité," les dispensait d'exiger dela France" les garanties qu'elles lui avaient demandées sous son dernier Gouvernement."† Cette clause est inséparable du Traité de Paris; l'abolir, c'est rompre ce Traité. Le consentement formel de la Nation Française au retour de Bonaparte sur le Trône, équivaudrait à une Déclaration de Guerre contre l'Europe; car l'état de paix n'a subsisté entre l'Europe et la France, que par le Traité de Paris, et le Traité de Paris est incompatible avec le pouvoir de Bonaparte.

Si ce raisonnement avoit encore besoin d'un appui, il le trouverait dans l'offre même de Bonaparte de ratifier le Traité de Paris. Ce Traité avait été scrupuleusement observé et exécuté; les transactions du Congrès de Vienne n'en étaient que les supplémens et les développemens; et sans le nouvel attentat de Bonaparte, il eût été pour une longue suite d'années, une des bases du Droit Public de l'Europe. Mais cet ordre de choses a fait place à une nouvelle révolution; et les Agens de cette révolution, tout en proclamant sans cesse, “qu'il n'y a rien de changé,"‡ conçoivent et sentent eux-mêmes que tout est changé autour d'eux. Il ne s'agit plus aujourd'hui de maintenir le Traité de Paris; il s'agirait de le refaire. Les Puissances se trouvent rétablies envers la France dans la même position dans laquelle elles étaient le 31 Mars, 1814. Ce n'est pas pour prévenir la Guerre,-car la France l'a rallumée de fait,-c'est pour la terminer que l'on offre aujourd'hui à l'Europe un état de choses essentiellement différent de celui sur lequel la Paix fut établie en 1814. La question a donc

"L'Empereur, convaincu de la position critique où il a placé la France, et de l'impossibilité où il se trouve de la sauver lui-même, a paru se résigner et consentir à l'Abdication entière et sans aucune restriction."--Lettre du Maréchal Ney au Prince de Bénévent, en date de Fontainebleau, 5 Avril, 1814.

+ Préambule du Traité de Paris du 30 Mai, 1814.

‡ C'est l'idée qui reparoit perpétuellement dans le Rapport du Conseil-d'Etat de Bonaparte, du 2 Avril, 1815.

cessé d'être une question de droit; elle n'est plus qu'une question de calcul politique et de prévoyance, dans laquelle les Puissances n'ont à consulter que les intérêts réels de leurs Peuples, et l'intérêt commun de l'Europe.

La Commission croit pouvoir se dispenser d'entrer ici dans un exposé des considérations qui, sous ce dernier rapport, ont dirigé les mesures des Cabinets. Il suffira de rappeler, que l'homme, qui, en offrant aujourd'hui de sanctionner le Traité de Paris, prétend substituer sa garantie à celle d'un Souverain, dont la loyauté était sans tâche, et la bienveillance sans mesure, est le même qui, pendant 15 ans, a ravagé et bouleversé la terre, pour trouver de quoi satisfaire son ambition, qui a sacrifié des millions de victimes et le bonheur d'une génération entière à un système de conquêtes, que des trêves, peu dignes du nom de paix, n'ont rendu que plus accablant et plus odieux :* qui après avoir par des entreprises insensées, fatigué la fortune, armé toute l'Europe contre lui, et épuisé tous les moyens de la France, a été forcé d'abandonner ses projets, et à abdiquer le pouvoir pour sauver quelques débris de son existence ; qui, dans un moment où les Nations de l'Europe se livraient à l'espoir d'une tranquillité durable, a médité de nouvelles catastrophes, et par une double perfidie envers les Puissances qui l'avaient trop généreusement épargné, et envers un Gouvernement qu'il ne pouvait atteindre que par les plus noires trahisons, a usurpé un Trône, auquel il avoit renoncé, et qu'il n'avait jamais occupé que pour le malheur de la France et du Monde. Cet homme n'a d'autre garantie à proposer à l'Europe que sa parole. Après la cruelle expérience de 15 années, qui aurait le courage d'accepter cette garantie? Et si la Nation Française a réellement embrassé sa cause, qui respecterait davantage la caution qu'elle pourrait offrir?

La paix avec un Gouvernement, placé entre de telles maius, et composé de tels élémens, ne serait qu'un état perpétuel d'incertitude, d'anxiété et de danger. Aucune Puissance ne pouvant effectivement désarmer, les Peuples ne jouiraient d'aucun des avantages d'une véritable pacification; ils seraient écrasés de charges de tout espèce; la confiance ne pouvant se rétablir nulle part, l'industrie et le commerce

* La Commission croit devoir ajouter ici l'observation importante, que la plus grande partie des envahissemens et des réunions forcées, dont Bonaparte a successivement formé, ce qu'il appelait le Grand Empire, a eu lieu pendant ces perfides intervalles de paix, plus funestes à l'Europe que les Guerres mêmes dont elle fut tourmentée. C'est ainsi qu'il s'empara du Piémont, de Parme, de Gênes, de Lucques, des Etats de Rome, de la Hollande, des Pays composant la 32ème Division Militaire. Ce fut aussi dans une époque de paix (au moins avec tout le Continent) qu'il porta ses premiers coups contre le Portugal et l'Espagne, et il crut avoir achevé la conquête de ces Pays par la ruse et par l'audace, lorsque le patriotisme et l'énergie des Peuples de la Péninsule l'entraînèrent dans une Guerre sanglante, commencement de sa chûte, et du salut de l'Europe.

languiraient par tout; rien ne serait stable dans les relations politiques; un sombre mécontentement planeroit sur tous les Pays, et du jour au lendemain, l'Europe en alarme, s'attendrait à une nouvelle explosion. Les Souverains n'ont certainement pas méconnu l'intérêt de leurs Peuples en jugeant qu'une Guerre ouverte, avec tous ses inconvéniens et tous ses sacrifices, est préférable à un pareil ét at de choses; et les mesures qu'ils ont adoptées, ont rencontré l'approbation générale.

L'opinion de l'Europe s'est prononcée dans cette grande occasion, d'une manière bien positive et bien solennelle; jamais les vrais sentimens des Peuples n'ont pû être plus exactement connus, et plus fidèlement interprêtés, que dans un moment, où les Représentans de toutes les Puissances se trouvaient réunis pour consolider la paix du monde.

TROISIEME QUESTION.

Est-il nécessaire de publier une nouvelle Déclaration ?

Les observations que la Commission vient de présenter, fournissent la Réponse à la dernière Question qui lui reste à examiner. Elle considère :

1. Que la Déclaration du 13 Mars a été dictée aux Puissances par des motifs d'une justice si évidente, et d'un poids si décisif, qu'aucun des sophismes par lesquels on a prétendu attaquer cette Déclaration, ne saurait y porter atteinte;

2. Que ces motifs subsistent dans toute leur force, et que les changemens survenus de fait depuis la Déclaration du 13 Mars, n'en ont point opéré dans la position de Bonaparte et de la France, vis-àvis des Puissances;

3. Que l'offre de ratifier le Traité de Paris, ne sauroit, sous aucun rapport, changer les dispositions des Puissances.

En conséquence la Commission est d'avis, qu'il serait inutile d'émettre une nouvelle Déclaration.

Les Plénipotentiaires des Puissances qui ont signé le Traité de Paris, et qui, comme telles, sont responsables de son exécution vis-àvis des Puissances accédantes, ayant pris en délibération, et sanctionné par leur approbation, le Rapport précédent, ont résolu qu'il serait donné communication du Procès-Verbal de ce jour, aux Plénipotentiaires des autres Cours Royales. Ils ont arrêté en outre que l'Extrait du susdit Procès-Verbal sera rendu public.

[Suivent les Signatures dans l'ordre alphabétique des Cours:]

Autriche

Espagne

France

(LE PRINCE DE METTERNICH.

LE BARON DE WESSENBERG.

P. GOMEZ LABRADOR.

LE PRINCE DE TALLEYRAND.

LE DUC DE DALBERG.

LE COMTE ALEXIS DE NOAILLES.

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Les Plénipotentiaires Soussignés, approuvant en totalité les principes contenus dans le présent Extrait du Procés-Verbal, y ont apposé leurs Signatures.

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(No. 34.)-PROTOCOLE de la Conférence entre les Plénipotentiaires des 5 Cours et les Plénipotentiaires de Saxe, tenue à Vienne, le 18 Mai, 1815.

LES Articles discutés dans la Négociation des Commissaires de Sa Majesté le Roi de Saxe avec les Commissaires nommés par les 5 Puissances, ont été mis sous les yeux de MM. les Plénipotentiaires.

Lecture faite des dits Articles, MM. les Plénipotentiaires des 5 Puissances, et ceux de Sa Majesté le Roi de Saxe, ont arrêté et paraphé 25 Articles qui doivent faire partie du Traité avec Sa Majesté le Roi de Saxe.

Dans le nombre des Articles proposés, il en étoit un, ci-joint sub Litt. (CCC.) relatif aux droits de succession éventuelle de la Branche Ernestine de Saxe, sur les Possessions de la Branche Albertine ; et

MM. les Plénipotentiaires sont convenus de l'omettre, attendu qu'il concernoit les droits d'un tiers qui n'a pas été entendu. La seule clause finale de cet Article portant réserve des Titres, a été transportée à l'Article IV.

Il y avoit de plus un Article, ci-joint sub (DDD,) au sujet de la Maison de Schoenbourg, qui avoit été compris, sub No. XXXIII, dans la Communication faite à Presbourg. MM. les Plénipotentiaires de Saxe ayant proposé que cet objet fût réglé par forme de Déclaration au lieu d'en faire une Clause du Traité, MM. les Plénipotentiaires des 5 Puissances ont ajourné la question de cette modification.

MM. les Plénipotentiaires ont ensuite passé à l'examen des Projets d'Articles qui devroient entrer dans le Traité d'Accession de Sa Majesté le Roi de Saxe à l'Alliance du 25 Mars, 1815, tels qu'ils sont présentés dans le Projet de MM. les Plénipotentiaires Saxons, déposé ici sub (EEE.)

Les Plénipotentiaires des 5 Puissances et ceux de Sa Majesté le Roi de Saxe sont tombés d'accord sur les 5 Articles ainsi que sur le Préambule. Quant à un 6ème Article, par lequel MM. les Commissaires Saxons demandent que le Roi leur Maître participe à tous les avantages de la Guerre, les Plénipotentiaires des Cours Alliées ont répondu qu'ils ne le trouvoient point admissible, puisqu'aucune des autres Puissances accédantes, n'avait obtenu une pareille promesse, et que la nature de la Guerre actuelle ne permettoit guère de s'attendre à des avantages tels qu'ils avoient été demandés; que, par ce motif, leurs Cours devaient se borner à la promesse énoncée dans la Note du 14 Avril, adressée de la part des Plénipotentiaires des 5 Puissances à M. le Comte de Schulenbourg.

Finalement, il a été réglé, par l'Extrait de Protocole ci-joint, sub Litt. (FFF.) de quelle manière il est pourvu à la remise des Actes de déliement de Serment, et de ceux de Ratification, ainsi qu'à la restitution du Territoire du Royaume qui n'est pas compris dans les Cessions.

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(Annexe CCC.)-Article sur les Droits de la Branche Ernestine

de Saxe.

ART. XXII. Les droits de succession éventuelle de la Branche Ernestine de Saxe sur les Possessions de la Branche Albertine, sont conservés et reconnus par les Hautes Parties Contractantes, conformément à la situation où celles-ci se trouvent aujourd'hui, d'après les Stipulations du présent Traité. Les droits de la Maison Albertine sur les Possessions de la Maison Ernestine, restent intacts comme jusqu'ici, et Sa Majesté le Roi de Saxe se réserve relativement et en vertu de

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