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maintenant un code du droit des gens, et qui sera bientôt à son second volume. Il se compose, pour la plus grande part, des Conventions de La Haye; et, sans doute, les suivants seront principalement formés des lois établies par les réunions successives du corps quasi-législatif qu'on nomme Conférence de La Haye. Mais elles ne lui donnent pas tout son contenu. Toutes les fois que les représentants d'un nombre considérable d'États se réunissent pour élaborer un corps de règles auxquelles ils invitent les autres Puissances à adhérer, ils font un acte législatif, pourvu que les adhésions espérées soient obtenues ou qu'en se conformant au modèle proposé dans le document la pratique lui donne un consentement tacite. Tel fut le cas de la Déclaration de Paris sur le droit maritime. Elle a été rédigée et signée en 1856 par sept Puissances. Mais quarante adhésions ont, depuis, été reçues et les belligérants l'ont observée dans toutes les guerres navales subséquentes, qu'ils fussent ou non signataires. Les États-Unis sont presque le seul État, et certainement le seul d'importance, qui n'ait pas donné son consentement exprès; mais leur adhésion peut s'inférer d'un demi-siècle de conduite strictement conforme aux articles de la Déclaration. Un autre cas se présente lorsque toutes les Puissances directement intéressées dans une question, ou une série de questions importantes, les règlent d'un mutuel accord, et que les autres États n'élèvent pas d'objection sur le moment, puis se conforment dans leur conduite ultérieure aux arrangements intervenus. C'est ce qui arriva au regard des vastes régions de l'Afrique Centrale en 1885. Les quatorze Puissances représentées à la Conférence de l'Afrique Occidentale ou Conférence du Congo stipulèrent la pleine liberté du commerce dans le bassin du Congo et l'interdiction de la vente et du transport des esclaves sur ce territoire, la liberté de navigation du Congo, du Niger et de leurs affluents, la neutralité sous certaines conditions des territoires compris dans le bassin conventionnel du Congo, et la notification mutuelle de toute occupation ou de tout protectorat à l'avenir sur les côtes.

que

d'Afrique.1 Les autres États ont depuis reconnu les dispositions prises à cet égard en s'y conformant et en acceptant les avantages qu'elles leur confèrent. L'Acte final de la Conférence du Congo est donc un pur traité-loi, quoique sa liste de signatures ne soit pas aussi imposante que celle qui se montre au pied de l'Acte final des deux Conférences de La Haye. Un usage général a consacré ce qu'un accord partiel avait créé; et l'attitude indifférente des États désintéressés dans les affaires de l'Afrique Centrale doit être interprétée comme une approbation tacite. Il arrive constamment que des États petits, et relativement sans influence, acceptent tacitement les arrangements faits par les Grandes Puissances. La doctrine d'après laquelle un État ne peut être lié sans son consentement n'est vraie si l'on accepte comme corollaire cette proposition que l'assentiment peut résulter d'un acquiescement tacite aussi bien que de termes exprès. Et même alors on doit se rappeler que la nécessité du consentement universel comme condition préalable de la validité d'une loi internationale doit être interprétée un peu largement. Si un nombre restreint de petits États non spécialement intéressés dans une importante question résistent obstinément à l'accord, par ailleurs universel, qui se forme sur elle, cet accord n'en est pas moins une vraie loi pour la société des nations. Il serait, par exemple, déraisonnable d'avancer que l'assentiment de la Suisse, qui ne possède ni un navire ni un port, est nécessaire pour donner force obligatoire à une Convention qui modifierait les règles du droit maritime, ou qu'aucune amélioration des lois de la guerre sur terre ne pourrait être considérée comme universellement valable s'il lui manquait la signature du Panama, qui n'a pas d'armée permanente. Les traités qui légifèrent, pour ainsi dire, incidemment et tout en traitant beaucoup d'autres choses sont peu nombreux, et, quand on les examine, il est aisé de séparer les règles et les arrange

1 British Parliamentary Papers, Africa, No. 4 (1885), pp. 304–313; Supplement to the American Journal of International Law, vol. iii, pp. 7–25.

ments qui sont d'intérêt général de ceux qui sont limités et particuliers.

Les traités déclaratoires du droit international réclament quelque attention. Ils font loi tant qu'ils sont réellement déclaratoires; car celui qui résout un doute sur le véritable sens d'une règle fait en réalité la règle. Mais ils sont très rares, à moins de comprendre parmi eux les parties d'importants documents législatifs qui ne font qu'exprimer en termes formels des usages antérieurement acceptés par la pratique des nations les plus avancées. Tel est le cas de plusieurs des Conventions de La Haye, notamment de celles qui renferment un code pour la réglementation de la guerre sur terre. La Déclaration de Londres de 1909 a aussi, en élaborant un droit du blocus et de la contrebande, donné forme et précision scientifique à plusieurs règles que la plupart des Puissances intéressées avaient d'avance prétendu être le vrai droit international. La séparation des parties déclaratives des autres parties de ces actes ne serait d'aucune utilité, tout en causant une grande confusion et en ouvrant la voie à des controverses sans fin. Mais il y a eu un petit nombre de traités et de parties de traités qui ont ouvertement prétendu être déclaratoires. Telles furent les Conventions des Neutralités armées de 1780 et de 1800.1 Pour une grande part elles ont été ce qu'elles paraissaient être, mais pas complètement, car, parmi les règles qu'elles posèrent, il y en avait de bien connues pour être incompatibles avec la pratique établie et pour avoir été introduites dans le but de restreindre les droits belligérants de la Grande-Bretagne. Un curieux exemple de ce qu'on peut appeler un essai de législation semi-déclaratoire est fourni par les articles 6 et 7 du Traité de Washington de 1871.2 Les trois règles qui y sont posées pour guider les arbitres, qui devaient statuer sur ce qui est généralement connu sous le nom d'Alabama Claims, étaient

1 C. de Martens, Recueil, vol. i, pp. 193, 194, et vol. ii, pp. 215–219.
2 Treaties of the United States, p. 481.

regardées par les États-Unis comme en vigueur quand les actions et les omissions reprochées eurent lieu, tandis que le Gouvernement britannique refusait d'admettre ce point de vue, mais, afin de résoudre la question à l'amiable, il consentit à se laisser juger d'après elles comme si elles avaient fait partie du droit à l'époque des torts allégués. Les deux Puissances convinrent d'observer ces règles entre elles à l'avenir et de les porter à la connaissance des autres Puissances maritimes dans le but de les faire adopter universellement. Cela ne se fit jamais, partie à raison des désaccords qui se produisirent sur la signification de plusieurs clauses, partie parce qu'il devint notoire que plusieurs des plus importants États, qu'il fallait gagner, refusaient d'accepter ces règles.1 Le cas demeure pour témoigner qu'une partie peut, dans un traité, considérer un de ses articles comme déclaratoire, pendant que l'autre estime qu'il énonce des règles nouvelles. Les difficultés de ce type de législation ne sont ni minces ni rares. Mais il est parfois utile d'introduire d'importants changements dans la forme déclaratoire afin de permettre aux États d'éviter de paraître abandonner les vues qu'ils ont aupara

vant soutenues.

La classe de traités que nous avons maintenant à considérer comprend ceux qui stipulent ouvertement une ou plusieurs règles nouvelles entre les parties contractantes. Ils sont signés seulement par deux ou trois États, et sont destinés à établir dans leurs relations mutuelles quelque principe d'action qui n'est pas d'usage général. Ainsi témoignent-ils de ce que le droit international n'est pas, plutôt que de ce qu'il est; car, si les règles qu'ils établissent avaient été introduites dans le droit international, on n'aurait pas eu besoin d'une clause spéciale pour en avoir les avantages. Le Traité de 1785 entre les États-Unis et la Russie contient un accord de ce genre. Par l'article 13 les Puissances contractantes déclaraient que, dans le cas où l'une serait en

1 Moore, International Arbitrations, vol. i, pp. 666–670.

guerre pendant que l'autre serait en paix, le belligérant ne confisquerait pas les marchandises de contrebande transportées par un bâtiment neutre, mais se contenterait de les détenir.1 Le droit des gens ordinaire donne le droit de confiscation, et les négociateurs des deux parties le savaient bien. Et, parce qu'ils le savaient, ils s'accordèrent pour laisser de côté la règle ordinaire et lui substituer celle qu'ils préféraient. Il est clair que les traités de ce genre ne sont pas des sources de droit international. Dans un cas seulement ils peuvent le devenir : quand la nouvelle règle, d'abord introduite par l'un d'eux, se comporte si bien dans la pratique que les autres États l'adoptent. S'ils l'admettent un à un jusqu'à ce que tous l'observent, le premier traité dans lequel elle apparaît est sa source, quoique un long intervalle de temps puisse séparer sa première apparition de son triomphe final. Un exemple en sera trouvé dans l'histoire de la fameuse règle vaisseaux libres, marchandises libres. Le premier traité entre Puissances chrétiennes qui la renferme a été passé entre l'Espagne et les Pays-Bas en 16502; il en est par conséquent la source, bien que la règle ait été obligée d'attendre jusqu'à nos jours avant de recevoir, dans la Déclaration de Paris de 1856, une approbation assez générale pour faire d'elle une partie du droit public du monde civilisé.

La dernière et la plus nombreuse classe de traités renferme ceux qui ne contiennent pas de principes de conduite internationale, mais règlent simplement les affaires en litige entre les parties. La plupart des instruments diplomatiques appartiennent à cette classe, car généralement les États, quand ils viennent à négocier, sont bien plus appliqués à se débarrasser des difficultés présentes qu'à formuler des règles et des doctrines pour l'avenir. La transaction est à l'ordre du jour, et l'on adopte ce qui est op: portun sur le moment sans se préoccuper beaucoup des

1 Treaties of the United States, p. 903.

2 Dumont, Corps diplomatique, vol. vi, partie I, p. 571.

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