Page images
PDF
EPUB

Décisions

des cours des prises, des conférences internationales et des tribunaux d'arbitrage.

principes généraux. Il est évident que des traités négociés dans cet esprit n'ont pas d'action sur le droit international, et ne sont pas faits en vue d'en avoir.

Quand nous parlons de traités, il faut entendre que nous voulons parler des articles séparés aussi bien que des documents dans leur entier. La plupart des instruments internationaux contiennent des clauses sur plus d'une matière, et les traités importants s'occupent en général d'un grand nombre d'objets. L'un d'eux peut, dès lors, offrir deux ou plusieurs exemples des variétés que nous venons de décrire. En les parcourant nous avons vu que, dans ces dernières années, on a édifié par traité un corps de règles qui offre une étroite analogie avec le droit établi par la loi. Les États se sont tellement débarrassés des jalousies et des suspicions qui marquèrent leur histoire antérieure qu'ils sont capables de s'assembler périodiquement par repré*sentants, et de traiter par la voie législative les sujets qui demandent une réglementation. Pour quelques-uns, c'est en vain qu'on a tenté de les résoudre; pour d'autres, on n'a pas encore osé y toucher; mais on en a résolu plusieurs avec un succès qui a dépassé l'attente. Quoiqu'il reste beaucoup à faire, et que, de ce qui a été fait, beaucoup soit rudimentaire et imparfait, le progrès actuellement accompli n'en est pas moins énorme; et l'on peut espérer que l'augmentation de la connaissance mutuelle, jointe à la diminution de la mutuelle méfiance, conduira bientôt à des résultats encore plus grands.

§ 53

Nous allons considérer maintenant

Les décisions des cours de prises, des conférences internationales et des tribunaux d'arbitrage,

en tant que sources du droit international. Les cours de prises sont des tribunaux établis par les États belligérants afin de décider de la validité des captures faites par leurs

[ocr errors]

croiseurs. Elles sont censées administrer le droit international, et le font à moins que les autorités régulièrement constituées de leurs propres États ne leur ordonnent d'appliquer des règles incompatibles avec lui. Ces interventions sont heureusement rares; et il arrive par conséquent que les décisions des cours de prises sont respectées en proportion de la réputation de savoir, de sagesse et d'impartialité dont jouissent les juges. Ceux qui siègent dans ces cours doivent se souvenir que le droit international ne se localise pas, et s'efforcer de se dépouiller de toute prévention en faveur de leur pays. Comme un des plus distingués l'a dit, en jugeant une affaire dans laquelle les prétentions de la Grande-Bretagne belligérante se heurtaient à celles de la Suède neutre, c'est le devoir de celui qui siège ici de résoudre la question exactement de la manière que s'il siégeait à Stockholm; de n'affirmer aucune proposition de la Grande-Bretagne qu'il ne voulût autoriser la Suède à affirmer dans les mêmes circonstances; et de n'imposer aucun devoir à la Suède, comme neutre, qu'il n'admettrait pour la Grande-Bretagne en la même qualité.'1 Ce haut modèle n'a pas toujours été égalé; mais quelquesunes des grandes illustrations du siège l'ont atteint, et par leur connaissance de la procédure, unie à leur incontestable impartialité, ont enrichi la littérature du droit international d'une série de jugements profonds qui sont cités avec respect partout où des savants compétents discutent les droits et devoirs des États civilisés. Les noms de l'Américain Story, de l'Anglais Stowell et du Français Portalis vivront aussi longtemps que durera le droit des gens. La plupart des cas qui sont portés devant les cours de prises ne demandent guère pour leur solution que l'application de règles bien connues et universellement admises; mais parfois un point nouveau surgit, et alors la décision d'un grand juge peut devenir une source de droit inter

1 Lord Stowell's Judgement in the case of the 'Maria'; voir Robinson, Admiralty Reports, vol. i, p. 340.

national. Dans le moment il ne fait que juger l'affaire qu'il a devant lui; mais la justice et l'équité des règles qu'il pose peuvent les faire adopter par d'autres tribunaux et dans d'autres pays, et les introduire ainsi avec le temps dans le droit international. Quand un esprit fortement exercé, après avoir entendu et lu avec soin des témoignages passés au crible, puis écouté les arguments d'avocats capables, applique des principes reçus à de nouvelles circonstances, le résultat est vraisemblablement une règle de pratique qui résiste à l'épreuve du temps et devient d'une application universelle. C'est ainsi que la doctrine du voyage continu s'introduisit dans le droit international. Lord Stowell l'inventa d'abord pour résoudre le cas des vaisseaux neutres qui, dans la guerre de la Grande-Bretagne avec la France de la Révolution et de l'Empire, s'évertuaient à tourner l'interdiction de s'engager dans le commerce de l'ennemi en interposant un port neutre entre leur point de départ et la destination prohibée. Quoi qu'on puisse penser de la tentative initiale de restreindre le domaine de l'activité marchande neutre, il est incontestable que la doctrine de Lord Stowell était bonne dans son application au transit effectif des vaisseaux engagés dans un commerce clairement illégal. Elle pouvait par conséquent s'étendre avec une parfaite convenance au cas de contrebande, où le droit d'intervention du belligérant est clair et non discutable. Aussi, la règle y fut-elle étendue, d'un consentement général, quoique non universel. Dans la guerre civile avec la Confédération du Sud, les cours des États-Unis non seulement l'adoptèrent, mais l'étendirent au blocus, ce qui fut regardé, dans certains milieux, avec suspicion et crainte. La Déclaration de Londres de 1909 a tranché la question en bornant l'application de la doctrine à la contrebande absolue, et à la contrebande conditionnelle transportée à un pays belligérant qui n'a pas de territoire maritime.1 L'espérance de

British Parliamentary Papers, Miscellaneous, No. 4 (1909) (Articles 19, 30, 36 de la Déclaration de Londres), pp 77, 81, 83.

l'établissement d'une Cour internationale des Prises sur les bases posées dans la douzième des Conventions de La Haye de 1907 ouvre une perspective de perfectionnement sensible et continu. Cette cour sera supérieure, en dignité et en influence, à toutes les autres actuellement existantes à la surface du globe. Ses décisions interpréteront et développeront les règles de la guerre maritime acceptées par les États civilisés. Avec la Conférence de La Haye comme pouvoir législatif et la Cour internationale des Prises comme pouvoir judiciaire, la société des nations aura fait un pas de géant dans l'organisation de la justice internationale qui est une condition essentielle de la permanence de la paix internationale.

L'activité des cours de prises s'exerce principalement sur des points de pur droit maritime. Mais les conférences internationales et les tribunaux d'arbitrage traitent toutes les questions qui leur sont soumises, et leurs décisions peuvent, par conséquent, embrasser des sujets tout à fait étrangers à la mer et aux affaires qui s'y rattachent. Ainsi la décision du Maréchal de Mac-Mahon, donnée par lui en 1875, en sa qualité d'arbitre dans le différend entre la Grande-Bretagne et le Portugal au sujet de la baie de Delagoa, contribua grandement à éclaircir un point difficile du droit de l'occupation,1 et les décisions de la Conférence de l'Afrique occidentale de 1884-1885 sur les notifications à faire mutuellement par les parties signataires de toute nouvelle acquisition de territoire africain par voie d'occupation se transforment en règle générale du droit international.2

§ 54

Viennent ensuite, comme sources du droit international, Les papiers d'Etat internationaux autres que les traités. Les traités sont des actes nationaux d'une espèce particulièrement délibérée et solennelle, qui prennent place à bon 2 V. § 74.

1 V. § 74.

[blocks in formation]

Papiers d'Etat

autres que les traités.

droit dans une classe à part. Mais les autres papiers d'État peuvent avoir de l'importance comme sources du droit international. Les questions en litige entre les États y sont souvent discutées avec une science et une sagesse remarquables, et parfois une controverse internationale éclaircit un point de droit contesté, ou avance l'application de principes qui n'ont encore reçu qu'un timide assentiment. Ainsi la question de l'emprunt silésien entre la Grande-Bretagne et la Prusse au milieu du dix-huitième siècle1 mit hors de toute possibilité de doute la règle d'après laquelle un État ne peut pas faire porter les représailles sur l'argent prêté à l'État par des particuliers appartenant à un autre pays. Et encore, la position prise par le Gouvernement des ÉtatsUnis, d'abord en 1793 en faveur d'une large interprétation et d'une stricte exécution de ses devoirs de neutralité,2 et plus tard, il y a près d'un demi-siècle, contre l'interprétation trop libre des devoirs de neutralité par la Grande-Bretagne dans l'affaire des croiseurs l'Alabama et autres, a beaucoup accru la rigueur avec laquelle le principe de neutralité absolue, concédé sur le papier, mais jusqu'à l'époque récente peu strictement suivi dans la pratique, a été appliqué dans la conduite des États neutres. Les discussions relatives à la formation, au progrès et à la dissolution des deux grandes ligues connues sous le nom de Neutralités armées de 1780 et 1800 * jetèrent presque autant de lumière sur la question des droits des neutres que le différend de l'Alabama et l'action de Washington dans sa seconde administration sur la question des devoirs des neutres. Beaucoup de papiers d'État sont au point de vue juridique sans valeur; d'autres n'ont qu'une valeur passagère et éphémère. Mais de temps. à autre quelque esprit supérieur produit un document, ou une suite de documents qui changent tout le cours des relations internationales et deviennent des sources de droit. Il faut rappeler que de nombreuses questions s'élèvent entre 3 V. §§ 219-220.

1 V.
§ 174.
2 V. § 223.
• Manning, Law of Nations, liv. V, ch. vi.

« PreviousContinue »