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les États, dont on n'entend rien de l'autre côté des murs des ministères des Affaires étrangères. Ou bien elles sont trop simples pour admettre un doute, ou bien elles sont aussitôt renvoyées aux conseillers juridiques des gouvernements intéressés, dont l'avis donné officiellement, mais non publié dans le moment et peut-être jamais, est regardé comme décisif et immédiatement exécuté. De cette manière, le droit international est sans cesse soumis à un procédé, non pas tant de formation que de cristallisation. Les idées flottantes se transforment en règles définies, ou l'une des deux vues opposées reçoit presque imperceptiblement la consécration de la pratique.

§ 55

données par

La dernière des classes dans lesquelles nous divisons les Instructions sources du droit international peut être désignée sous le titre d'

Instructions émanées des Etats pour guider la conduite de leurs agents et de leurs tribunaux.

Nous n'avons pas examiné ces documents sous la rubrique précédente, parce qu'ils ont un caractère national, et qu'ils ne sont pas rédigés en vue d'une contestation entre États. Mais quoiqu'ils n'aient pas d'autre objet que de diriger l'action des agents et fonctionnaires du gouvernement qui les émet, ils peuvent avoir une bien plus grande portée que ne le voulaient ou espéraient leurs auteurs. Quand ils sont composés par d'habiles juristes, ils décident parfois des points difficiles d'une manière qui se trouve, à l'expérience, si profitable que d'autres États l'adoptent. L'Ordonnance française sur la Marine de 1681 traita d'une manière magistrale le sujet alors obscur et douteux du droit des prises. Elle fut commentée par Valin en 1760, et Lord Stowell s'en inspira librement dans ses jugements en matière d'affaires maritimes. Ainsi le texte, qui dans le principe ne tendait qu'à guider les croiseurs français et les tribunaux

pour guider la conduite de leurs agents et de

leurs tribunaux.

Divisions du droit inter

national.

français, devint avec le temps, dans quelques-unes de ses dispositions, une source de droit international. Les Instructions pour la Conduite des Armées des États-Unis en campagne, données en 1863, ont pris un rôle semblable. Elles ont été mentionnées et citées avec grande considération dans beaucoup de traités,1 plusieurs États ont publié des manuels, analogues, et le Code de La Haye pour le règlement de la guerre sur terre leur doit beaucoup.

Nous avons maintenant passé en revue les diverses sources du droit international. On voit que tout acte national, par lequel un État témoigne son désir d'adopter une règle générale donnée, peut devenir une source de droit, pourvu que la règle en question soit nouvelle. Si elle obtient l'approbation, elle devient une partie du droit international. Si elle ne réussit pas à se faire adopter dans la pratique, ce n'est qu'un souhait platonique, quelque excellente qu'elle puisse être en soi. Mais ce n'est pas la soumission universelle qu'on exige en parlant d'approbation générale. Plusieurs règles du droit international ont été violées sous un prétexte ou sous un autre par des États qui reconnaissaient pleinement leur validité. Aucune loi ne peut s'attendre à être toujours obéie, surtout une loi qui n'a pas de force physique derrière elle pour contraindre à la soumission et punir la désobéissance. Mais quoique le droit international soit dans cette situation, il est également vrai que le mépris flagrant et obstiné de ses préceptes bien établis est rare. Les États montrent un louable empressement à gouverner leur conduite, les uns à l'égard des autres, par les règles auxquelles ils ont donné un consentement exprès ou tacite.

§ 56

Des sources du droit international, passons à ses divisions. Il n'y a pas de sujet sur lequel les publicistes du dix-septième

Inutilité des et du dix-huitième siècle soient entre eux plus en désaccord.

anciennes

divisions.

Une nouvelle

est proposée.

1 V. Maine, International Law, p. 24.

Grotius, comme nous l'avons vu, distinguait entre la loi naturelle et la loi volontaire des nations. Ses successeurs discutèrent longuement les rapports de la loi naturelle au droit international, et leurs distinctions et conditions se multipliaient à mesure que chacun commentait les opinions de ses prédécesseurs. Un travail de simplification fut commencé au début du dix-neuvième siècle; mais Wheaton même, qui écrit en 1836, admet la distinction entre la loi naturelle et la loi volontaire des nations, et soutient que la loi volontaire est un genre comprenant deux espèces, la loi conventionnelle introduite par traité, et la loi coutumière dérivée de l'usage.2 Mais, ainsi que d'autres écrivains, il oublie ou ignore ces distinctions quand il expose les règles actuelles de la science. Il ne nous donne pas alors un chapitre ou deux sur la loi ' naturelle et plusieurs sur la loi volontaire avec ses deux grandes subdivisions. Mais, à la place, nous avons une très savante et très instructive série de chapitres sur les divers droits des États, sur la guerre et sur la neutralité, au cours desquels nous ne sommes pas même avertis si une règle donnée vient de la convention ou de l'usage, tellement les divisions du début sont abandonnées quand l'œuvre qui traite le sujet d'une manière systématique est sérieusement entreprise. Les divisions qui ne divisent pas sont inutiles; et dans le cas présent quelques-unes sont encore nuisibles, car elles impliquent la croyance à une théorie d'après laquelle, au moyen d'un procédé de raisonnement ou d'intuition, une loi peut être développée qui oblige les États sans leur consentement, et tend ainsi à faire revivre l'ancienne confusion entre ce qui est et ce qui doit être. Au lieu de tenter la tâche inutile de distinguer les règles du droit international d'après leur origine, nous diviserons le sujet en chapitres d'après les différentes sortes de droits possédés par les États et leurs obligations correspondantes.

Si nous essayons de diviser de cette manière, nous trouvons d'abord que les États ont, en vertu de la loi qu'ils ont créée

1 V. § 27.

2 International Law, § 9.

pour eux-mêmes, certains droits et certains devoirs dans la situation ordinaire de paix, et certains autres droits et devoirs, qui s'y ajoutent ou les modifient, dans la situation exceptionnelle de belligérance ou de neutralité. Heureusement, dans la société moderne, la paix est regardée comme la condition ordinaire et naturelle des nations. Aucun écrivain ne s'aventurerait à dire avec Machiavel: Un prince ne doit avoir d'autre dessein, d'autre pensée ou d'autre étude que la guerre, son art et sa discipline.'1 Nous en sommes arrivés à regarder le bon gouvernement comme l'art le plus important des chefs d'État et à y comprendre la mise en pratique de tous les moyens honorables d'éviter la guerre. Les droits et devoirs qui appartiennent aux États en leur qualité de membres de la famille des nations sont rattachés à la paix et à l'état de paix. On peut les appeler droits et devoirs normaux ; ils appartiennent à tout État indépendant qui est sujet du droit international. De même que la loi du pays investit chaque enfant né sous son autorité de certains droits qui sont à lui sans aucun acte de sa part, de même le droit international confère aux États qui sont sous son autorité certains droits qui leur appartiennent par le seul fait de leur soumission à lui. Et de même qu'un individu peut, par l'exercice de sa volonté, se placer dans une position qui lui donne des droits et devoirs qu'il n'avait pas auparavant, de même un État peut, par un acte de volonté collective, s'établir dans une position où il acquiert des droits et des devoirs qu'il ne possédait pas auparavant. Nul homme, par exemple, ne peut être marié sans l'avoir décidé; et nul État ne peut faire la guerre ou demeurer neutre dans une guerre entre d'autres États sans l'avoir résolu. Mais si un homme se marie, il acquiert des droits qu'il n'avait pas comme simple sujet ou citoyen, et contracte des obligations qui ne le liaient pas dans sa précédente condition; de même, si un État devient belligérant ou neutre, il acquiert des droits et s'assujettit à des devoirs qu'il ne connaissait pas quand il

!1 Le Prince, ch. xiv.

n'était que simple sujet du droit international. Un belligérant, par exemple, a, grâce au droit de visite, une autorité sur les navires neutres qu'il ne pourrait exercer dans les conditions ordinaires de paix;1 il est obligé de subir des restrictions au droit de ses croiseurs de mouiller librement dans les ports des Puissances amies, et d'y acheter, alors qu'antérieurement rien ne venait restreindre son pouvoir d'achat. Ces droits et ces devoirs que possède un Etat, en qualité de belligérant ou de neutre, on peut les appeler anormaux, pour les distinguer des droits et devoirs qu'il a comme sujet du droit international. Cette distinction est fondamentale. Elle nous donne notre première grande division. C'est le pivot sur lequel tourne toute notre classification.

§ 57

les devoirs

normaux sont relatifs dance, à la

à l'indépen

propriété, à

à la diplo

droits et

anormaux

et de la

Commençant, donc, par les droits et devoirs normaux des Les droits et États, nous trouvons qu'ils se rapportent à l'indépendance, à la propriété, à la juridiction, à l'égalité et à la diplomatie. Chacune de ces matières nous fournit un important sujet très nettement distingué des autres, et propre à être traité la juridiction, seul sous un chef spécial. Les règles du droit international à l'égalité et se groupent sous ces chefs d'une manière commode sans matie; les grande confusion, et nous obtenons ainsi un moyen de devoirs diviser une partie de notre sujet en titres ou chapitres d'une découlent de manière propre à montrer la relation des diverses parties la guerre entre elles et l'ensemble. L'autre grande division, celle des neutralité. droits et devoirs anormaux des États, tombe naturellement sous deux rubriques, celles de la guerre et de la neutralité. Mais chacune d'elles implique le fait de la guerre et s'en occupe sous un jour différent, la première au point de vue de ceux qui y prennent part, et la seconde au point de vue de ceux qui s'en abstiennent. Il est impossible d'examiner l'une ou l'autre sans leur accorder plus d'espace qu'à aucun des sujets énumérés sous la rubrique des droits et devoirs normaux. Nous subdiviserons donc chacune d'elles

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