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Noire.1 De telles restrictions limitées et temporaires à la liberté d'action d'un État ne sont pas des dérogations à son indépendance. Ce sont des incidents passagers de sa carrière, non des conditions permanentes et légales de son existence. On en peut dire de même de l'autorité assumée par les Grandes Puissances d'Europe dans l'Ancien Monde et par les États-Unis sur le Continent américain. Il n'y a pas de doute que les Grandes Puissances ont, en plusieurs occasions, agi au nom et dans l'intérêt de toute l'Europe et que les petits États ont, de gré ou de force, accepté les arrangements faits par elles. En Amérique, une position prépondérante a été prise par les États-Unis. Mais une déférence d'occasion à la volonté de l'une ou de l'autre de ces autorités ne prive pas l'État de sa position indépendante en droit des gens.

§ 62

tion - ses

Le droit d'indépendance conféré par le droit international L'intervenà chacun des membres totalement souverains de la famille caractères des nations implique, nous l'avons vu, la liberté complète essentiels. pour chaque État d'administrer ses affaires conformément à ses vœux. Il peut changer sa forme de gouvernement, modifier sa constitution, contracter des alliances, entrer dans des guerres, conformément à ses propres vues de ce qui est juste et opportun. Mais parfois il arrive qu'un autre État ou un groupe d'États s'interpose et s'efforce de l'amener à faire ce que, laissé à lui-même, il ne ferait pas, ou à s'abstenir de faire ce que, laissé à lui-même, il ferait. On nomme intervention une immixtion de ce genre. Les affaires tant extérieures qu'intérieures lui ont été soumises, plus spécialement les dernières. L'histoire en offre de nombreux exemples. Elle a été entreprise sous divers prétextes et justifiée par les raisons les plus diverses. Dans chaque cas, la charge de la preuve de cette justification incombe à la Puissance intervenante ; car l'intervention, de sa nature, est une infraction à 1 Holland, European Concert in the Eastern Question, p. 273. 2 V. §§ 113, 115.

Considérations

générales sur l'interven

tion.

l'indépendance de l'État, bien qu'il y ait des circonstances exceptionnelles où cette proposition générale ne s'applique pas1 et ne peut s'exercer sans écarter un principe reconnu du droit international. Nous distinguerons d'abord l'intervention des autres formes d'immixtion qui peuvent se confondre avec elle, et, l'ayant fait, nous serons en mesure de discuter si elle est justifiable, et, si oui, dans quelles circonstances.

L'essence de l'intervention est la force ou la menace de la force, en cas de résistance aux injonctions de la Puissance intervenante. Elle se différencie nettement du pur conseil ou des simples bons offices offerts par un État ami, sans idée de contrainte; de la médiation entamée par une tierce Puissance à la demande des parties en litige, sans promesse de leur part d'accepter les termes de sa suggestion, ni intention de la sienne de les y contraindre; et de l'arbitrage, en vertu duquel les Puissances contendantes s'accordent pour soumettre leur litige à un tribunal indépendant, en acceptant d'avance son jugement, bien qu'il n'ait pas matériellement le pouvoir de faire respecter ses décisions. Il n'y a pas d'intervention sans, d'une part, une force ouverte ou masquée, et, d'autre part, absence de consentement de la part des deux Puissances en présence. Il y a eu des exemples où l'une des parties en conflit a demandé l'intervention d'une tierce Puissance, mais, si les deux parties consentent à cette demande, l'immixtion cesse d'être une intervention pour devenir une médiation. Si l'État médiateur trouvait les parties nonconsentantes à ses propositions et décidait de les contraindre à les accepter par la force des armes, son acte perdrait son caractère de médiation pacifique pour prendre celui d'intervention militaire.

§ 63

Il y a peu de questions dans l'ensemble du droit international qui soient plus difficiles que celles qui ont trait à la légalité de l'intervention, et il y en a peu qui aient été traitées d'une manière moins satisfaisante. Quelques auteurs se

1 V. § 64.

sont bornés à des propositions générales, tandis que d'autres consacraient beaucoup de temps et de peine à l'examen d'une ou deux mesures caractéristiques au regard desquelles ils arrivaient à se former des opinions fermes. Mais on ne doit pas oublier que tout essai de découvrir par induction les règles qui se dégagent de cas rapportés échoue fatalement quand il s'applique à la question alors traitée. Un appel à la pratique des États est sans valeur; car, non seulement des États différents agissent en vertu de principes différents, mais l'action d'un État à une époque est inconciliable avec son action à une autre. A cet égard l'histoire n'est qu'un concert de voix discordantes et les faits de la vie internationale ne mettent pas sur la voie des règles du droit international.

On pourrait vraiment penser que la recherche de règles quelconques est sans espérance, s'il n'était possible d'inférer certains préceptes clairs et inéluctables de principes reconnus par tous.

Personne ne doute de l'existence du droit d'indépendance ou du devoir de conservation; nous pouvons en tirer par le procédé de la déduction ce que nous cherchons. Quand la pratique est divergente, la seule ressource est d'en appeler aux premiers principes, qui peuvent au moins toujours donner des préceptes moraux, alors même qu'ils ne peuvent fournir des bases légales.

§ 64

exercée en

droit légal

Dans la plupart des cas la question de l'intervention est Intervention une question politique, mais il y a des circonstances excep- vertu d'un tionnelles, où c'est l'objet d'un droit légal, comme Oppenheim l'a clairement démontré,1 bien que le droit soit parfois purement technique et ne puisse être exercé sans préjudice moral. La stricte légalité peut être réclamée pour les

Interventions en vertu d'un droit conféré, soit par un traité, soit par le droit commun international. Quand un État accepte la garantie d'une de ses possessions ou de sa dynastie ou d'une forme spéciale de gouvernement, 1 International Law, vol. i, pp. 183, 184.

d'intervenir.

il ne souffre pas de préjudice légal quand l'État garant intervient en exécution des stipulations du traité, bien qu'il puisse souffrir un préjudice moral quand ces stipulations paralysent des fonctions qu'il devrait pouvoir exercer librement, par exemple le choix de ses gouvernants. De plus, les États clients sont dans l'obligation de se soumettre à l'immixtion et à la direction prévues dans les actes qui définissent leurs rapports entre eux et l'État patron. L'intervention, par exemple, des États-Unis à Cuba en 1906 était parfaitement légale, comme rentrant dans les termes de l'accord de 1901.1 Bien plus, il est possible qu'un État arrogant puisse prétendre mettre à néant quelque droit fondamental donné par le droit international à tout membre de la Société des États, tel que

l'inviolabilité des ambassadeurs et de leurs résidences. En ce cas tous les États seraient lésés directement ou indirectement et tous auraient le droit légal d'intervenir, comme l'a fait un groupe de Puissances en Chine en 1900 après la meurtrière attaque des envoyés étrangers à Pékin. Les mêmes considérations s'appliquent aux interventions faites en vue d'empêcher ou de faire cesser des interventions illégales de la part d'un autre État, comme en 1866 les États-Unis, par de significatives allusions à la possibilité d'une guerre, forcèrent Napoléon III à retirer ses troupes du Mexique. Les troupes françaises avaient été envoyées en 1861 avec des forces anglaises et espagnoles pour contraindre le gouvernement du Mexique au paiement de certaines réclamations pécuniaires et à d'autres redressements de torts; mais la Grande-Bretagne et l'Espagne s'écartèrent de l'entreprise quand elles s'aperçurent que la France était déterminée à s'immiscer dans les affaires intérieures du Mexique. A leur départ, une armée française institua l'archiduc Maximilien d'Autriche empereur du Mexique; mais, les troupes retirées, il perdit en peu de mois le trône et la vie.2

1 V. § 39.

2 Moore, International Law Digest, vol. vi, pp. 483-506; Calvo, Droit international, §§ 118-125.

Les interventions de droit sont assurément légales; mais sont-elles justes? Tout dépend des circonstances de l'espèce. Certainement elles ne violent aucun droit d'indépendance, parce que les États qui les subissent ont, soit concédé préalablement par traité le droit d'intervenir, soit accepté l'intervention comme une partie de la loi de la société à laquelle ils appartiennent.

§ 65

qu'aucun

droit strictene justific basées sur

ment légal

Nous arrivons aux interventions qui sont, techniquement, Intervendes violations du droit d'indépendance. On ne peut donc tions prétendre à leur stricte légalité. Cependant il est des circonstances où le droit international peut, soit les excuser, soit même les approuver. Le premier cas à considérer est celui des Interventions pour prévenir un danger imminent qui menace l'intervenant.

Le devoir de se conserver est même plus sacré que le devoir de respecter l'indépendance d'autrui. Si les deux sont en. conflit, l'État, naturellement, agit conformément au premier. Et la doctrine que le soin de la conservation l'emporte sur tout autre n'est pas spécial au droit international. Dans tout État civilisé une femme qui tue un homme pour défendre son honneur n'encourt aucun blâme, et durant l'invasion les autorités militaires peuvent détruire la propriété dont la destruction est nécessaire pour l'accomplissement des opérations de guerre contre l'ennemi. Par analogie de raisonnement on obtient la règle que l'intervention pour écarter un péril imminent qui menace l'intervenant est justifiable. Mais on notera soigneusement que le danger doit être direct et immédiat, non-contingent et éloigné, et, de plus, suffisamment important en lui-même pour justifier un sacrifice d'argent et de sang pour l'écarter. La simple crainte qu'une chose faite aujourd'hui par un État voisin puisse un jour être dangereuse si cet État plus tard devenait hostile n'est pas une juste base d'intervention. S'il en était ainsi, les

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