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efforts de changement,1 la règle de la limite des trois milles est part et portion du droit international moderne. Mais une tendance à rouvrir la question se montre actuellement. Elle est amplement justifiée par l'accroissement de l la portée de canon de trois à quinze milles. L'Institut de droit international a discuté la question dans sa session de Paris de 1894. Il a fait une distinction nette entre les eaux territoriales et les eaux sur lesquelles un État neutre pourrait exercer l'autorité nécessaire pour le respect de sa neutralité. En insistant sur l'insuffisance de la lieue marine pour la protection de la pêche côtière, il a suggéré l'exten- CA sion de la zone territoriale à six milles et donné à tout État neutre la faculté de déclarer aux belligérants le nombre de milles marins estimés par lui nécessaires à la garantie effective de sa neutralité, à condition cependant de ne pas dépasser la portée des batteries côtières. Il recommandait aux Puissances maritimes de se réunir en Congrès pour adopter des règles et d'autres. Les États sont cependant lents à se mettre en mouvement. Le Congrès suggéré n'a jamais été tenu, et, tout récemment, en 1904, le Gouvernement britannique a déclaré à la Chambre des Communes. qu'il n'était pas prêt à reconnaître une extension de la limite des trois milles, et, en 1911, il a protesté contre la tentative russe d'étendre la limite de douze milles afin de protéger les pêcheries d'Arkhangel.3

En troisième lieu, l'État, de l'avis général, possède, en plus de la lieue marine, les petites baies et les estuaires qui échancrent sa côte et les détroits de petite ouverture dont les deux rives sont dans son territoire. Le régime de ces détroits se règle par une simple déduction des principes antérieurement posés. Si le passage est inférieur à six milles, il est dans toute son étendue mer territoriale, parce qu'une lieue marine, mesurée de chacune des deux rives, le couvre dans toute son étendue. S'il a plus de 1 Bluntschli, Droit international codifié, § 302; Phillimore, Commentaries upon International Law, part III, ch. viii.

2 Annuaire de l'Institut de droit international, 1894-1895, pp. 281-331. 3 Times de Londres, 3 juin 1904 et 25 février 1911.

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six milles, une lieue de chaque côté appartient à l'État côtier et le milieu du chenal fait partie de la haute mer, qui n'appartient pas à l'État, mais reste commun à tous pour l'usage et le passage. L'usage, cependant, modifie parfois cette règle. Par exemple, le détroit de Fuca, entre l'île de Vancouver et le territoire des

États-Unis, se partage entre la Grande-Bretagne et les ÉtatsUnis, bien que sa largeur varie de dix à vingt milles. Au regard des baies et des estuaires, il y a plus de doute. Le principe que ceux d'entre eux qui sont étroits appartiennent à l'État qui possède le territoire adjacent est universellement admis. Pour se protéger contre des ennemis possibles, il est en droit d'exercer les pouvoirs de la propriété sur ce qui constitue réellement les grandes portes de son territoire. Mais, quand on en vient à définir l'exacte étendue des eaux qui peuvent être appropriées en vertu de ce principe, on ne trouve plus d'accord général. Si la distance de point en point à travers l'embouchure de la baie n'est plus que de six milles, cette baie devient eau territoriale, en vertu de la règle acceptée de la lieue marine. Il y a cependant une tendance à considérer que cette longueur devrait être étendue ; mais le commun consentement des nations ne s'est pas actuellement fixé sur une limite généralement acceptée, bien qu'il y ait un nombre considérable d'autorités en faveur des dix milles. Telle a été la règle adoptée par la Convention franco-anglaise sur la pêche de 1839;1 mais l'Institut de droit international, dans sa session précitée de Paris, s'est prononcé à une grande majorité en faveur de l'élévation de la limite à douze milles. La Commission mixte nommée en vertu de la Convention de 1853 entre la Grande-Bretagne et les États-Unis pour régler les réclamations réciproques de leurs nationaux contre les deux États s'est occupée des questions de pêche et a décidé, contrairement à la prétention de la Grande-Bretagne, que la baie de Fundy n'était pas eau territoriale anglaise, pour la raison entre autres que la distance de cap à cap à son ouverture était supérieure à dix milles.2

1 Hertslet, Treaties, vol. v, p. 89.

2 Wheaton, International Law (Dana's ed.), note 142; Moore, International Law Digest, vol. i, pp. 785-787..

En 1888 un traité de pêche a été négocié à Washington entre les deux États, mais n'a pas eu d'effet; le Sénat des ÉtatsUnis a refusé de le ratifier. Il est cependant important, dans le cas présent, parce qu'il adopte la ligne de dix milles relativement aux baies, criques et rades qui ne font pas l'objet, dans ses articles, d'une disposition spéciale;1 mais on ne peut dire qu'il y ait ici une règle déterminée du droit international comme il en existe une au cas de la lieue marine.

Les prétentions des États aux grandes étendues d'eau côtière prétentions qui sont elles-mêmes des vestiges de leur plus grande prétention à la souveraineté des océans et des mersaccroissent la difficulté de la question. Plusieurs d'entre elles sont mortes ou dormantes; mais quand un droit de pêche appréciable est retenu pour des pêcheurs indigènes par l'affirmation de la souveraineté sur une baie de dimensions considérables, ou quand des considérations de protection personnelle ou d'avantages politiques se présentent, les États insistent pour obtenir, et souvent obtiennent, la reconnaissance de leur réclamation, plus d'une fois basée sur un précédent très ancien. Ainsi la réclamation de la Hollande sur le Zuyderzée est généralement reconnue, et certains auteurs ont soutenu que les États-Unis possédaient en pleine propriété les baies de Chesapeake et de Delaware.2

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La Grande-Bretagne a presque oublié ses prétentions à la souveraineté sur ce qu'elle nommait les King's Chambers, c'està-dire les portions de la mer libre coupées par des lignes imaginaires, de cap à cap, le long de sa côte; mais elles n'ont jamais été formellement repoussées, et, par la convention sur la pêche de 1839, ci-dessus mentionnée, des exceptions ont été portées jusqu'à la limite de dix milles. Le plus qu'on en puisse dire est qu'il y a une tendance parmi les États maritimes à adopter cette règle, qui probablement deviendra bientôt la loi du monde civilisé. Il est, d'autre part, universellement reconnu que lors

1 British Parliamentary Papers, United States, No. 1 (1888).

2 Ortolan, Diplomatie de la mer, vol. ii, ch. viii, p. 163; C. F. de Martens, Précis, § 42; Kent, Commentary on International Law (Abdy's ed., pp. 113, 114).

3 Walker, Science of Internatiɔnal Law, p. 170, notes 3 et 4.

L'air au

dessus d'un État fait-il

qu'une baie ou un estuaire est eau territoriale la lieue marine doit être mesurée d'une ligne imaginaire qui coupe son ouverture.

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En quatrième lieu, un État possède les îles qui bordent sa côte. Leur domination est essentielle à sa paix et à sa sécurité. La question s'est élevée en 1805 à propos de l'Anna,1 navire d'un caractère quelque peu douteux, capturé sous pavillon américain par un corsaire anglais, près de l'embouchure du Mississipi. La saisie se fit à plus de trois milles de la terre ferme, mais à moins d'une lieue d'une chaîne d'îles vaseuses qui formaient une sorte de portiqué à la terre ferme'. Les ÉtatsUnis étaient neutres dans la guerre entre la Grande-Bretagne et l'Espagne et leur ministre à Londres réclama le navire en Cour de prise britannique, sur le fondement que la capture avait été faite dans les eaux territoriales américaines. Dans son jugement, Lord Stowell admit cette prétention et ordonna de relâcher le navire. Il estimait que les îles, quoique non assez fermes pour être habitables, devaient être néanmoins regardées comme une partie du territoire, car elles s'étaient formées par alluvions de la terre ferme et leur possession commandait le fleuve. Si elles n'appartenaient pas aux États-Unis d'Amérique, une autre Puissance pourrait les occuper. Elles pouvaient être endiguées et fortifiées. Quelle menace ne serait-ce pas contre l'Amérique? Il n'y a pas de doute que la décision de Lord Stowell ne fût juste et la règle qui s'en dégage a généralement été reconnue.

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§ 73

Nous avons vu que les États peuvent posséder la terre et l'eau. Peuvent-ils aussi posséder l'air? L'atmosphère qui s'étend aupartie de son dessus d'eux est-il soumis à leur souveraineté ou, comme la haute territoire ? mer, est-il libre de la juridiction territoriale de tout État? Ces questions sont devenues fécondes en applications pratiques à cause des grands progrès que les hommes ont récemment faits dans la conquête de l'air. Nous avons aujourd'hui des ballons dirigeables, des aéroplanes, des cerfs-volants qui enlèvent un 1 C. Robinson, Admiralty Reports, vol. v, p. 373.

2 Justinien, Institutes, liv. II, tit. i, 20.

homme, et des machines volantes de divers modèles. Il semble certain qu'avant longtemps l'air sera parcouru dans toutes les directions, quoique la question de savoir s'il pourra servir de route pour le commerce ou de champ de bataille pour des flottes de guerre soit un problème non encore résolu. Mais le fait qu'il peut, dans des conditions favorables, être traversé par des machines qui y demeureront suspendues pendant plusieurs heures, conduira certainement à l'employer en temps de guerre pour découvrir la force et les ressources de l'ennemi. Bien plus, des bombes peuvent être lancées, en passant, du haut des ballons sur des forteresses ennemies, des magasins et des navires de guerre. Les États feraient bien de poser quelques règles simples en anticipation de telles possibilités. Sans s'arrêter à discuter les codes de l'air suggérés par les juristes, on peut noter que le principe fondamental sur lequel toutes les règles doivent reposer n'est pas encore établi. Les États ont-ils un droit de propriété sur l'air qui s'étend au-dessus de leur territoire, ou doit-on poser, au contraire, la doctrine de la liberté de l'air? L'opposition n'est pas si grave qu'elle le semble. Adopte-t-on la territorialité de l'air? On peut être assuré que les États autres que l'État territorial recevront le droit de passage innocent. Accepte-t-on la liberté de l'air? On peut être assuré qu'elle sera restreinte par la concession à l'État du pouvoir de se protéger, lui et ses sujets, contre l'usage nuisible de l'élément commun. Les réelles difficultés de la question apparaîtront quand les États s'apprêteront à formuler des règles détaillées. Une conférence internationale sur le droit de l'air, tenue à Paris en 1910, s'est ajournée sine die après avoir terminé un projet de convention dont les gouvernements devront étudier avec soin les dispositions.1

§ 74.

un

Ayant vu de quoi se compose le territoire d'un État, nous Modes d'acdevons maintenant examiner comment il s'acquiert. On reconnaît la validité de différents titres. Ils peuvent se diviser en titres qui proviennent des modes originaires d'acquisition, et

1 Times de Londres, 29 novembre et 16 décembre 1910.

quisition par État de territoires: (1) Occupation.

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