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droit international est, dans bien des détails, particulièrement sujet aux contestations et aux doutes, parce qu'il est basé sur l usage et sur l'opinion. Parfois il y a deux ou plusieurs usages différents, chacun appuyé sur un nombre considérable de précédents, et chacun soutenu par une partie appréciable de l'opinion. Parfois s'élève une nouvelle question, qui diffère sous plusieurs rapports de toutes celles antérieurement connues. Aucun des précédents ne lui convient, et, parmi les principes reçus, plus d'un peut fournir le principe qui réglerait le différend. Après avoir été discuté, débattu et peut-être combattu pendant plusieurs années, un ensemble de coutumes, clair et homogène, émerge, à cet égard, de la confusion, et un nouveau groupe de règles s'ajoute au droit international. Les controverses d'une génération produisent le droit incontesté de la suivante; en même temps une nouvelle série de difficultés s'élève, qui à son tour donne naissance à un nouveau chapitre du droit reconnu. Il y a une grande place pour la discussion dans le règlement de ces difficultés; et les principes éthiques devraient être mis au premier plan par tous les écrivains qui s'occupent de ces questions. Les nations ne peuvent assurément pas oublier les considérations d'intérêt personnel; mais le publiciste doit s'élever au-dessus des préventions nationales, et s'efforcer que le système qu'il expose soit à la fois le plus scientifique et le plus juste. Le fait que, ces dernières années, le monde civilisé a commencé de s'assembler aux Conférences de la Haye,' dans le but de discuter des questions nouvelles et d'éclaircir les doutes relatifs aux règles existantes, fortifie la proposition énoncée dans les phrases précédentes. Si l'opinion des nations que nous désirons éclairer est périodiquement en action dans une grande assemblée revêtue d'un pouvoir quasi-législatif, c'est un devoir d'autant plus impérieux pour nous de lui adresser nos arguments les plus pressants, dans l'espérance d'influer sur ses décisions pour le bien.

1 V. §§ 32, 33.

Sommaire des conclu

sions de ce chapitre.

§ 12

Nous sommes à présent en état de résumer les conclusions d'une suite de raisonnements longue et compliquée. En peu de mots, les voici. La discussion engagée sur le point de savoir si le mot loi est le terme propre pour désigner les règles de la conduite internationale est une pure logomachie. Si l'on tient que toutes les lois sont des ordres émanés de supérieurs, le droit international n'est pas ainsi bien nommé. Si l'on tient que tous les préceptes qui règlent la conduite sont des lois, le droit international est ainsi bien nommé. Presque tous les auteurs appliquent le terme loi aux règles qui guident les États dans leurs relations mutuelles. Il semble donc que le mieux est d'adopter ce terme, à condition de le prendre dans le second sens. Le droit international commence d'abord par s'enquérir des pratiques des États dans leurs rapports mutuels et des principes reconnus qui leur servent de base. Après les avoir trouvés, il doit les classifier, en déduire des règles et les réduire en système. Incidemment, d'ailleurs, il s'occupe de ce que les règles devraient être, toutes les fois qu'une modification semble désirable, ou qu'un doute est à lever. Quiconque écrit sur le droit international doit, par conséquent, cesser de s'appuyer exclusivement sur la méthode d'observation et de classification, quand il veut éclaircir un point douteux ou provoquer une réforme nécessaire. Pour un moment sa science cesse d'être inductive, et il s'élève au raisonnement général, comprenant que, s'il persuade tous les intéressés au point d'influer sur leur conduite, il résout ipso facto le doute ou change la loi. En un sens il légifère lui-même, car il crée l'opinion qui est réellement souveraine. Il le fait sans quitter la méthode positive, en mêlant l'idéal au réel. Une règle peut devenir avec le temps une partie du droit international, grâce à la force de ses arguments; mais on ne doit pas la nommer loi tant qu'elle ne jouit pas de l'adhésion générale et qu'elle n'est pas entrée dans les usages des États.

CHAPITRE II ·

L'HISTOIRE DU DROIT INTERNATIONAL

§ 13

du droit

l'ancienne

Rome. Elle

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diviser en

Le droit international est, on le sait, un système de L'histoire règles de conduite des Puissances civilisées. Il a pris son international origine en Europe, puis étendu son autorité sur les États remonte à situés hors des limites de l'Europe à mesure qu'ils s'adaptaient Grèce et à à la civilisation européenne. Son plein développement peut se est un produit des temps modernes. Ses grands principes trois datent d'un peu plus de trois siècles. Mais quelques-unes périodes. de ses parties, par exemple le droit des immunités diplomatiques, peuvent être ramenées à une bien plus haute antiquité: il semble donc préférable de commencer l'esquisse de son développement en remontant à la République romaine et aux petites cités États de l'ancienne Grèce. A partir de cette origine, nous diviserons l'histoire du droit international en trois périodes, dans chacune desquelles une idée fondamentale différente a dominé l'esprit humain sur les relations extérieures des communautés politiques. Mais il n'y a pas de lignes de démarcation fortement tracées entre les périodes. Chacune passe par degrés à celle qui suit pendant un temps de lutte entre l'ancienne et la nouvelle idée. Les deux premières périodes sont préparatoires. Nous n'y trouvons que les germes de ce qui, dans la troisième, devait atteindre une vie puissante.

§ 14

Dans la
première
période -
des temps les

plus reculés

La première période s'étend des temps les plus reculés à l'établissement de la domination universelle de Rome sous les Césars. Sa marque distinctive est la croyance que les nations avaient des devoirs, les unes à l'égard des autres, si elles à l'Empire étaient de même race, mais non sans cela. comme tels, n'avaient ni droits, ni devoirs.

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Romain

Les États, les États
Le lien de

n'avaient comme tels

ni de devoirs

entre les

communautés hellènes.

2

pas de droits parenté, réelle ou supposée, proche ou éloignée, par le père ou réciproques. la mère, était la base de toute l'ancienne société; et, de La parenté était la base même qu'il déterminait la condition de l'individu dans des relations l'État, de même aussi il prescrivait et limitait les devoirs de l'État à l'égard des autres États. Cela ressort très clairement de l'histoire de la Grèce. Dans les poèmes homériques, la piraterie et le pillage sont tenus pour honorables, il n'y a pas de distinction entre l'état de guerre et l'état de paix. Les personnes des hérauts étaient, en vérité, respectées, mais ce respect semble avoir tenu au sentiment religieux tout autant qu'au sentiment d'un devoir de tribu. Et la même cruauté qui distingua la société primitive paraît avoir duré, à l'égard des Barbares, jusqu'à la fin de l'indépendance politique des États de la Grèce ancienne. Aristote déclare froidement que la nature a destiné les Barbares à l'esclavage,1 et, parmi les moyens naturels et honorables d'acquérir, il classe la guerre en vue de réduire à l'esclavage ceux d'entre les hommes que la nature y a destinés. A une date encore plus récente, dans le discours des ambassadeurs macédoniens pressant l'Assemblée étolienne de faire la guerre à Rome, se placent ces paroles: Cum barbaris aeternum omnibus Graecis bellum est, eritque.' C'était sans doute un trait de rhétorique, mais le fait qu'il ait pu être employé est significatif. Si l'on réfléchit que par Barbares on entendait simplement les non-Grecs, on voit aussitôt que les Grecs ne se reconnaissaient aucun devoir envers les nations qui n'étaient pas de leur race. Mais, entre eux, ils avaient un droit international rudimentaire basé sur l'idée que tous les peuples helléniques, étant d'une seule race et d'une même religion, étaient unis par des liens qui n'existaient pas entre eux et le reste du monde. Ils commirent souvent des actes d'une cruauté féroce dans les guerres qu'ils se firent, mais néanmoins ils reconnaissaient les règles d'après lesquelles ceux qui 2 Ibid., liv. I, ch. viii.

1 Politique, liv. I, ch. ii, vi.

3 Tite-Live, Histoire, liv. xxxi, ch. 29.

mouraient en combattant devaient recevoir une sépulture, ceux qui avaient cherché asile dans les temples d'une ville prise devaient avoir la vie sauve, et ceux qui participeraient aux jeux publics ou aux principales assemblées du culte hellénique ne devaient être aucunement molestés.1 Lorsque Rhodes fut devenue la grande puissance navale de la mer Égée, un code maritime parut qui sous le nom de Lois des Rhodiens fut observé partout où s'étendait le commerce grec. Ce code a une histoire singulière et importante. Les empereurs romains en tirèrent plusieurs règles commerciales et maritimes, dont, après la renaissance du commerce, de vagues réminiscences aidèrent à former le Consulat de la Mer, le grand Code maritime du Moyen Age, d'où nous sont venus les principaux éléments du droit moderne des prises maritimes, et plus d'une règle commerciale moderne.2

§ 15

ne possédait

table droit

Chez les Romains de la République il y a peut-être moins La Rome de traces d'un véritable droit international que chez les républicat Grecs. Rome se tenait seule dans le monde. Elle ne faisait pas de véripas partie d'une société d'États; et, par conséquent, dans ses international. rapports avec les autres États, elle était rarement retenue par l'idée qu'ils eussent des droits contre elle. Son ius feciale, et la règle qui excluait de ses armées tous ceux qui n'avaient pas prêté le sacramentum, ou serment militaire, venaient, partie du sentiment religieux, partie de l'amour de l'ordre qui distinguait les anciens Romains. Ils ne provenaient, en aucune façon, de l'idée que Rome avait des devoirs envers les autres nations. Il incombait aux Féciaux d'exiger satisfaction des États étrangers, et de faire de solennelles déclarations de guerre en vouant l'ennemi aux dieux infernaux ; mais la loi qui leur imposait ces fonctions était une pure règle de

1 Grote, Histoire de la Grèce, part. II, ch. ii.

3

2 Pardessus, Us et Coutumes de la Mer, vol. i, pp. 21-34, 209-260, et vol. ii, pp. 1-368.

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