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préférence pour le cas où elle viendrait à partager ses possessions,1 et en 1898 la Chine promit à la Grande-Bretagne, par une convention expresse, de ne céder, louer à bail ou hypothéquer aucune portion de la vallée du fleuve Yang-Tsé-Kiang à aucun autre État. Vers le même temps elle conclut des arrangements analogues avec la France 2 et d'autres pays. Le pouvoir ainsi acquis sur le territoire qui est l'objet de l'engagement est passif plutôt qu'actif. Il n'emporte avec lui aucune autorité actuelle ; mais il ouvre la possibilité d'exercer l'autorité dans l'avenir, si l'État possesseur se démembrait, ou se trouvait forcé de partager le territoire désigné dans la Convention. Au moment où la Chine contracta les engagements ci-dessus, elle paraissait être dans un imminent danger de dissolution, et les États animés d'une ambition mondiale désiraient se créer des titres spécieux qui pourraient servir quand la lutte prévue pour le partage de l'empire aurait commencé. Mais depuis lors elle a éprouvé un merveilleux réveil de force, dû à une vague de sentiment patriotique qui a passé sur son peuple et lui a donné un ardent désir d'avoir, avec un meilleur gouvernement à l'intérieur, une plus grande considération à l'étranger. Il serait téméraire d'aventurer une opinion confiante dans son avenir. Mais ce qu'on peut du moins hasarder, c'est que l'éventualité envisagée dans les engagements que nous avons cités n'est pas très imminente. Ils ne peuvent passer pour avoir créé rien de plus qu'un douteux droit de retour '; et il semble excessivement probable que le retour n'aura jamais lieu.

§ 84

pays

à charte et

La Grande-Bretagne, l'Allemagne et d'autres Puissances Compagnies colonisatrices ont adopté la politique d'autoriser des compagnies œuvre de privilégiées à entreprendre le premier développement des pénétration. nouvellement placés sous leur influence, leur protection ou leur autorité. Souvent, à la vérité, les compagnies commencent leur œuvre avant que les diplomates 'interviennent pour délimiter les

1 Nys, Droit international, vol. i, p. 103.

3 Westlake, International Law, part I, p. 133.

2 Ibid., vol. ii, p. 103.

territoires réservés à leurs États respectifs. Nous avons déjà essayé d'établir la position de ces compagnies dans le droit international.1

Il suffira d'ajouter ici que le contrôle exercé sur elles par la mère-patrie peut difficilement être bien effectif et bien continu; que, dans son effort pour éviter les responsabilités et les laisser retomber sur les épaules des membres d'une association, elle peut souvent s'engager dans des transactions de nature plus douteuse et d'exécution plus lourde que si son contrôle avait été direct. Par exemple, lorsqu'en 1889 les indigènes de la sphère d'influence allemande de l'Afrique Orientale attaquèrent les stations de la Compagnie allemande de l'Afrique Orientale, le Gouvernement impérial envoya des navires et des troupes pour aider à réprimer la révolte.2 Il ne pouvait pas voir avec calme égorger ses sujets par les indigènes; cependant, si l'administration de cette région avait été dans ses mains, il aurait probablement évité les mesures tyranniques que prirent les agents de la compagnie, qui furent grandement responsables du soulèvement. L'histoire du royaume indigène de l'Ouganda, dans l'Afrique Orientale Anglaise, est un autre cas analogue. Sous l'administration de la Compagnie britannique de l'Afrique Orientale, les passions politiques et religieuses semblent avoir été excitées; elle se montra tout à fait incapable de les contenir. Le Gouvernement britannique fut obligé d'envoyer ses propres agents dans le pays, et d'exercer un grand contrôle sur ses affaires afin de rétablir la paix ; 3 puis, en avril 1894, il décida d'yétablir un protectorat. Les responsabilités, qu'il ne cherchait point, mais voulait éviter, étaient retombées sur lui. Il avait eu les mains forcées, et cela par suite de sa politique même qui voulait étendre le commerce et l'influence de l'Angleterre sans les efforts et les obligations de l'État. Il est impossible à un gouvernement d'accorder à une association de ses sujets des pouvoirs presque égaux à ceux de la souveraineté, sans être tôt ou tard impliqué dans ses affaires, comme le fut en 1893 le 2 Annual Register, 1889, pp. 301–304. 3 Ibid., 1892, pp. 342-345.

1 V. § 42.

Gouvernement britannique, tout à fait contre son gré, dans la guerre faite par la Compagnie de l'Afrique du Sud britannique aux Matabélés et à leur chef Lobengula.1 Un cas plus grave se présenta lorsqu'en décembre 1895 une partie des forces de la Compagnie de l'Afrique du Sud fit une incursion illégale et non autorisée dans le territoire de la République du Transvaal. Cet acte injurieux plongea le Gouvernement britannique dans un dédale de complications, et contribua à faire naître la guerre des Boers de 1899-1902. Il y a sans doute une grande force d'attraction dans l'idée d'ouvrir de nouveaux territoires à l'influence commerciale et politique d'un pays, sans rien ajouter à ses charges financières ou à ses obligations internationales. Mais l'expérience montre que le charme de l'idée disparaît vite, et l'État qui cherche à gagner de la puissance sans la responsabilité obtient en place la responsabilité sans la puissance. Aux temps où les communications étaient difficiles, et où les parties distantes du globe demandaient un voyage très long, de fortes raisons existaient pour autoriser des gens qui tout au moins étaient sur les lieux à entreprendre une tâche que le gouvernement du pays était incapable de comprendre et de contrôler, et à courir des risques que sans une extrême imprudence l'État n'aurait pu affronter. Mais aujourd'hui qu'il est possible aux autorités d'une nation de connaître et de diriger les évènements qui s'accomplissent aux extrémités de la terre, des responsabilités aussi hautes que celles de gouverner et de civiliser les races arriérées de l'humanité ne doivent être assumées que par un État qui en a évalué les frais et qui juge bon d'en porter la charge. Les affaires de gouvernement doivent demeurer distinctes de celles qui ont pour but l'acquisition de la richesse. Quand le principal objet d'une organisation est le payement de dividendes, tous les autres objets sont près de lui être sacrifiés l'immorale histoire du Congo le prouve d'une façon concluante.

:

1 Statesman's Year Book, 1894, p. 195.

§ 85

Droits sur les eaux.

(1) Préten

tion à

la souve

haute mer.

Nous devons maintenant tourner notre attention vers les droits territoriaux sur les eaux, et les prétentions des États d'y exercer l'autorité souveraine. Il était impossible de traiter ces quesraineté sur la tions quand nous discutions les limites de la possession territoriale; et nous en avons réservé l'examen pour le moment où nous aurions épuisé les sujets du titre international. L'intérêt de certaines d'entre elles est principalement historique, tandis que d'autres sont des questions de grande importance de nos jours. Nous serons donc mieux préparés à nous attaquer aux dernières si nous avons quelque connaissance des premières. Nous prendrons d'abord le sujet des

Droits à la souveraineté sur la haute mer. Primitivement la mer était parfaitement libre, bien que, comme Sir Henry Maine le dit justement, elle fût commune à tous * seulement dans le sens qu'elle était universellement ouverte à la déprédation'. Dans le droit romain, c'était une des res communes. Mais au Moyen Âge les Puissances navales de l'Europe prétendirent exercer la souveraineté territoriale sur les parties de la haute mer qui étaient adjacentes à leur territoire terrestre, ou, pour une autre cause, étaient, à quelque degré, sous leur contrôle. Ainsi Venise revendiqua l'Adriatique, le Danemark et la Suède déclarèrent tenir la Baltique sous leur souveraineté conjointe, et l'Angleterre affirma son droit sur les mers qui environnent ses côtes depuis le Stadland en Norvège jusqu'au Cap Finistère en Espagne, et même jusqu'à la côte de l'Amérique et aux régions inconnues du Nord. Le Danemark fit une contre-réclamation des Mers Arctiques, et spécialement une grande zone autour de l'Islande où il y avait d'appréciables pêcheries. Ces prétentions, tout exorbitantes qu'elles nous paraissent, n'étaient point un mal sans mélange de bien au Moyen Âge, où la piraterie était un métier florissant, et où les navires

1 International Law, p. 76.

2 Justinien, Institutes, liv. II, tit. i, 1.
3 Selden, Mare clausum, liv. II, ch. i.

des pirates étaient assez puissants pour insulter les rivages des Puissances civilisées et faire des captures jusque dans leurs ports. L'État qui prétendait posséder une mer était obligé de la 'surveiller', c'est-à-dire d'y remplir les devoirs de police; cette obligation était plus ou moins complètement remplie par l'Angleterre et les autres Puissances navales. De plus, le droit de souveraineté n'était pas considéré comme ayant pour résultat le droit d'exclure les bâtiments des autres nations des eaux en question. Des taxes furent souvent levées pour procurer les fonds destinés à combattre les pirates et à maintenir la paix sur les mers, et le droit de pêche était accordé aux étrangers en échange d'un paiement en argent. De fait, aucun sérieux inconvénient ne paraît avoir été ressenti jusqu'après la découverte de l'Amérique. Cet évènement donna une grande impulsion au commerce et à la navigation, et, en même temps, excita un grand désir de la part des Espagnols d'être les seuls possesseurs de la richesse du Nouveau Monde. Dès lors, non seulement ils revendiquèrent l'Océan Pacifique par droit de conquête, mais ils s'efforcèrent même d'en exclure les navires des autres Puissances. Vers le même temps, le Portugal adopta la même politique au regard de l'Océan Indien et de la route nouvellement découverte autour du Cap de Bonne-Espérance. Les autres Puissances maritimes ne tinrent aucun compte de ces prétentions extravagantes. Les explorateurs français et anglais trafiquèrent, combattirent et colonisèrent en Amérique avec un médiocre respect pour les prétendus droits de l'Espagne ; et la Hollande envoya ses flottes aux Iles aux Épices de l'Orient sans prendre la peine de demander permission et licence du Portugal. Les souverains et les juristes de ces agressives nations cherchèrent la justification. théorique de leurs actes dans la nouvelle doctrine, ou plutôt la vieille doctrine ressuscitée, d'après laquelle la mer ne pouvait être l'objet d'une propriété permanente. Élisabeth d'Angleterre dit à l'ambassadeur espagnol accrédité à sa Cour qu'aucun peuple ne pouvait acquérir un droit sur l'Océan, dont l'usage au contraire était commun à tous. Grotius de Hollande publia une savante thèse en faveur de sa liberté en 1609. Dans la suite, il

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