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tannique. Mais la pratique s'adoucit à proportion que le siècle s'avançait, et graduellement l'opinion changea jusqu'à ce que, par la loi de naturalisation de 1870,1 la vieille doctrine du common law fut abandonnée et que la Grande-Bretagne reconnut la naturalisation de ses sujets à l'étranger. La loi pose qu'ils perdent leur nationalité britannique en prenant volontairement la nationalité d'un autre État, et, au regard des citoyens naturalisés de la Grande-Bretagne, déclare qu'ils seront protégés en quelque lieu que ce soit, sauf dans le pays de leur allégeance d'origine : ils n'auraient pas droit au privilège des citoyens anglais dans ses frontières, à moins qu'en acquérant leur nationalité nouvelle ils n'aient cessé d'être sujets conformément à ses lois ou aux stipulations d'un traité fait avec lui par la Grande-Bretagne.

Cette règle semble mieux d'accord avec les vrais et indiscutables principes. Un État envisagé comme une unité politique indépendante a le droit d'accepter comme citoyen à ses propres conditions tous ceux qui peuvent venir dans son territoire et désirent s'attacher à lui. Mais il peut difficilement prétendre dicter à un autre État les conditions auxquelles cet État abandonnerait toute réclamation à l'allégeance de ses propres sujets. Ce serait s'immiscer dans la sphère de sa législation et faire brèche à son indépendance.

On ne saurait trouver plus sûre méthode de production de complications internationales, tandis que la règle en vertu de laquelle on laisse à l'État d'origine le soin de déterminer s'il reconnaîtra ou non la nouvelle nationalité, quand l'individu qui l'a acquise retourne dans son territoire, exclut toute controverse en reconnaissant à la fois le droit de l'État qui naturalise d'acquérir des citoyens à sa manière et le droit de la mère patrie de traiter à la sienne, chez lui, toutes personnes qui sont ses sujets aux termes de la loi locale. Les États-Unis et quelques autres pays, nous venons de le voir, s'efforcent de régler ces questions par traité. On ne peut dire qu'il y ait une règle de droit international à cet

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Étrangers domiciliés.

égard. Ni la doctrine ni la pratique ne sont encore suffisantes pour en créer une. On ne peut douter qu'un citoyen naturalisé puisse se dénationaliser, et se débarrasser de sa qualité acquise, de la même façon qu'il se débarrasse du caractère à lui donné par la naissance. S'il retourne dans son pays et manifeste l'intention d'y rester indéfiniment, il perd sa nationalité de naturalisation, mais ne regagne pas nécessairement sa nationalité de naissance. Pour pouvoir la reprendre, il doit avoir accompli les formalités requises par la loi de son pays d'origine.1

§ 97

Ayant ainsi parlé des sujets naturels-nés et naturalisés, nous avons maintenant à traiter des individus qui, non sujets, sont regardés comme résidents permanents. Quand tel est le cas, le problème se pose de savoir comment et par quelle loi décider des questions d'ordre privé, comme la capacité de contracter, l'âge de la majorité, la capacité testamentaire, et d'une façon générale tout ce qui se rapporte au statut personnel. Un intéressant chapitre d'histoire du droit pourrait s'écrire sur ce sujet ; il suffira de dire ici qu'à présent sur le continent européen la tendance est d'appliquer la loi du pays auquel l'individu appartient, tandis qu'en Angleterre et aux États-Unis on fait appel à la loi du pays où il a sa résidence permanente. Nous voyons ici un autre exemple de l'ancienne antithèse entre le ius sanguinis et le ius soli, mais chacune de ces vues est quelque peu modifiée en pratique, car le droit à la terre est déterminé par la loi du pays où elle est située, qui peut n'être ni la loi du lieu de résidence ni la loi du lieu de naturalisation. En dépit, cependant, de cette qualification, la détermination du statut personnel d'un individu est extrêmement important. La doctrine continentale que la loi est en principe personnelle a le mérite de la simplicité. La doctrine anglaise et américaine qu'elle

1 Moore, International Law Report, vol. iii, pp. 1744 et 1754.

est en principe territoriale a nécessité l'évolution d'une lex domicilii, applicable au cas où le sujet d'un État se trouve dans le territoire d'un autre. Quand de telles personnes, non seulement résident, mais encore ont l'intention de rester, on les appelle étrangers domiciliés et diverses règles ont pris naissance à leur égard. Comme plusieurs de ces règles ont trait à des questions de droit privé, elles restent en dehors du domaine du droit international public et nous n'y ferons ici qu'une brève allusion. Mais en tant qu'elles portent sur des questions de capture en mer de la propriété ennemie, et de soumission des étrangers domiciliés aux charges tant personnelles que pécuniaires de la guerre, elles forment une partie des règles de la guerre, et seront discutées quand nous en viendrons à cette partie de notre sujet.1

2

Un

D'après les autorités anglaises et américaines, il est possible de posséder, soit un domicile d'origine, qui, si les enfants sont légitimes, est celui du père au moment de la naissance, et, s'ils sont illégitimes, est celui de la mère au même moment, soit un domicile de choix, qui est le domicile délibérément adopté par une personne majeure. Jusqu'à l'âge de discernement, le domicile d'un enfant peut être modifié par un changement de domicile de la part de ses parents ou tuteurs, mais non de sa propre volonté; un domicile de choix n'est en aucune façon immuable. individu peut le perdre et en acquérir un autre par les mêmes moyens que ceux par lesquels il l'a acquis, et, s'il retourne dans son pays avec l'intention d'y rester, son domicile d'origine retourne aisément à lui. La lex domicilii détermine toutes questions de statut personnel qui ne sont pas purement politiques, elle règle la succession à la propriété mobilière en l'absence de testament et la validité du testament relativement aux biens mobiliers, et décide de la capacité de faire un contrat ordinaire et même de la capacité de se marier. Si grand est le respect du domicile en Angleterre, qu'un . tribunal anglais a validé un contrat fait en France par des

1 V. III® partie, iii, ch. ii.

2 Westlake, Private International Law, §§ 243, 253.

Voyageurs

personnes domiciliées en France avec l'intention de l'exécuter en France, et valable conformément à la loi française, bien qu'il eût dû être annulé pour des motifs d'ordre public s'il avait été fait en Angleterre. Mais il faut ajouter que ce jugement a été réformé en appel. D'autre part, si grand est le respect pour la nationalité en France que la loi regarde la capacité de se marier comme une partie du statut d'un citoyen français et la considère comme attachée à lui, en quelque lieu qu'il se rende, aussi longtemps qu'il garde sa nationalité française. Les mariages contractés par des Français à l'étranger doivent être faits suivant toutes les règles requises par la loi française, si l'on veut qu'ils soient valables en France comme dans le reste du monde.3

Pour le testament et à presque tous autres égards, un homme ne peut avoir qu'un domicile, mais au point de vue commercial il peut en avoir plus d'un, car il peut résider dans un pays et avoir une maison de commerce dans un autre, ou avoir une part dans plusieurs maisons situées dans divers pays.

§ 98

Les étrangers, même non domiciliés, dans un État, peuvent territoire. venir sous sa loi et juridiction dans une certaine mesure

traversant le

quand ils s'y trouvent comme voyageurs passant par son territoire. Ils sont alors sous la juridiction criminelle pour rupture de la paix et autres délits contre la personne et les biens, et tous leurs contrats peuvent être mis à exécution par une procédure dirigée contre leur personne comme aussi contre toute propriété qu'ils peuvent posséder dans l'État. Mais leurs droits politiques et leur statut personnel ne seraient aucunement affectés par leur séjour temporaire dans les limites d'un territoire étranger.

1 Kaufman c. Gerson et sa femme, Times de Londres, 11 mai 1903. 2 La réforme semble s'être basée sur une distinction entre la violation d'un principe essentiel de justice ou de moralité et la violation d'une règle du Droit anglais. V. Westlake, Private International Law, p. 284; Pollock, Contract, pp. 408-409; Dicey, Conflict of Laws, pp. 727-728. * Wheaton, International Law (Dana's ed.), p. 171 et la note.

§ 99

relatives aux

Les choses sont, comme les personnes, sous la juridiction de Règles l'État dans lequel elles se trouvent. Le plus important des différentes droits réels est la propriété immobilière, dont on peut dire sortes de d'un mot qu'elle comprend les maisons, les terres et générale- trouvant sur ment les immeubles.

En tout ce qui concerne la succession testamentaire et ab intestat, les contrats, la procédure légale, la lex loci rei sitae s'y applique. En ce qui concerne la propriété mobilière le principe de la territorialité, du domicile ou de la nationalité, peut s'y appliquer. Dans la grande majorité des cas, les deux premiers produiraient le même résultat, car un homme réside généralement où se trouvent ses biens. Mais, comme nous venons de le voir, le principe de la nationalité est généralement préféré, sauf par la Grande-Bretagne et les États-Unis, où le principe du domicile l'emporte. Il y a une espèce de meubles si importante et si exceptionnelle que le droit international la range comme si elle formait une classe à part et lui applique des règles spéciales. Nous pensons aux navires. L'autorité d'un État sur ses navires, tant publics que privés, dans ses eaux, est absolue. Sa juridiction s'étend aussi aux équipages. Ceux des navires publics, au service de l'État, sont sans doute pleinement et complètement sous son autorité; ceux des vaisseaux marchands viennent dans la juridiction territoriale même au regard des marins de nationalité étrangère. Les navires de commerce étrangers dans les ports et les eaux territoriales d'un Etat sont soumis à la loi locale et à la juridiction locale. En venant dans les eaux d'un pouvoir ami, ils se mettent pour le temps de leur séjour sous l'autorité de ce pouvoir. Tous les crimes commis à leur bord sont justiciables de ces tribunaux, les ministres de sa justice ont plein pouvoir pour y entrer et faire des arrestations, et les matelots sont soumis à la loi locale à bord de leur navire, aussi bien que sur le rivage.

Cette proposition est la conséquence nécessaire de la con

choses se

le territoire.

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