Page images
PDF
EPUB

entre étrangers de nations différentes elle est jugée par le tribunal consulaire du pays du défendeur. Règle générale: on peut faire appel dans les causes civiles de grande importance aux tribunaux supérieurs du pays du consul; et, dans les causes criminelles, les plus hautes sentences ne peuvent pas être rendues sans la ratification des autorités de la métropole. Quelquefois il est dit que les personnes inculpées de crimes graves seront envoyées dans leur pays pour y être jugées. Pour avoir droit à la protection d'un consul en Orient, il est nécessaire que les sujets de l'État qu'il représente se fassent enregistrer au consulat. L'enregistrement d'un chef de famille implique celui de tous les membres de la famille vivant sous le même toit. Dans tout l'Empire Ottoman l'Angleterre a un réseau de tribunaux vice-consulaires et consulaires dont le plus haut est celui du consul général à Constantinople. L'autorité de ses consuls, et celle de ses tribunaux consulaires dans les autres pays, dérive des Foreign Jurisdiction Acts (1843-1890) et des Ordonnances royales rendues en conformité des mêmes. L'autorité des tribunaux consulaires des États-Unis est fondée sur les Acts of Congress passés en 1848, 1860 et 1870. Mais il faut remarquer que ces lois et autres similaires des autres Puissances civilisées et chrétiennes ne pourraient donner aucune juridiction dans l'intérieur des États de l'Orient, sans les traités et règles coutumières par lesquelles le droit d'établir des tribunaux consulaires est expressément accordé par les souverains locaux.1 En Égypte le système consulaire fut remplacé en 1876, après des négociations qui durèrent près de dix ans, par un système de ‘tribunaux mixtes' communément appelés cours internationales. Les juges de ces cours sont, partie nationaux, partie étrangers, la majorité appartenant toujours aux seconds. Leurs pouvoirs et leurs fonctions sont réglés par un code détaillé; et la désignation des juges incombe à l'administration égyptienne

1 Halleck, International Law (éd. de Baker), ch. xi; Hall, Foreign Jurisdiction of the British Crown, pp. 132-203.

qui est cependant tenue, dans le choix des membres étrangers des tribunaux, d'agir sur la recommandation de leurs gouvernements respectifs. Quatorze Puissances, y compris les États-Unis, ont adhéré à cet accord1 qui donne beaucoup plus de satisfaction que les anciennes juridictions consulaires. Il a été renouvelé d'intervalle en intervalle.

On ne peut douter qu'il ne se soit commis des abus, par suite des grandes immunités accordées, sous le régime consulaire, aux sujets des États chrétiens dans les pays d'Orient, et de l'impuissance du souverain local à exercer sur eux aucune autorité. On n'a qu'à se figurer une affaire, dans quelque région reculée, loin de l'influence de l'opinion publique civilisée, où le sujet protégé soit un fripon et le consul un homme négligent et peu scrupuleux, pour voir quelle grave injustice peut être commise sans possibilité d'une réparation. Certains États permettent à leurs consuls de naturaliser les étrangers avec grande facilité; et l'on a dit la moitié des misérables du Levant trouvaient à propos, que pour échapper à la juridiction locale au Maroc et dans les parties frontières de l'Empire turc, d'acquérir une nationalité étrangère, à l'abri de laquelle ils fraudaient et pillaient les indigènes impunément. Les États chrétiens qui se respectent ne peuvent exercer, en ces questions, trop de vigilance. Ils doivent, dans l'intérêt de leurs nationaux, exiger pour eux un régime d'immunités; mais ils ne devraient pas laisser le privilège nécessaire à la protection de leurs sujets devenir un moyen d'opprimer les sujets du souverain local.

Quand des pays, jusqu'ici gouvernés par des chefs indigènes du type oriental, passent sous l'autorité de Puissances chrétiennes et civilisées, un des premiers soins de celles-ci est d'abolir les tribunaux consulaires, afin de devenir réellement maîtresses de leurs propres possessions; et les

1 Holland, European Concert in the Eastern Question, pp. 102, 103, 128-147.

États qui possèdent, en vertu des traités, le droit de maintenir ces tribunaux ne font d'ordinaire aucune difficulté d'y renoncer. Ainsi, quand, en 1881, la France établit sur la Régence de Tunis un protectorat qui ne se distinguait d'une complète annexion que par le nom, elle entama des négociations avec les Puissances qui avaient avec la Tunisie ce qu'on appelle des capitulations consulaires, et fut en 1884 en état de remplacer les tribunaux consulaires par des juges français.1 Et, lorsqu'en 1896 elle fit passer Madagascar du rang de protectorat colonial à celui de colonie française, elle engagea d'autres négociations avec la GrandeBretagne pour la reconnaissance de la juridiction territoriale des tribunaux français qu'elle établit dans l'île. En 1897, elle parvint à ses fins sur la promesse d'accorder pareille reconnaissance aux tribunaux anglais qu'on allait établir dans

le protectorat britannique de Zanzibar.2 De même que les États de civilisation européenne inclinent à obtenir l'abolition de tous les privilèges qui peuvent entraver l'exercice de la juridiction territoriale, quand ils ont étendu leur autorité sur des pays où le régime des tribunaux consulaires était antérieurement florissant, de même les puissants États de l'Orient, quand ils ont mis en pratique les idées de justice familières à la pensée de l'Occident, désirent être affranchis des restrictions à leur autorité par eux accordées dans leurs jours de faiblesse. Quand le Japon, par exemple, eut montré en 1894 sa force et sa civilisation, les Grandes Puissances européennes et les États-Unis d'Amérique, jugeant que ses tribunaux nationaux assuraient une sécurité suffisante aux vies et biens de leurs sujets sur son territoire, abolirent par traités passés avec son gouvernement leur juridiction consulaire. La Grande-Bretagne montra le chemin ; 'les autres suivirent; à la fin du siècle l'affranchissement était complet.3 La Turquie est ambitieuse de suivre les traces du Japon,

1 Statesman's Year Book, 1894, p. 523.

2 British Parliamentary Papers, Africa No. 8, 1897, p. 59.
3 Hall, International Law, 5o éd., p. 53, note.

mais son gouvernement doit présenter de plus grands signes de sagesse et de justice qu'il n'en a de longtemps montrés, avant que les États d'Occident puissent s'en remettre à lui du sort de leurs citoyens dans son territoire.

§ 110

Un Etat

tenu de l'accorder en

d'un traité

oblige.

Le sujet que nous avons maintenant à considérer est Extradition. l'Extradition, qui peut se définir : La remise par un Etat n'est pas à un autre Etat d'un individu qui est trouvé dans le territoire du premier, et est accusé d'avoir commis un crime l'absence dans le territoire du second; ou qui, ayant commis un qui l'y crime en dehors du territoire du second, est un de ses sujets et, comme tel, d'après sa loi, justiciable de sa juridiction. Ces remises se font habituellement en vertu d'obligations contractuelles, quoiqu'il y ait eu des cas où des criminels ont été livrés en l'absence de toute disposition conventionnelle. Le plus ancien traité d'extradition rapporté par l'histoire fut négocié, environ treize cents ans avant Jésus-Christ, entre Rhamses II, roi d'Égypte (le Pharaon qui ne connut pas Joseph), et Khitasir, roi de Khita. Il stipulait amitié et alliance entre les deux monarques et le fidèle renvoi des fugitifs de leurs deux pays l'un à l'autre.1 Mais l'exemple donné à une époque si reculée n'a pas été grandement suivi jusqu'à ces derniers temps; et, quand des conventions pour la remise mutuelle furent faites, elles ne visaient le plus souvent que les coupables politiques. Le plus grand nombre des traités d'extradition datent du dix-neuvième siècle et même de sa dernière moitié. Ils ont été rendus nécessaires par le rapide développement des relations entre les peuples et la grande prépondérance de l'opinion en faveur de la doctrine que toute compétence criminelle est, en principe, territoriale.

Ceux qui ont écrit sur le droit international diffèrent sensiblement sur le point de savoir si un État est obligé de

1 Brugsch, Egypt and the Pharaohs, vol. ii, pp. 71–76.

remettre les criminels fugitifs à moins qu'il n'en ait pris l'engagement par traité. La plupart des auteurs sont pour la négative; on peut en dire de même des hommes d'État et des juges. Chaque État doit décider lui-même si, en l'absence des dispositions d'un traité, il livrera ou non les criminels; mais il est aujourd'hui généralement admis que la remise, bien qu'elle ait souvent eu lieu, est une affaire de courtoisie et non de droit. Il n'y a pas une règle de droit international qui commande aux gouvernements de se renvoyer les uns aux autres ceux qui fuient la justice, à la demande du pays où le crime fut commis. La pratique des États offre des différences. En Amérique, on estime que, en l'absence d'un traité, il n'y a pas de loi qui autorise le Président à remettre une personne quelconque accusée d'avoir commis un crime sur le territoire d'une nation étrangère, ou du moins qu'il y a des doutes graves quant à son droit d'y procéder.1 Remise fut faite en 1864 dans le cas d'Arguelles, qui fut livré aux autorités espagnoles pour un crime d'un caractère particulièrement atroce, bien qu'il n'existât pas alors avec l'Espagne de traité d'extradition; et, à cette occasion, le Sénat, intervenant, demanda en vertu de quelle loi ou de quel traité la remise avait été faite. M. Seward, secrétaire d'État, reconnut dans sa réponse que les ÉtatsUnis n'avaient aucune obligation d'y procéder, et la justifia par des raisons d'humanité et de courtoisie. Les efforts en vue d'empêcher la remise échouèrent; mais la question du pouvoir de l'accorder ne fut jamais judiciairement décidée.2 La loi en Angleterre se montre fortement opposée à la remise. On croit que le droit commun ne donne pas à l'exécutif le pouvoir d'arrêter un étranger et de le remettre à un autre État.3 La Couronne a le droit de négocier des traités d'extradition; mais leurs dispositions ne peuvent

1 Note sur l'Extradition, Treaties of the United States, pp. 1289, 1291. 2 Wheaton, International Law (éd. de Dana), p. 183, note; Moore, International Law Digest, vol. iv, pp. 246–253.

3 Clarke, Extradition, ch. v.

« PreviousContinue »