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choses qui semble encore à quelques hommes d'État et publicistes presque un dogme sacré ? Que les États doivent rester égaux devant la loi dans les questions de juridiction, de droits patrimoniaux, de privilèges diplomatiques, c'est d'évidence. Mais il semble presque aussi évident qu'ils ne peuvent demeurer égaux en ce qu'on peut appeler droits politiques et position sociale, aujourd'hui que la société des nations a pris conscience d'elle-même, et qu'elle se prépare à exercer les fonctions législatives, administratives et judiciaires.

§ 117

cérémonial

Le principe d'égalité, sous les restrictions proposées aux Questions de paragraphes précédents, pénètre de son influence l'ensemble du et d'étidroit international.. Mais les règles précises qu'on y peut quete sou rapporter sont en petit nombre et d'une importance principe d'égalité. secondaire. Elles sont relatives aux questions de cérémonie et d'étiquette, qui sont les signes extérieurs de l'égalité ou de son contraire. Le principe semble demander que tous les États indépendants soient traités pareillement ; mais, s'il en peut être ainsi dans certaines matières, telles que les salves d'artillerie ou les gardes pour le service d'honneur, c'est impossible dans d'autres, telles que l'ordre des places à une cérémonie officielle, ou l'ordre des signatures d'un document international. Pour faire face aux difficultés occasionnées par ces cas et par d'autres de même ordre, des règles ont été imaginées afin de réconcilier l'égalité théorique des États avec la préséance qui doit nécessairement exister entre les souverains et leurs représentants. Au dix-septième et au dix-huitième siècle, s'attachait aux questions d'étiquette une importance exagérée. Les lecteurs de l'Histoire de Macaulay se rappelleront la description pittoresque, au chapitre xxii, des querelles des plénipotentiaires assemblés à la Conférence de Ryswick; et ceux qui désirent en savoir davantage sur le sujet trouveront ce qu'ils souhaitent dans les Lectures on Diplomacy

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Règles de préséance

aux États et à leurs représentants.

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de Bernard. Un amusant exemple des bagatelles qui engendraient des différends nous est offert dans le rapport de Sir John Finett sur les fêtes du mariage de la Princesse Élisabeth, fille de Jacques Ier d'Angleterre, avec Frédéric, Électeur palatin. Le digne chevalier était maître de cérémonies à la Cour d'Angleterre, et prenait évidemment sa personne et les devoirs de sa charge très au sérieux. Nous joignons une courte citation de ses Observations touching Forren Ambassadors. Il écrit: En cette occasion les Ambassadeurs de France et de Venise se montrèrent bien pointilleux. Le premier s'efforça d'avoir le pas sur le Prince. Le second insista sur ce qu'on ne devait pas s'asseoir à table sans chaises (quoique le Prince . . . n'eût qu'un tabouret, le Comte Palatin et la Princesse ayant des chaises seulement en l'honneur du jour) et demanda que, selon l'étiquette, l'écuyer tranchant ne se tînt pas près de lui; mais ni l'un ni l'autre ne furent écoutés dans leurs folles prétentions.' Toutes les disputes à propos de cérémonie ne furent pas, toutefois, aussi fantasques ou si aisément terminées que celle-ci. Quelquefois elles menèrent à l'effusion du sang, et furent le prétexte, sinon la cause réelle, d'une guerre: ainsi, lorsqu'en 1672 Charles II d'Angleterre ouvrit les hostilités contre les Provinces-Unies, en alléguant qu'un de ses yachts royaux n'avait pas été correctement salué en traversant la flotte hollandaise près des côtes de Zélande.

§ 118

Mais il ne faut pas supposer que l'étiquette soit tout applicables à fait dénuée d'importance, ou que, dans les temps modernes, les États aient cessé de l'observer, parce qu'ils ne vont plus en guerre pour de tels sujets que titres et saluts. Il est nécessaire, pour que la conduite des affaires internationales se fasse avec ordre et dignité, qu'il existe des cérémonies et que des règles de préséance soient établies et

acceptées. La courtoisie demande que les États s'attachent à ces règles dans leurs rapports mutuels. La Puissance qui les néglige s'abaisse dans la société des nations au niveau d'un rustre grossier dans la société des individus. Bien plus, quelques-unes sont symboliques. L'honneur rendu au drapeau, par exemple, quand il est salué par un bâtiment de guerre étranger entrant dans un port ami, est quelque chose de plus qu'un acte d'étiquette. L'omission du salut signifierait que l'État visité est inférieur aux autres États qui recevraient toujours l'honneur accoutumé; et, par conséquent, l'oubli du tir du nombre habituel de coups de canon causerait un juste ressentiment. Mais il est peu vraisemblable que pareil fait advienne à l'avenir, et, s'il arrive, on peut sûrement affirmer que la paix des nations n'en sera pas troublée. Plusieurs des anciennes difficultés se sont trouvées réglées par un accord exprès ou tacite, d'autres ont disparu par le cours du temps et le changement des circonstances, et, quant à celles qui demeurent encore, la disposition à transiger en évitant de mettre des bagatelles au rang des affaires de haute importance prévaut heureusement.

Nous ferons brièvement l'esquisse des arrangements existants, en traitant d'abord des

Règles de préséance des Etats et de leurs représentants.

Le rang relatif des États et des souverains n'a jamais été déterminé par un accord général. Un ordre fixe de préséance est parfaitement compatible avec l'égalité devant la loi; mais, comme l'orgueil des souverains est intéressé dans les questions de cette nature, un tel ordre n'a jamais été accepté. La tentative qui se fit au Congrès de Vienne de classer les États de l'Europe aux fins de l'étiquette a complètement échoué. La coutume a, cependant, donné naissance à un petit nombre de règles. L'usage était de laisser aux États qui jouissaient des honneurs royaux la préséance sur les États dépourvus de ces hon

neurs.

Mais comme la jouissance des honneurs royaux ne

comporte plus que le droit d'envoyer des ministres diplomatiques de première classe, droit accordé aujourd'hui à tous les États indépendants, la distinction qui se base sur elle est devenue surannée et sans signification. Les règles aujourd'hui en vigueur sont les suivantes: (a) Les États pleinement souverains prennent le pas sur les États placés sous l'autorité d'un suzerain. (b) La préséance est accordée au Pape par les États catholiques romains, mais non par les États protestants ou par les États qui professent la foi de l'Église grecque. (c) Les souverains qui sont des têtes couronnées ont le pas sur ceux qui ne le sont pas, tels que les Grands-Ducs ou les Électeurs; mais les puissantes républiques, comme les États-Unis et la France, prennent rang avec les grands États monarchiques. La vieille opinion qu'une république était inférieure à un empire ou à un royaume n'a maintenant que peu d'autorité; mais il y a deux cents ans elle était extrêmement forte. Les Hollandais eurent beaucoup de peine à assurer leur position au Congrès de Münster et en d'autres occasions; il fallut toute la fermeté de Cromwell pour assurer à la République le rang aux cérémonies accordé à l'ancienne Monarchie d'Angleterre.

Quand un grand traité ou un autre document international doit être signé par plusieurs Puissances, on emploie divers expédients afin de prévenir les contestations de préséance. Le plus connu est l'Alternat, usage par lequel les signatures alternent dans un ordre régulier, ou dans un ordre déterminé par le sort, le nom du représentant de chaque État se plaçant le premier dans l'exemplaire gardé par son État. Le procédé généralement adopté maintenant consiste à signer dans l'ordre alphabétique des noms en français des Puissances.

Le rang respectif des agents diplomatiques réguliers des États est déterminé par des règles fixes qui ont reçu l'approbation générale et sont appliquées par toutes les nations civilisées. Nous les discuterons quand nous traiterons de la Diplomatie et de la Négociation.1

1 V. § 123.

§ 119

Nous examinerons maintenant

Les titres et leur reconnaissance par les autres Etats.

Les titres et

leur reconnaissance

par les

Chaque souverain peut prendre tout titre que lui confère autres Etats. la loi de son pays; et ses sujets sont, naturellement, tenus de s'en servir dans tous les documents officiels. Mais les autres États n'ont aucune obligation internationale d'employer un titre nouveau pris par le chef de l'un d'eux. Ils peuvent s'y refuser, et continuer dans leurs relations officielles à se servir de l'ancien titre, ou bien ne se servir du nouveau que sous condition: parti quelquefois suivi si le nouveau titre est estimé plus élevé que l'ancien. On convient alors que son usage ne doit pas être considéré comme attribuant un plus haut degré de rang et de préséance au souverain qui l'a pris. Ces arrangements sont bien illustrés par l'histoire de l'accueil et de la reconnaissance à l'étranger du titre impérial de Czar de Russie. Pierre le Grand se proclama Empereur de toutes les Russies en 1701. L'Angleterre fut la seule Puissance qui reconnût le nouveau titre sur-le-champ. La Prusse ne l'accepta pas jusqu'en 1723, l'Empire allemand jusqu'en 1746, l'Espagne jusqu'en 1759 et la Pologne jusqu'en 1764.1 Quand la France le reconnut en 1745, elle stipula que ce fait ne changerait rien au cérémonial jusqu'alors observé entre les deux cours.

§ 120

Le dernier objet que nous avons à considérer relativement Cérémonial à l'égalité et ses signes extérieurs est

Le cérémonial maritime.

Ce sont les saluts entre les navires ou entre les navires et les forts. On les rend par des feux d'artillerie ou

1. Halleck, International Law (éd. de Baker), vol. i, p. 126.

maritime.

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