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PREMIÈRE PARTIE

INTRODUCTION

CHAPITRE I

DÉFINITION ET NATURE DU DROIT INTERNATIONAL

§ 1

du droit

Le droit international peut se définir les règles qui déter- Définition minent la conduite de la généralité des États civilisés dans leurs internat relations entre eux'. En droit international comme dans tional. Difficultés les autres sciences une bonne définition est un des derniers pour qu'elle' soit entièrerésultats qu'on puisse atteindre. Tant que la nature et l'objet ment satisd'une étude ne sont pas clairement aperçus, les frontières faisante. n'en peuvent être déterminées avec une parfaite exactitude. Une définition doit, pour être satisfaisante, marquer avec précision les traits par lesquels l'objet à définir se distingue des autres; faute de quoi, elle reste soit incomplète, soit trompeuse. On peut donc s'attendre à ce que différentes définitions d'une science soient données, non seulement dans son enfance, avant que sa nature et ses limites soient clairement comprises, mais même dans sa maturité, si ceux qui la cultivent n'ont pas le même avis sur ses méthodes et l'étendue des matières dont elle traite. Le droit international est dans ce dernier cas. Il a été étudié pendant des siècles; mais, tout en s'approchant graduellement de l'adoption d'un corps de doctrine ferme, ceux qui l'exposaient ne se sont cependant pas accordés sur des questions telles que le caractère exact de leurs modes de raisonnement ou le rapport de leur science à la morale et à la jurisprudence. Il en résulte que la définition de chaque auteur reflète, dans une certaine mesure, ses vues personnelles: la définition qui a trouvé place en tête de ce chapitre n'échappe pas à cette règle générale. Elle regarde le droit international non comme

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⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀ DEFINITION DU DROIT INTERNATIONAL

sont des règles, qu'ils

soient ou

non des lois.

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un instrument pour la découverte et l'interprétation d'une règle transcendante de droit liant les États en tant qu'êtres moraux, qu'ils l'observent ou non en fait, mais comme une science, dont le principal objet est de dégager, au moyen de l'observation, les règles actuellement suivies par les États dans leurs rapports entre eux et de classer et sérier ces règles en les rattachant aux principes fondamentaux sur lesquelles elles reposent.

§ 2

Les principes On voudra bien observer que, dans la définition par nous du droit international donnée, aucune mention n'est faite des droits et obligations des États. Ces termes ont été soigneusement écartés afin d'éviter la question controversée de savoir si la loi internationale est, à rigoureusement parler, une loi ou non. Si c'est vraiment une loi, elle confère des droits et crée des obligations; mais si le terme loi s'y applique inexactement, on ne peut vraiment parler de droits et d'obligations qui en découlent. En traçant une définition, il convient d'y introduire le moins possible de controverse, sans sacrifier la clarté au désir d'éviter les difficultés. En vertu de ce principe, nous avons employé le terme neutre règles au lieu du mot discuté lois et nous avons écarté du même coup l'expression droits et obligations. La question de savoir si notre science mérite le nom de droit sera discutée plus loin;1 mais, quelque parti qu'on prenne dans la controverse, on peut adopter la définition mise en tête de ce chapitre.

Le droit interna

tional est généralement

§ 3

Les gouvernements de tous États, civilisés ou barbares, exercent leur activité, non seulement suivant des règles observé par propres à leurs affaires intérieures, mais aussi d'après des règles propres à leur conduite au regard des gouvernements et des peuples des autres États. Ils ne peuvent agir

que parfois certaines de

ses prescriptions soient méconnues.

1 V. § 9.

comme s'ils étaient seuls au monde, pour la simple raison qu'ils ne sont pas seuls. La coexistence d'États à la surface du globe les oblige d'avoir égard l'un à l'autre ; et, plus civilisés sont les États, plus étroits sont leurs rapports. Le commerce, le mariage mixte, la découverte scientifique, la communauté de religion, l'harmonie des idées politiques, l'admiration mutuelle des chefs-d'œuvre de l'art et de la littérature, l'identité des intérêts ou même des passions, et des préjugés, toutes ces causes-sans compter les autres — tendent à lier les États en un corps social analogue à celui qui groupe l'individu et ses semblables. Mais, de même que les hommes ne pourraient vivre en société sans lois et coutumes pour régir leurs actes, ainsi les États ne peuvent avoir de relations réciproques sans règles pour déterminer leur conduite. Le corps de ces règles s'appelle le droit international. Comme toute autre loi, il est à l'occasion enfreint par un certain nombre de ceux qui vivent sous son autorité; et, faute d'une force coercitive pour contraindre les nations à l'obéissance, il est plus susceptible d'être transgressé que la loi nationale. Mais, nonobstant toute affirmation contraire, il est généralement observé. Il détermine la conduite de la généralité des États civilisés': c'est tout ce qu'affirme notre définition.

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interna

seulement

civilisés,

A strictement parler, il n'y a pas un droit international, Le droit mais plusieurs. Partout où des peuples sont forcés par la tional contiguïté de leurs territoires ou d'autres circonstances s'applique d'entrer en rapport entre eux, un ensemble de règles et de aux États coutumes est assuré de se développer et leurs relations bien qu'il ne réciproques se trouvent ainsi tracées. Les règles varieront soit pas avec la différence des temps et des groupes. La nature en États sera déterminée par les idées courantes au sujet des relations pacifiques et des pratiques permises dans la guerre. Dans ces matières, les conceptions de l'antiquité classique diffèrent

limité aux

chrétiens.

Le droit international

la conduite des États, dans leurs rapports mutuels,

hostiles ou pacifiques.

considérablement de celles du monde moderne; et, à notre époque, il existe un abîme entre les vues des peuples civilisés d'Europe et d'Amérique, d'une part, et des peuples barbares, de l'autre. Mais, bien qu'il y ait plusieurs systèmes de droit international, il n'y en a qu'un d'important : c'est à lui que, d'un commun accord, le nom s'est appliqué. Il s'est formé dans l'Europe chrétienne, bien que plus d'une de ses racines plonge dans le passé jusqu'à l'ancienne Grèce et l'ancienne Rome. Il a été adopté à l'époque moderne par tous les États civilisés du globe. Il n'oblige pas moins les nations du continent Américain que les Puissances d'Europe; et, parmi les États d'Asie, le Japon, non content de l'observer avec soin, prend une part active à son développement. Nous nous sommes donc, en le définissant, référé à lui comme aux règles qui déterminent la conduite de la généralité des États

civilisés'.

§ 5

6

Nous avons jusqu'ici parlé des relations des États et des règles qui s'y appliquent. Mais une grande partie du réglemente droit international se compose de règles relatives à la conduite des hostilités, et la guerre ne peut être désignée comme une relation. Si cependant elle n'en est pas une, elle provient de l'existence de relations réciproques; car, si les États pouvaient vivre une vie solitaire, quoique non amicale, ils n'auraient jamais de querelle. Bien plus, les États civilisés en sont venus au cours des âges à adopter et, dans une grande mesure, à observer un certain nombre de règles très importantes pour déterminer leur conduite en temps de guerre, soit au regard de l'ennemi, soit au regard des autres États non impliqués dans la querelle. Et ces derniers, qu'on appelle neutres, ont aussi des règles à observer à l'égard des belligérants. Toutes ces règles font partie du droit international, car elles guident les États dans leurs rapports mutuels. Nous nous sommes efforcé de les introduire dans notre définition,

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