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en amenant les voiles. La loi de chaque pays prescrit les détails du cérémonial entre ses propres navires. Entre navires de différents États, ou entre les navires d'un État et les forts et batteries de terre d'un autre, les questions sont réglées par des dispositions expresses ou par la coutume internationale. Aux jours où les États revendiquaient la souveraineté sur des parties de haute mer et où le fait de saluer le premier était regardé comme une reconnaissance de supériorité, de grandes contestations s'élevèrent au sujet des saluts. Les croiseurs anglais avaient l'ordre de capturer les navires qui refusaient de rendre les honneurs convenables à leur pavillon dans les mers revendiquées comme une partie des possessions territoriales de la Couronne.1 Philippe II d'Espagne défendit à ses vaisseaux de saluer les premiers en passant devant les villes et les forts des autres souverains. La France et la Russie, désespérant de venir à bout de leurs difficultés, convinrent par traité, en 1787, qu'à l'avenir il n'y aurait pas de saluts entre leurs navires, soit au port, soit dans la haute mer; une Convention semblable fut négociée en 1829 entre la Russie et le Danemark.2 Dans les temps modernes, le salut est regardé simplement comme un acte de courtoisie; et les traités et la coutume ont donné naissance à un certain nombre de règles qui jouissent de l'approbation générale. Voici les principales: (a) Un navire de guerre entrant dans un port étranger ou passant devant un fort salue le premier, à moins que le souverain ou son ambassadeur ne soit à bord, cas auquel le port ou le fort salue le premier. En tout cas la salve, qui passe pour être un honneur rendu au pavillon national, est rendue coup pour coup, par un fort s'il y en a dans la place, sinon par un navire de guerre. (b) Quand des navires publics de différentes nationalités se rencontrent, le navire ou l'escadre

1 Walker, Science of International Law, pp. 167–171.

2 D'Hauterive et De Cussy, Recueil des Traités, part. I, vol. iii, p. 252, et part. II, vol. ii, p. 70.

commandé par l'officier de grade inférieur salue le premier, et le salut est rendu coup pour coup. (c) Aucune salve internationale ne doit dépasser vingt et un coups de canon. (d) Les navires marchands saluent les navires de guerre en amenant les huniers, s'ils n'ont pas de canons à bord. Quelquefois le pavillon est amené, mais la plupart des États y voient une dérogation à leur dignité.1

1 Perels, Seerecht, pp. 139–143.

Nécessité des rapports diplomatiques. Extension des ambas

sades permanentes.

CHAPITRE V

DROITS ET DEVOIRS RELATIFS A LA DIPLOMATIE

§ 121

LES affaires des nations ne pouvaient se gérer sans mutuelles relations. Tout État, quelque barbare qu'il soit, le reconnaît; même les tribus sauvages respectent les personnes des hérauts et des envoyés. Mais, dans la famille des nations civilisées qui sont les sujets du droit international, les relations s'exercent dans une grande et toujours croissante mesure; et avec son accroissement s'est développé, pour sa réalisation, tout un régime de formalités spéciales, avec des agents spéciaux dotés d'immunités particulières.

Au moyen âge, où les relations entre les peuples étaient relativement faibles, les négociations n'étaient que des incidents d'occasion dans la vie d'un État. Elles se faisaient par des envoyés, dépêchés à l'étranger pour traiter une affaire spéciale immédiate et qui devaient s'en retourner aussitôt l'affaire terminée. C'était souvent un service de difficultés et de péril, car bien que les personnes des ambassadeurs fussent regardées comme sacrées dans le pays où ils étaient envoyés, ils ne trouvaient que peu de protection dans les États qu'ils traversaient. Il y avait de nombreuses bandes de brigands contre lesquelles il fallait se défendre et des obstacles physiques qu'il fallait surmonter.1 La reprise du commerce et le réveil des lettres au temps de la Renaissance, l'immense impulsion imprimée à l'activité humaine par la découverte du Nouveau Monde, rendirent les relations entre les États plus communes et plus nécessaires qu'auparavant. Mais l'introduction de la pratique

1 Bernard, Lectures on Diplomacy, pp. 121, 122.

d'envoyer des ambassadeurs permanents résider dans les cours étrangères est due plutôt à son intérêt politique qu'à son utilité. Elle commença au quatorzième siècle parmi les grandes républiques italiennes ; mais Louis XI, roi de France, qui régna de 1461 à 1483, fut, dit-on, le premier souverain de l'Europe occidentale qui y eut recours: son dessein était d'avoir une sorte d'espion en titre à la cour de chacun de ses puissants voisins. Avec le temps la commodité de cette pratique lui assura l'adoption générale, et vers le milieu du dix-septième siècle elle fut reconnue comme la méthode régulière des relations diplomatiques.

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Mais elle eut à se frayer chemin à travers une masse de méfiances et de suspicions, causées principalement par le caractère peu scrupuleux des premiers diplomates: S'ils vous mentent, mentez-leur encore plus,' disait Louis XI à ses ambassadeurs.1 Un ambassadeur', disait Sir Henry Wotton, dans une mordante épigramme, 'est une personne qui est envoyée pour mentir à l'étranger pour le bien de sa patrie.' Henri VII, roi d'Angleterre, est loué par Coke comme Roi sage et politique' parce qu'il ne voulait pas permettre aux ambassadeurs des autres États de demeurer à sa cour après avoir terminé leur mission; 2 et jusqu'en 1660 on voit la Diète de Pologne menacer de traiter les ambassadeurs de France comme des espions s'ils ne retournaient pas chez eux.3 Mais le nouveau système devint une nécessité quand la complexité des affaires internationales s'accrut au dix-septième siècle; et, malgré l'opinion défavorable de Grotius que les ambassades permanentes peuvent être exclues des États, qu'elles sont‘aujourd'hui habituelles, mais non pas nécessaires', elles grandissent et prospèrent: des règles multiples et variées se développèrent avec elles et peu à peu s'introduisirent dans le droit international.

1 Flassan, Diplomatie française, vol. i, p. 247.

2 Fourth Institute, ch. xxvi.

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3 Ward, History of the Law of Nations, vol. ii, p. 484.

4 De Iure Belli ac Pacis, liv. II, ch. xviii, 3.

§ 122

Développe ment des

sortes de missions diplomatiques.

Au début les ministres diplomatiques n'étaient que d'une différentes espèce: communément appelés ambassadeurs ils étaient censés représenter la personne autant que les intérêts de leur souverain. Louis XI de France introduisit la coutume d'envoyer des personnes d'un rang inférieur, appelées ‘agents', pour traiter les affaires sans représenter la personne. Sa diplomatie agissait souvent dans l'ombre. Il envoyait parfois son barbier en mission secrète: son but aurait été trahi par l'exhibition du cérémonial officiel.

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Telle était la situation au début du dix-septième siècle, quand les légations permanentes se généralisèrent. Bientôt après on vit l'agent disparaître des rangs du cérémonial diplomatique pour devenir simplement une personne désignée par un prince en vue de traiter ses affaires privées à une cour étrangère. Mais la séparation du représentant de la personne du souverain et du représentant des intérêts du souverain continua. Le premier fut appelé ambassadeur, le second 'envoyé' ou 'envoyé extraordinaire'. Au-dessous de l'envoyé vint au commencement du dix-huitième siècle une troisième classe appelée résidents'. Vattel dit d'eux que leur représentation est en réalité de la même nature que celle de l'envoyé', mais la coutume les plaça sans hésiter au-dessous du second ordre des ministres diplomatiques. Quelquefois ils n'avaient pas de lettres de créance, et dans ce cas leur mission ne dut avoir qu'un caractère semi-privé. A ces trois ordres d'agents diplomatiques s'en ajouta au dix-huitième siècle un quatrième, celui des ministres '. Selon Vattel, cela se fit pour éviter les continuelles contestations sur la préséance qui semblent avoir absorbé une part considérable du temps et de l'énergie des diplomates des dix-septième et dixhuitième siècles. Il dit: Le ministre représente son maître

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