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des raisons sérieuses de recevoir un individu particulier, ou réclamer son rappel.

refuser pour matique d'un de ses voisins s'il a de bonnes raisons à donner contre ce choix. Le fait qu'elle est personnellement antipathique au souverain du pays où l'on se propose de l'envoyer est admis comme un motif suffisant de refus. Ainsi la France refusa de recevoir le Duc de Buckingham comme ambassadeur extraordinaire de Charles Ier, roi d'Angleterre, parce que, dans une précédente visite à la Cour de France, il s'était posé en ardent admirateur de la reine.1 Mais si l'objection n'est pas jugée raisonnable, le gouvernement qui propose d'envoyer le représentant n'est pas tenu d'acquiescer à son refus. Un cas de ce genre se présenta en 1885, quand l'Autriche refusa de recevoir M. A. M. Keiley comme ministre des États-Unis, pour la raison que sa femme était juive et qu'il ne l'avait épousée que civilement. Le Président Cleveland refusa d'annuler sa nomination, et, après sa démission, refusa de faire une nouvelle nomination, mais confia les intérêts américains à Vienne au secrétaire de la légation agissant comme chargé d'affaires ad interim.2

Une autre raison pour rejeter un représentant diplomatique est une hostilité publique et prononcée de sa part envers le peuple ou les institutions du pays près duquel il est accrédité. Le même M. Keiley, qui ne fut pas agréé par le Gouvernement d'Autriche-Hongrie, avait auparavant été, pour de bien meilleures raisons, refusé par le royaume d'Italie. Il avait parlé dans une réunion publique contre la destruction du pouvoir temporel du Pape; et, comme elle fut effectuée par les armes de l'Italie, et que, par suite, des relations pleines d'animosité se formèrent entre la Papauté et le Gouvernement italien, il était difficile de supposer que sa mission pût être remplie d'une façon acceptable. Ce cas, arrivé, comme l'autre, au même candidat aux honneurs diplomatiques, montre la sagesse de la coutume suivant laquelle l'État qui nomme doit auparavant s'enquérir si la personne

1 Gardiner, England under the Duke of Buckingham and Charles I, vol. i, pp. 182, 183, 329.

2 Moore, International Law Digest, vol. iv,
3 Ibid., p. 480.

pp. 481-484.

qu'il se propose de désigner est agréable au gouvernement auquel il se propose de l'envoyer. Les États-Unis suivent aujourd'hui cette pratique à l'égard des ambassadeurs.

Si le représentant proposé est un des sujets de l'État auquel il est envoyé, cet État peut décliner de le recevoir pour la raison que les immunités d'un ambassadeur sont incompatibles avec les devoirs d'un citoyen. Mais, s'il est reçu, les privilèges diplomatiques doivent lui être accordés sans restriction. Son pays peut le refuser, ou l'accepter sous des conditions agréées par l'État qui l'envoie, mais, l'ayant une fois reçu sans condition, il n'a pas la liberté d'exercer aucune autorité sur lui, parce qu'il est sujet et par conséquent justiciable de sa loi. Ce point fut soulevé dans le cas de Sir Halliday Macartney, şujet anglais qui faisait fonctions de secrétaire à la légation chinoise à Londres. On essaya en 1890 de l'obliger à payer des contributions locales sur la maison qu'il occupait; mais il fut décidé que cette prétention n'était pas défendable, puisqu'il avait été reçu sans condition dans sa qualité de diplomate et, par conséquent, avait droit à toutes les immunités diplomatiques.1

De même qu'un État peut sans offense refuser de recevoir une personne déterminée comme représentant diplomatique d'un autre État, s'il a de raisonnables motifs de refus, de même il peut demander le rappel d'un ambassadeur résident ou d'un autre agent qui s'est rendu désagréable au gouvernement du pays ou au chef de l'État. Une semblable requête est accueillie s'il y a bonne raison pour cela, et si la patrie de l'ambassadeur désire rester en bons termes avec le pays qui demande son rappel; mais la meilleure opinion semble être qu'elle n'est pas obligée de le rappeler simplement parce qu'elle est informée du désir de l'autre gouvernement d'être débarrassé de l'individu en question. L'État a le droit de demander les motifs et

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1 London Times, February 25, 1890.

2 Message du Président Harrison, 25 janvier 1892.

de les juger; et bien que, s'il les trouve trop faibles, il ne puisse pas forcer les autorités de l'autre État intéressé à traiter les affaires diplomatiques avec l'agent dont la conduite est attaquée, il peut refuser de le rappeler, et peut marquer son ressentiment pour son renvoi en laissant l'ambassade pendant un temps sous la garde d'un membre subalterne de son service diplomatique. L'histoire des États-Unis, à leur origine, offre un exemple du rappel d'un ministre diplomatique sur une demande occasionnée par la plus persistante et la plus injurieuse des provocations. M. Genet, ministre de la République française, viola ouvertement la neutralité des États-Unis dans la guerre entre l'Angleterre et la France révolutionnaire. Il essaya même d'établir des cours de prises françaises dans les limites de la juridiction américaine; et, loin de prêter attention aux remontrances qui lui furent faites par l'administration de Washington, il travailla à exciter le sentiment populaire contre le président et son cabinet. A la fin une demande fut faite pour son rappel; et le Gouvernement français, non seulement y accéda en 1794, mais demanda que lui et ses agents fussent envoyés en France en état d'arrestation, mesure extrême que Washington a très sagement refusé de prendre.1 Dans un cas bien plus récent, le congé fut accordé sur une demande de rappel. Au cours de la campagne présidentielle de 1888, Lord Sackville, ministre anglais à Washington, reçut une communication paraissant venir de M. Murchison, citoyen de naissance anglaise, naturalisé américain, résidant en Californie. La lettre lui demandait des renseignements sur l'amitié de l'administration existante pour la Grande-Bretagne, et faisait entendre que le vote de l'auteur dépendait de la réponse, qui serait gardée tout à fait secrète'. Lord Sackville répondit, dans une communication marquée 'Personnelle', qu'il était impossible de prédire la conduite que M. Cleveland aurait envers la Grande-Bretagne s'il était réélu, mais

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1 Moore, International Law Digest, vol. iv, pp. 485-488.

que, dans la croyance de l'auteur, le parti au pouvoir était animé du désir de conserver des relations amicales avec la mère patrie. La demande de renseignements n'était qu'un piège imaginé dans un but électoral. Elle fut publiée en même temps que la réponse de Lord Sackville, et distribuée partout comme un document de lutte par le parti opposé à l'administration de Cleveland. Au milieu de l'excitation causée par la publication, le ministre anglais accorda une interview au représentant d'un journal de New-York, au cours de laquelle on rapporte qu'il aurait dit: 'Naturellement je comprends que l'action du Sénat et la lettre de représailles du Président étaient pour l'effet politique.' Trois jours après il écrivait à M. Bayard, alors secrétaire d'État, pour désavouer toute intention d'attaquer l'action de l'exécutif. Dans ces circonstances, son rappel fut demandé par télégraphe le 27 octobre. Son gouvernement ne put se décider à prendre une décision avant d'avoir été mis en possession des charges alléguées contre lui et du témoignage sur lequel elles étaient fondées; mais sans autre délai il reçut son congé et son passeport lui fut envoyé le 30 octobre. Le ministre anglais agit avec un manque de discrétion remarquable chez un diplomate de carrière; mais il avait été trompé par un artifice malhonnête et il ne convenait pas à un pays où la considération due à un représentant étranger avait été si étrangement négligée de le précipiter hors de son territoire avant que son propre gouvernement eût le moyen d'examiner le témoignage porté contre lui. De plus, une nouvelle terreur s'ajoutera à la vie officielle si l'on doit prendre ce cas comme exemple et précédent pour entourer les communications privées de la circonspection jusqu'ici réservée aux déclarations publiques.1

1 British State Papers, United States, Nos. 3 et 4 (1888); Moore, Inter national Law Digest, vol. iv, pp. 536–548.

§ 127

Point de

départ et fin

diplomatiques ;

cérémonial qui y est attaché.

Certaines règles de forme se sont créées à l'occasion de des missions la réception et du départ des ministres diplomatiques. Ils reçoivent de leur gouvernement divers documents, qui leur confèrent le caractère officiel, et leur donnent des instructions relativement aux questions qu'ils auront à traiter et aux méthodes à suivre dans les négociations. Le premier et le plus important de ces documents est la lettre de créance'. Elle donne le nom de l'agent diplomatique et l'objet général de sa mission, et demande qu'il soit reçu avec faveur et que pleine créance soit donnée à ce qu'il dit au nom de son pays. Elle est en général adressée par le souverain qui envoie le ministre au souverain qui le reçoit ; mais dans le cas d'un chargé d'affaires elle est écrite par le ministre des Affaires étrangères au ministre des Affaires étrangères; et quand le chef d'État est un président temporaire ou autre magistrat élu les lettres de créance ne sont pas adressées à lui, mais à l'État dont il est pour le moment le chef suprême.1 Le pouvoir d'agir généralement au nom de son pays est accordé par la lettre de créance que le diplomate emporte avec lui à la cour où il doit résider. Mais les agents chargés d'une affaire spéciale reçoivent un document appelé leurs pleins pouvoirs', qui est signé par le souverain qu'ils représentent et contresigné par son ministre des Affaires étrangères. Les plus communs de ces documents sont les pleins pouvoirs généraux', qui donnent pouvoir à leur possesseur de négocier avec tous les États représentés au même congrès ou à la même conférence. Ils sont en général remis au plénipotentiaire qui préside à la première séance de la conférence, ou échangés et vérifiés par les diplomates présents, qui, n'étant pas accrédités auprès d'un souverain ou de son ministre des Affaires étrangères, ne demandent pas des lettres de créance. Un agent diplomatique dûment accrédité porte

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1 Despagnet, Droit international public, pp. 228, 229.

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